Belgique

Un Œil sur demain : la renaissance de Thomas, grand brûlé, grâce aux vers marins ?

Thomas, 33 ans, a subi de graves brûlures, atteignant 85 % de son corps, après l’explosion de son bateau de plaisance il y a deux ans. L’entreprise Hemarina développe un gel cicatrisant contenant la molécule M101, capable de transporter 40 fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine, utilisée dans divers centres hospitaliers français, comme le CHU de Nantes pour la greffe de peau de Thomas.


Nous rencontrons Thomas sur le petit port de plaisance de Divatte-sur-Loire, près de Nantes. À 33 ans, fils de pêcheur, il a l’habitude depuis son enfance de passer ses week-ends à naviguer sur la Loire à bord de son petit bateau.

Il y a deux ans, alors qu’il faisait le plein de son bateau, une explosion s’est produite. Lorsque son épouse a appelé les secours, il était déjà brûlé à 85 %. « Quand je suis arrivé aux urgences, on m’avait plongé dans le coma. Le corps médical a eu une première réunion avec ma famille. Les médecins leur ont annoncé que ça n’était pas possible de me sauver », raconte-t-il.

Ses proches contredisent ce diagnostic. Il est alors question de l’amputer… Finalement, l’équipe médicale revient vers la famille avec une proposition audacieuse : tester un gel cicatrisant qui est encore en phase d’expérimentation.

Thomas nous montre des photos de ses premiers jours aux urgences, où son corps était recouvert de bandages. « Tous les deux jours, l’équipe médicale me ‘déballait’. On m’appliquait ce gel cicatrisant. Au bout de trois semaines, la peau de mon dos et de mon torse est devenue quasiment normale. Elle était très fragile, très fine, mais j’ai récupéré une bonne peau », se souvient-il.

Aujourd’hui, il reprend une vie normale et envisage une reconversion professionnelle.

Un transporteur d’oxygène exceptionnel

Ce gel est produit par l’entreprise biomédicale Hemarina, qui exploite les propriétés de l’hémoglobine du ver marin. Les vers arénicoles, vieux de plusieurs millions d’années, sont capables de vivre dans l’eau et de survivre plusieurs heures hors de l’eau selon les marées. Le docteur Franck Zal, grâce à ses recherches sur ces vers, a découvert une molécule précieuse dans leur sang : la molécule M101, un transporteur d’oxygène particulièrement efficace.

« Je me suis aperçu que le ver arrêtait de respirer à marée basse et qu’il vivait grâce à cette molécule d’hémoglobine, qui est sa bouteille d’oxygène. C’est-à-dire qu’il la charge quand il est sous l’eau et qu’il arrête de respirer pendant 6 heures lors de la marée basse. C’est ce qui m’a fait dire qu’arenicola marina est le champion du monde d’apnée », souligne Franck Zal, biologiste marin, ancien chercheur au CNRS et fondateur d’Hemarina.

Dans un gel cicatrisant, cette molécule capte l’oxygène de l’air pour oxygéner et cicatriser la peau. M101 est capable de transporter 40 fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine. « En décomposant cette molécule, je me suis aperçu qu’elle n’est pas encapsulée dans des globules rouges mais qu’elle est très proche de l’hémoglobine humaine. M101 est l’ancêtre des transporteurs d’oxygène de tous les vertébrés, tous les organismes qui ont évolué depuis 450 millions d’années », explique le professeur Zal.

Un élevage de vers arénicoles en France

À Noirmoutier, une équipe a établi le premier élevage de vers arénicoles destiné à des applications pharmaceutiques. L’extraction et l’application de cette molécule se déroulent en Belgique, à travers un site de gamma irradiation pour stériliser les produits et un site de flaconnage. La commercialisation est pour l’instant limitée à un usage « compassionnel ».

Des médecins d’importants hôpitaux français utilisent ces produits, comme le CHU de Nantes pour la greffe de peau de Thomas, mais aussi l’équipe de chirurgie réparatrice de l’AP-HP Hôpital Georges Pompidou, qui a reconstruit en 2020 le visage d’un militaire gravement blessé grâce à cette molécule.

Hemarina a déposé 63 brevets concernant des applications médicales, allant des soins aux escarres aux greffes de peau, permettant ainsi une récupération accélérée des greffons grâce à l’oxygénation exceptionnelle de la molécule M101 du ver marin.