Belgique

Les bâtonnières de Bruxelles ne dénoncent pas le manque de moyens à Haren

Après 2 heures de visite, Marie Dupont et Anneleen Van Hout constatent que « la prison la plus récente du pays […] est aujourd’hui un établissement qui ne répond pas à ses missions. » Actuellement, la prison de Haren accueille près de 1200 détenus, un nombre qui dépasse la capacité prévue.


Après deux heures de visite et d’échanges, l’émotion est palpable sur les visages de Marie Dupont et d’Anneleen Van Hout en sortant des bâtiments. Pour elles, la prison la plus récente du pays était, sur le papier, un projet vertueux. Cependant, il est évident qu’il s’agit aujourd’hui d’un établissement qui ne remplit pas ses missions.

Marie Dupont, bâtonnière de l’Ordre francophone au barreau de Bruxelles, déplore : « Le projet initial est en train de se déliter. On s’en éloigne de plus en plus par manque de moyens et par manque de vision. Vraiment, on sent que l’objectif n’est pas clair et qu’il y a trop peu de personnel par rapport au projet. » Un constat partagé par Anneleen Van Hout, vice-bâtonnière de l’Ordre néerlandais, qui affirme : « Il n’y a pas assez de moyens pour travailler correctement. Il y a un problème du point de vue de l’organisation. C’est très grand et je me demande comment on peut s’organiser dans une prison aussi grande. »

L’un des principaux problèmes soulevés est la surpopulation. Marie Dupont précise : « On est certes mieux lotis ici qu’à Lantin ou à Saint-Gilles. Mais la surpopulation est présente. En un mois, 43 cellules se sont retrouvées à deux personnes alors qu’elles étaient prévues pour une personne. Et ce sont des lits superposés qu’on a boulonnés au mur. On sent bien que la situation n’est pas provisoire. » Actuellement, la prison de Haren accueille près de 1200 détenus, dépassant la capacité prévue.

À la base, l’établissement pénitentiaire devait être un modèle pour l’univers carcéral. Cependant, avec le temps, les espoirs s’amenuisent. Les conditions de travail sont telles que 25 % du personnel est aujourd’hui en maladie de longue durée. Il est également difficile de recruter. Cela entraîne un déséquilibre entre le nombre de détenus et celui des encadrants, avec des conséquences administratives : « Il y a 500 détenus sur 1200 qui sont en attente d’une décision administrative. Sur ces 500, 300 ont déjà dépassé le délai légal de réponse. Et on sait que 95 % des 200 autres n’auront pas de réponse dans les temps, » ajoute Marie Dupont.

Au moment de la visite des deux représentantes du barreau de Bruxelles, des consultations médicales sont en cours dans la prison de Haren. Accéder à ces soins ressemble à un parcours du combattant pour les détenus. Marie Dupont s’indigne : « Il y a, par exemple, un seul dentiste pour l’ensemble de la prison de Haren, donc pour 1200 personnes. Lorsqu’on a une rage de dents, dans le meilleur des cas, on a des antidouleurs et on vous dit de patienter, d’attendre pour voir le dentiste. »

Le droit à l’accès aux soins de santé est pourtant fondamental, et son non-respect constituerait une violation de la loi et des conventions internationales. C’est ce que souhaitent dénoncer les bâtonnières à l’issue de leur visite. Selon Anneleen Van Hout, le manque de personnel est criant : « Il y a du personnel médical. Il y a toujours un psychiatre, plusieurs psychologues. Le problème, c’est qu’il y a trop de prisonniers. Et donc, il y a des listes d’attente. Et même si les soignants font de leur mieux, ce n’est pas évident. »

Dans la délégation du 10 décembre, Remi Lhermitte, membre de la commission de surveillance de la prison de Haren, partage les mêmes constats que les autres intervenantes mais souligne les liens humains qui se créent entre les agents et les détenus. « On voit qu’ils s’entendent bien, ils se disent bonjour, comment ça va, etc. Et il y a une relation de confiance et de respect qui se développe. C’est cela qui peut permettre à la détention d’être plus efficace et, au final, d’avoir une meilleure réinsertion, » explique-t-il.

Cependant, malgré de meilleures conditions de vie à Haren, il constate que de nombreux détenus demandent à être mutés dans d’autres prisons à cause de problèmes administratifs. Dans ce contexte, les deux bâtonnières estiment qu’il est compliqué d’entamer un processus de réinsertion. Cette absence de prise en charge engendre des problèmes psychologiques ou physiques qui sont reportés à la sortie, impactant ainsi la société.