France

Interdiction des maisons closes en France : enjeux et origine du débat.

Le Rassemblement national, par la voix de son député Jean-Philippe Tanguy, prépare une proposition de loi pour rouvrir les maisons closes, mettant fin à près de 80 ans d’interdiction en France. Selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes, entre 35.000 et 40.000 personnes se trouvaient en 2024 en situation de prostitution en France, dont 1.579 sont victimes de proxénétisme.


En pleine discussion autour du budget de la Sécurité sociale et des thématiques qui l’entourent, une proposition inattendue émerge. Le Rassemblement national, par le biais de son député Jean-Philippe Tanguy, envisage de présenter une loi visant à rouvrir les maisons closes. Tanguy soutient que la criminalisation des clients a aggravé la situation des prostituées, qui se voient contraintes de se cacher pour éviter des sanctions pénales, les rendant ainsi plus vulnérables.

Cette initiative mettrait fin à près de 80 ans d’interdiction des maisons closes en France. Ce projet relance un débat quasi millénaire sur le travail du sexe, ses encadrements, ses abus et l’ensemble des problématiques qui lui sont associées, telles que le proxénétisme, le trafic d’êtres humains, l’exploitation des mineurs et les trafics de drogue.

### Autorisées pendant 142 ans

En 1804, une loi sous Napoléon offrait une existence légale aux maisons de débauche. Ces établissements avaient pour mission de cacher les prostituées derrière des portes closes pour sauvegarder la moralité publique. Varient entre des lieux luxueux et de simples « claques » de deuxième zone, ces « lupanars » (du terme romain où les prostituées étaient appelées « lupas », en référence à leur activité nocturne) étaient soumis à des contrôles médicaux pour limiter la propagation des maladies vénériennes. Cependant, ils ont également été critiqués pour l’exploitation des femmes, souvent soumises à jusqu’à 70 « prestations » par jour, et leur association avec le crime organisé.

La légalité de ces activités a pris fin en 1946 avec la loi du 13 avril, connue sous le nom de « loi Marthe Richard », portée par une ancienne prostituée et conseillère municipale de Paris. Cette loi a conduit à la fermeture de 1.400 à 1.500 établissements à travers la France. Bien que Marthe Richard ait exprimé des regrets par la suite concernant ces fermetures « pour des raisons sanitaires », les maisons « de tolérance » demeurent interdites jusqu’à nos jours.

### Pénalisation des clients, pas des travailleurs et travailleuses du sexe

En outre, la loi du 13 avril 2016 a introduit la pénalisation des clients de la prostitution, interdisant l’achat d’actes sexuels. Bien que les travailleurs et travailleuses du sexe majeurs ne soient pas directement concernés, les clients encourent des amendes allant de 1.500 à 100.000 euros selon la gravité des cas, ainsi que des peines d’emprisonnement pouvant atteindre sept ans. Les proxénètes font face à des amendes de 150.000 euros à 1,5 million d’euros et peuvent purgés de 7 à 10 ans de prison. Actuellement, le propriétaire d’un établissement de prostitution clandestine peut également être sanctionné par une amende de 750.000 euros et 10 ans de prison.

### Le modèle des « coopératives »

Il est important de préciser que la proposition de Jean-Philippe Tanguy ne vise pas à rétablir les maisons closes telles qu’elles existaient avant 1946. Le député de 39 ans souhaite que les travailleurs et travailleuses du sexe ne soient pas soumis aux proxénètes, mais fassent partie de coopératives. « Les prostituées seraient impératrices en leur royaume », ce qui constituerait « une forme de revanche » sur leur marginalité actuelle, explique-t-il. Bien que cette initiative ait peu de chances de séduire les conservateurs, notamment catholiques, au sein de son propre parti, elle pourrait trouver un écho favorable auprès de certaines associations concernées.

Selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes, entre 35.000 et 40.000 personnes se trouvaient en situation de prostitution en France en 2024, dont 1.579 étaient victimes de proxénétisme, parmi lesquelles 659 mineurs.