France

Israël à l’Eurovision : un concours sans politique, défi impossible.

Il y a un consensus sur l’idée que l’Eurovision ne devrait pas être utilisée comme une scène politique et qu’elle doit conserver une forme de neutralité. Quatre pays, les Pays-Bas, l’Espagne, l’Irlande et la Slovénie, ne participeront pas à la 70e édition du 12 au 16 mai 2026 à Vienne (Autriche).


« Comme on peut le voir avec le clair résultat du vote, il y a un consensus sur l’idée que l’Eurovision ne devrait pas être utilisée comme une scène politique et qu’elle doit conserver une forme de neutralité. » Jeudi soir, Martin Green, le directeur du concours de chansons, a répondu aux questions de la chaîne suédoise SVT après que la participation d’Israël à la prochaine édition a été confirmée.

Dans la foulée, quatre pays ont annoncé leur décision de boycotter l’événement. Les Pays-Bas, l’un des sept pays fondateurs de l’Eurovision en 1956, l’Espagne, qui n’avait jamais raté un concours depuis sa première participation en 1961, l’Irlande, qui détient le record du nombre de victoires (7), et la Slovénie ne participeront pas à la 70e édition du 12 au 16 mai 2026 à Vienne (Autriche).

La campagne diplomatique du président israélien

Un coup de tonnerre qui dément à lui seul l’affirmation que le concours Eurovision de la chanson puisse être imperméable à la politique. Ces derniers mois, du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, opposé à une participation d’Israël, au chancelier allemand Friedrich Merz, favorable à un retrait de l’Allemagne en cas d’exclusion de l’État hébreu, de nombreuses figures politiques se sont prononcées sur ce sujet.

Jeudi soir, le site ynetnews a révélé que le président d’Israël, Isaac Herzog, a formé, il y a plusieurs mois, une équipe dédiée à sa résidence, pour mener une campagne diplomatique afin d’éviter une mise à l’écart de son pays de l’Eurovision, « convaincu qu’une expulsion pourrait avoir des répercussions politiques majeures pour Israël en Europe ».

Aussi, lorsque jeudi, à la télévision suédoise, Martin Green rappelle « que ce ne sont pas les gouvernements qui participent au concours mais les diffuseurs publics de ces pays », il a raison sur le principe, mais les faits viennent le contredire.

« La situation à Gaza, malgré le cessez-le-feu et l’approbation du processus de paix, ainsi que l’instrumentalisation du concours par Israël à des fins politiques, rendent de plus en plus difficile le maintien de l’Eurovision comme un événement culturel neutre », a souligné avant le vote de jeudi Alfonso Morales, le secrétaire général de la chaîne espagnole RTVE.

La politique, à l’Eurovision, ne date pas d’hier

« L’année dernière, nous avons constaté que la prestation israélienne était politique. N’oublions pas que nous avons interdit une prestation similaire d’une chanteuse russe en Ukraine [en 2017]. En 2016, nous avons ouvert la boîte de Pandore à Stockholm lorsqu’une chanson politique a remporté le concours et, depuis, nous luttons contre la politisation de l’Eurovision », a déclaré le même jour Natalija Gorščak, la présidente du conseil d’administration de RTV Slovénie. Elle fait référence à 1944 de l’Ukrainienne Jamala, un morceau évoquant le sort tragique des Tatars de Crimée sous Staline mais qui, entre les lignes, pouvait être compris comme une allusion à la Russie qui venait d’annexer la Crimée…

Si la compétition offre effectivement depuis une dizaine d’années un très bon reflet, par le prisme culturel, des tensions et conflits entre la Russie et l’Ukraine, elle n’a pas attendu ces deux pays pour revêtir une dimension politique. L’Autriche avait ainsi boycotté l’édition 1969 organisée en Espagne pour protester contre la dictature de Franco, la Grèce s’était retirée en 1975 pour s’opposer à la première participation de la Turquie et en 2009, la Géorgie en a fait de même car sa chanson, au sous-texte anti-Poutine, a été retoquée… Des exemples qui ne sont en rien une liste exhaustive.

Plus largement, la musique est politique et de nombreuses chansons de l’Eurovision sont imprégnées de l’air de leur temps. C’est le cas d’Insieme : 1992, au texte pro-Union européenne chantée par Toto Cutugno en 1990, deux ans avant le Traité de Maastricht, de Marry Me, chanson finlandaise de 2013 et soutien informel au mariage égalitaire en Finlande, ou encore de Mercy du duo Madame Monsieur inspiré de la naissance d’une enfant sur un bateau de réfugiés.

Seulement 35 pays participants en 2026 ?

Rien ne peut assurer que la 70e édition du concours, l’an prochain, sera exempte de toute dimension politique. Il demeure impossible de garantir qu’une chanson ou un détail d’une scénographie, par exemple, ne présente aucun caractère politique (qui pourrait le définir ? sur quels critères ?).

Les retours de la Bulgarie, de la Moldavie et de la Roumanie ne suffiront pas à compenser numériquement (et encore moins financièrement) le départ des quatre pays qui boycottent. Le directeur de l’Eurovision table sur 35 pays participant en 2026 (contre 37 cette année), soit le plus petit nombre de candidatures depuis 2004.