Stratégie de sécurité nationale des États-Unis : un document qui tance les Européens ?
L’administration Trump a publié un document définissant sa « stratégie de sécurité nationale » sur le site Internet de la Maison-Blanche. Selon le site RealClearPolitics, 53 % des personnes interrogées désapprouvent la politique étrangère de Donald Trump.
La publication de ce texte a créé un émoi au-delà de l’Atlantique. Vendredi, l’administration Trump a mis en ligne un document énonçant sa « stratégie de sécurité nationale » sur le site Internet de la Maison-Blanche. Dans ce texte, les États-Unis expriment leurs préoccupations face aux « activités de l’Union européenne et d’autres organismes transnationaux » jugées nuisibles à « la liberté politique et à la souveraineté, ainsi qu’aux politiques migratoires qui transforment le continent et conduisent à des conflits ».
Donald Trump et son administration s’élèvent également contre « la censure de la liberté d’expression et la répression de l’opposition politique », tout en attirant l’attention sur « l’effondrement des taux de natalité et la perte des identités nationales et de la confiance en soi ». L’Europe se verrait ainsi menacée par un « effacement civilisationnel », une notion proche du concept de « grand remplacement ». Cependant, ce texte, très commenté, a-t-il vraiment une importance décisive ?
### La formalisation d’une stratégie
Bien que la publication d’une National Security Strategy (NSS) soit obligatoire pour chaque nouveau mandat présidentiel américain depuis 1986, « ce document n’a pas valeur d’obligation », nuance Jérôme Viala-Gaudefroy, enseignant à Sciences Po Paris et spécialiste de la rhétorique présidentielle américaine. « C’est une stratégie qui est formulée par écrit, mais le gouvernement n’est pas contraint de la suivre. »
Lauric Henneton, maître de conférences à l’université de Versailles et expert des États-Unis, précise : « C’est un écrit qui vient renforcer une pratique déjà existante. » Il considère cela comme une « formalisation » d’une « rhétorique » adoptée par le président américain depuis son retour à la Maison-Blanche. En février 2025, le vice-président JD Vance critiquait déjà une « liberté d’expression […] en retrait » en Europe ainsi qu’un « recul des valeurs les plus fondamentales » lors de la Conférence de Munich sur la sécurité. Puis en septembre, à l’occasion de la 80e Assemblée générale des Nations unies, Donald Trump avait insisté en s’adressant aux dirigeants européens : « Vous êtes en train de détruire vos pays ».
Les points de friction incluent : les réglementations européennes, qu’elles soient commerciales ou environnementales, « qui empêchent les sociétés américaines de prospérer comme elles le souhaitent », ainsi que « l’obsession identitaire », souligne Lauric Henneton. « La souveraineté est le cœur de l’idéologie trumpienne : l’Etat et la nation doivent reprendre le contrôle de leur destin, notamment en matière d’immigration », explique le spécialiste.
### Un texte « Symboliquement important »
Les reproches formulés ne sont pas récents. Jérôme Viala-Gaudefroy observe toutefois une rupture entre le premier et le deuxième mandat de Donald Trump, caractérisée par une assurance accrue. « Cette NSS formalise, et c’est symboliquement significatif, une attitude agressive et assumée envers l’Europe, » analyse l’auteur du livre *« Les mots de Trump »* (éd. Dalloz, 2024). « C’est la première stratégie à rejeter explicitement l’ordre libéral, à faire de l’immigration un axe central de la sécurité, et à considérer la guerre culturelle intérieure comme une doctrine de sécurité. C’est également la première fois qu’une NSS se concentre autant sur la personnalité du président, qu’elle s’aligne autant avec le Kremlin et qu’elle accepte une ingérence en Europe. »
Le document de cette stratégie de sécurité nationale préconise de « cultiver la résistance » dans les nations européennes, entraînant ce lundi la réaction du président du Conseil européen, António Costa. « Ce qu’on ne peut pas accepter, c’est cette menace d’interférence dans la vie politique de l’Europe », a-t-il déclaré. « Cela constitue une attaque frontale contre les dirigeants européens, contre l’Union européenne, et une volonté d’interférer dans la politique en soutenant les partis ethnocentristes et d’extrême droite », ajoute Jérôme Viala-Gaudefroy, qui rappelle que cette vision n’est pas partagée par tous les Américains. Selon le site RealClearPolitics, qui compile des sondages réalisés entre octobre et décembre, 53 % des personnes interrogées désapprouvent la politique étrangère de Donald Trump.

