Tournai : suspension du prononcé pour l’ancien instituteur d’Escanaffles
Le prévenu s’est présenté au tribunal correctionnel le lundi 8 décembre, déclarant : « Je suis honteux d’être ici devant vous ». Lors de la perquisition du 6 mai 2024, 22.000 photos à caractère pédocriminel ont été découvertes sur l’ordinateur du prévenu.
C’est avec le visage inondé de larmes et en proie à des sanglots ininterrompus que le prévenu s’est approché du tribunal correctionnel ce lundi 8 décembre. « Je suis honteux d’être ici devant vous« , a-t-il sangloté en s’adressant à la présidente. Sa voix tremblante rend difficile la compréhension de ses mots, mais il fait allusion au décès de sa mère survenu depuis les faits. Cette situation remonte au 6 mai 2024, lorsque la police a fait irruption chez lui, alertée par une société spécialisée dans les abus sexuels sur mineurs, après qu’une photo a été diffusée via Skype à partir de son ordinateur. En voyant la police, le prévenu a d’abord cru que leur visite était liée au vol d’un pot de fleurs devant sa maison. « Cette perquisition (du 6 mai 2024, ndlr), je vais appeler ça une chance« , a-t-il expliqué en tant qu’ancien instituteur d’Escanaffles. « Pour vous dire que je ne m’en rendais pas compte, je n’ai même pas pensé qu’ils venaient pour ça« . Il a poursuivi : « C’est là que je me suis dit : t’as un fameux problème ! Et maintenant il est temps de te soigner ».
L’homme a ajouté que « ma vie a été faite d’une très grande solitude« . Le soir, il a commencé à naviguer sur des sites pornographiques, menant à des discussions par messagerie. « L’engrenage a commencé quand j’ai reçu plusieurs photos de jeunes filles dénudées« , a-t-il déclaré, mentionnant des sites russes. Il a décrit comment ce qui avait commencé par curiosité avait évolué en une addiction compulsive. « Il fallait que tous les jours j’aille sur ce site russe. C’était devenu une addiction, comme la cigarette. […] J’étais dans le virtuel et je ne me rendais pas compte de la gravité« , a-t-il reconnu, sa sincérité et ses remords ne laissant que peu de doutes.
La présidente du tribunal l’a interpellé sur la gravité des faits, soulignant que certaines images étaient particulièrement traumatisantes, évoquant des clichés d’enfants torturés. « Pour moi, ce n’étaient pas de vraies photos« , a-t-il réagi, bien que le tribunal, ainsi que l’avocat de la commune de Celles, Me Gauthier Gossieaux, ait insisté sur le fait que les enfants derrière ces images souffrent réellement. « S’il n’y avait pas de demande, il n’y aurait pas d’offre« , a ajouté le ministère public. « Donc, oui ! Vous faites du mal à ces enfants !« . La procureure du Roi a mentionné dans son rapport d’expertise psychologique une « immaturité affective dans un contexte d’ennui et de profonde solitude« . Cela a été confirmé par le prévenu : « Je suis seul avec mon chien« .
Après la perquisition, où 22 000 photos à caractère pédocriminel ont été découvertes, il a immédiatement prévenu l’école afin de « préserver » son image. Il a rassuré la direction en disant : « Il n’y a rien en rapport avec l’école, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles« . En s’adressant au tribunal, il a déclaré : « Je n’ai jamais fait de mal à personne. Je n’écraserais même pas une araignée« . Il a également informé son médecin traitant de la situation : « Je lui ai tout raconté« . Son médecin l’a orienté vers un suivi psychologique auquel il participe régulièrement depuis. « C’est la première fois que j’avais l’impression d’être écouté« , a-t-il avoué en pleurant. « J’ai toujours été au service de tout le monde, et moi, personne ne s’occupait de moi. Mais j’ai pris conscience de la gravité. Je suis malade tellement j’ai honte !« .
La défense, menée par Me Jean-Philippe Rivière, a souligné que son client était simplement un homme ayant dérapé en raison de sa solitude. « Le genre d’homme à qui on demande si ça va le matin au travail, sans même écouter la réponse […] La solitude d’un homme qui est entouré de plein de monde. Et ça, argumente la défense, c’est la pire des solitudes« . L’avocat a également fait référence à un rapport d’expertise psychiatrique selon lequel il n’y a pas « d’éléments qui (nous) permettent de poser l’hypothèse d’une paraphilie de type pédophile« . Il a rappelé que son client n’avait pas touché d’enfants et que le fait d’être instituteur n’est pas considéré comme une circonstance aggravante.
Le jugement est en attente pour le 12 janvier. Le ministère public requiert une suspension du prononcé à titre probatoire. La défense a également sollicité un jugement dans ce sens, soutenant que l’ancien instituteur avait déjà été « puni trois fois » : en perdant son emploi, en étant publiquement stigmatisé et en étant jugé au tribunal. « La pire des sanctions, je l’ai déjà reçue« , a déclaré l’ancien instituteur. « C’est cette étiquette sur mon front, qui me suivra jusque dans la tombe« .

