RDC : l’avancée du M23 et des forces rwandaises dans le Kivu continue.
En 2025, le M23 et les forces rwandaises ont avancé de 300 kilomètres, tandis qu’environ 18.000 soldats burundais étaient déployés dans la région pour soutenir les forces congolaises face au M23. Selon les Nations Unies, quelque 200.000 personnes ont fui les combats ces derniers jours dans la région d’Uvira et plus de 6 millions de personnes sont mortes en raison des conflits en RDC depuis 1998.
Avec la conquête de la ville d’Uvira, les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, poursuivent leur avancée vers le sud, suscitant des inquiétudes au Burundi voisin. En 2025, le M23 et les forces rwandaises ont avancé de 300 kilomètres.
Uvira, située sur la rive nord du lac Tanganyika et directement en face de Bujumbura, la capitale économique du Burundi, n’est séparée de cette dernière que par une route de 20 kilomètres. Environ 18 000 soldats burundais étaient déployés dans cette région pour soutenir les forces congolaises contre le M23. Certains officiers burundais admettent auprès de l’AFP avoir subi « une humiliation » sur le terrain. En face, environ 7 000 soldats rwandais soutiennent et encadrent la rébellion du M23.
« Ni les forces congolaises, ni les forces burundaises n’ont réussi à résister aux assaillants. En réalité, l’armée rwandaise pilote la rébellion du M23. C’est l’ONU qui le dit », souligne François Ryckmans, journaliste spécialisé sur l’Afrique centrale. « Le M23 est très bien armé, très bien organisé, très efficace stratégiquement et tactiquement. À Uvira, les forces congolaises ont effectué un changement de garde la veille de la prise de la ville. C’était très maladroit militairement. Les forces congolaises, comme souvent face à ces avancées militaires, se sont enfuies, parfois même après avoir pillé une partie de la ville d’Uvira. »
Uvira avait été transformée en base de repli pour le gouverneur de la province congolaise du Sud-Kivu, après que les forces pro-rwandaises aient pris la capitale provinciale, Bukavu, en février. C’était la dernière grande ville de la province contrôlée par les autorités congolaises.
« En prenant Uvira, le M23 et l’armée rwandaise contrôlent toute la bande de territoire qui sépare le Burundi de la République démocratique du Congo », analyse François Ryckmans. « Concrètement, les échanges entre la RDC et le Burundi sont bloqués ; ils ne peuvent désormais se faire que par bateau sur le lac Tanganyika. Et nous savons aujourd’hui que dans cette zone du nord du lac, les échanges vont être contrôlés. »
Pour le Burundi, cela représente un coup dur, précise François Ryckmans : « Le pouvoir au Burundi est allié de la République démocratique du Congo contre le Rwanda, perçu comme une force menaçante et hostile. Aujourd’hui, le Burundi est enclavé : il n’a plus comme seul accès vers l’extérieur que la Tanzanie, dont l’instabilité est connue. »
Les relations entre le Burundi et le Rwanda sont tendues depuis longtemps, marquées par un conflit latent remontant pratiquement aux indépendances. « Le contentieux porte sur le fait que le pouvoir burundais est désormais aux mains de la majorité hutue, ce qui est ressenti comme une menace pour le régime de Kigali, dominé par la minorité tutsie », détaille François Ryckmans. « Cependant, il ne s’agit pas d’une rivalité ethnique entre les populations. C’est une rivalité politique manipulant l’ethnicité. » Le M23 et le Rwanda affirment s’inquiéter pour le sort des communautés tutsies dans l’est du Congo.
La prise d’Uvira est qualifiée de « gifle aux États-Unis » par le ministre burundais des Affaires étrangères, survenant à peine une semaine après la signature d’un accord de paix parrainé par Washington.
Cet accord, signé par les présidents congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagame, sous l’égide de Donald Trump, prévoyait un cessez-le-feu et un cadre d’échanges économiques entre les deux pays et avec les États-Unis.
Une partie de cet accord concernait l’exploitation des minerais présents dans le sous-sol congolais, principalement exploités par des entreprises chinoises. François Ryckmans estime que la poursuite de l’offensive pro-rwandaise en RDC ne devrait pas compromettre les ambitions économiques américaines dans la région. « L’accord précise que les minerais vont pouvoir arriver aux États-Unis, quelle que soit leur provenance, qu’elle soit congolaise ou rwandaise. Cela explique la création d’une zone de coopération économique au Kivu, à l’est du Congo. Que cela provienne de Kigali, du Katanga, par l’Angola ou par l’océan Indien, cela ne pose aucun problème aux États-Unis. Ils y auront accès. C’est pourquoi ils souhaitent raviver un couloir d’exportation et une ligne ferroviaire entre le Katanga et l’Angola, jusqu’à Lobito, permettant d’ouvrir un couloir d’exportation vers l’Atlantique. »
Une crainte grandissante en RDC est que le M23 et les forces rwandaises poursuivent leur avancée vers le sud et le riche Katanga. « C’est une hypothèse tout à fait plausible », assure François Ryckmans. « Ces forces peuvent menacer les importantes ressources minières situées au nord du Katanga. Si l’armée rwandaise et le M23 continuent de descendre lentement, comme une tache d’huile avançant en l’absence de résistance, ils pourraient atteindre le sud du Katanga, où se trouvent d’importantes mines de cobalt. Deux tiers du cobalt mondial proviennent du Katanga, essentiel pour les batteries de nos voitures. Ils pourraient également viser les grandes réserves de lithium dans la région de Manono, un enjeu entre la Chine et les États-Unis, évidemment. »
« Le Rwanda ne désire pas annexer le Congo, ni même le Kivu. Cela n’a jamais été l’objectif. Le but est de contrôler les échanges de richesses minières : coltan, zinc, étain, lithium, et tous les métaux rares, y compris l’or », précise François Ryckmans. Kigali est progressivement devenu un carrefour pour ces exportations et souhaite manifestement se développer davantage. « Le Rwanda est devenu un des principaux fournisseurs de coltan utilisé dans nos téléphones portables et appareils électroniques. Même constat pour le lithium et l’or. Une des grandes mines du Kivu assure l’exportation d’or pour le Rwanda, alors qu’on sait qu’au Rwanda, les réserves d’or sont très limitées. »
Les grandes victimes de ces enjeux géostratégiques restent les populations locales. « Il y a des exactions et des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme, envers des figures de la société civile. On observe des emprisonnements, des viols, des recrutements forcés, des assassinats. Lorsqu’un village s’oppose aux miliciens, il y a des assassinats ciblés », confirme François Ryckmans.
Selon les Nations Unies, environ 200 000 personnes ont fui les combats récents dans la région d’Uvira et des dizaines de civils ont perdu la vie. On estime que plus de 6 millions de personnes ont péri en raison des conflits en RDC depuis 1998, que ce soit en tant que victimes directes de la violence, ou à cause de la faim ou de maladies.

