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La stratégie violente et raciste de Donald Trump envers les Somaliens

Le 2 décembre, à Washington, lors d’une réunion avec les membres de son gouvernement, Donald Trump a fait des déclarations racistes concernant les personnes d’origine somalienne, les qualifiant d' »ordures » et affirmant que « leur pays ne vaut rien ». Dans la foulée, il a déployé des agents de la police de l’immigration dans le Minnesota, s’appuyant sur une affaire de fraude massive impliquant des membres de la communauté somalienne, selon le journal New York Times, « 59 personnes ont été condamnées à ce jour dans le cadre de ces affaires ».


C’était le 2 décembre à Washington, dans la « Cabinet Room » de la Maison Blanche. Le président des États-Unis participe à une réunion avec les membres les plus influents de son gouvernement. Donald Trump est accompagné de sa garde rapprochée. Marco Rubio, le secrétaire d’État américain, est à sa droite, tandis que Pete Hegseth, le ministre de la Défense, se trouve à sa gauche. Les journalistes présents dans la salle posent des questions. C’est à ce moment-là que Donald Trump attaque de manière virulente les personnes d’origine somalienne, prononçant des propos racistes et violents. Il qualifie des membres de cette communauté de « d’ordures » et affirme : « Leur pays ne vaut rien […]. Leur pays est pourri« .

Il poursuit en déclarant : « Là où se trouve la Somalie, qui est à peine un pays, ils n’ont rien du tout, ils passent juste leur temps à courir partout en s’entretuant« . Il ajoute également : « On va aller dans la mauvaise direction si on continue de faire venir des déchets dans notre pays« , et insiste : « nous n’en voulons pas dans notre pays. Qu’ils retournent d’où ils viennent et qu’ils règlent leurs problèmes« .

À la fin de son discours, son vice-président, J.D. Vance, frappe sur la table pour applaudir.

Dans la foulée, Donald Trump a déployé les agents de la police de l’immigration (ICE, Immigration and Customs Enforcement) à Minneapolis et à Saint-Paul, les principales villes du Minnesota. Des opérations ont débuté ce jeudi.

Il s’appuie sur une affaire de fraude massive touchant des membres de la communauté somalienne du Minnesota, liée à des détournements d’aides sociales commencés pendant la pandémie de Covid-19. Selon le New York Times, des dizaines d’individus ont « amassé de petites fortunes en créant des sociétés qui facturaient aux agences d’État des millions de dollars de services sociaux qui n’ont jamais été fournis« . Le quotidien précise que d’après les procureurs fédéraux, « 59 personnes ont été condamnées à ce jour dans le cadre de ces affaires et que plus d’un milliard de dollars de fonds publics ont été détournés dans trois affaires faisant l’objet d’une enquête« .

Pour Serge Jaumain, professeur d’histoire contemporaine à l’ULB et spécialiste des États-Unis, cibler l’ensemble de la communauté somalienne est une démarche consciente de Donald Trump. « C’est une stratégie d’extrême droite, une stratégie raciste« , explique-t-il.

Il ajoute que cette stratégie se décline en plusieurs points. « D’une part, il y a la stigmatisation. Il s’agit de prendre un exemple spécifique et de le développer en soulignant que les actes délictueux ne concernent pas quelques personnes, mais toute une communauté. Ensuite, il y a la simplification du discours ; c’est plus simple de souligner qu’il y a quelques adversaires à caractériser. Ici, il s’agit de Somaliens, qui sont noirs, donc différents des Américains traditionnels. Enfin, une troisième stratégie est la remigration, l’idée de renvoyer les immigrants, intégrée aux États-Unis par un discours autour de la dénaturalisation, suggérant que même les naturalisés devraient être renvoyés chez eux« .

Cette prise de position sur la communauté somalienne intervient juste après que l’administration Trump ait suspendu toutes les demandes d’immigration provenant de 19 pays (Afghanistan, Birmanie, Burundi, Cuba, Tchad, République du Congo, Érythrée, Guinée équatoriale, Haïti, Iran, Laos, Libye, Sierra-Leone, Somalie, Soudan, Togo, Turkménistan, Vénézuela et Yémen). Cela signifie la fin de la délivrance de cartes vertes et des demandes de naturalisation pour ces ressortissants.

Cette décision suit l’attaque de deux soldats de la garde nationale américaine à Washington le 26 novembre dernier, au cours de laquelle une militaire a été tuée et un autre grièvement blessé. Le tireur présumé est un Afghan de 29 ans qui a travaillé pour des agences américaines en Afghanistan. Une enquête pour « terrorisme » a été ouverte. Dans ce contexte, le président avait exprimé sur les réseaux sociaux son désir de « suspendre définitivement l’immigration en provenance de tous les pays du tiers-monde« .

François Debras, professeur associé au « Centre d’Études Démocratie » de l’ULiège, remarque que ce n’est pas la première fois que Donald Trump exprime de telles idées. « Déjà, durant la campagne électorale, il affirmait que les migrants avaient, je cite, le crime dans le sang. On retrouve dans ses déclarations une logique d’essentialisation« , commente-t-il.

Il précise que Trump définit les individus selon leur origine, prétendue race, culture ou religion, ce qui conduit à criminaliser un étranger perçu comme une menace pour la nation et l’identité. Cette définition des peuples et la criminalisation de l’étranger sont des traits spécifiques de l’extrême droite.

En mettant en avant la communauté somalienne et la question de l’immigration, Donald Trump cherche à « inonder la zone« , selon Serge Jaumain. Il veut être présent dans les médias avec un discours qu’il contrôle, pour détourner l’attention d’autres sujets. Jaumain souligne que l’affaire Epstein est embarrassante pour Trump et qu’il souhaite également changer le discours médiatique, tout comme la situation économique du pays qui ne s’améliore pas comme promis.

S’attaquer à la communauté somalienne permet également d’envoyer un signal à son électorat qu’ »il y a des défaillances » dans l’État du Minnesota, un État démocrate, social-démocrate et très ouvert à l’immigration. On estime qu’environ 100 000 personnes d’origine somalienne vivent actuellement dans le Minnesota, surtout à Minneapolis-St. Paul. Cet État est dirigé par le démocrate Tim Walz et abrite Ilhan Omar, la seule élue d’origine somalienne au Congrès des États-Unis.

Pour aborder la question de l’immigration, Trump utilise parfois des événements marquants, comme la fusillade à Washington ou les affaires de fraude dans le Minnesota. Cependant, il a déjà stigmatisé des communautés sur des bases totalement fausses, comme lors d’un débat le 10 septembre 2024, lorsqu’il a affirmé que les Haïtiens « mangent des chiens » et que ces « gens qui sont arrivés mangent les chats« , répétant une rumeur sans fondement.

Pour François Debras, certains politiciens cherchent à créer des liens émotionnels avec leur électorat, en partageant ses peurs et préoccupations. « Qu’importe que ce soit vrai ou faux« , ce qui compte pour ces personnalités politiques, c’est de montrer qu’elles écoutent et agissent pour leur base électorale, peu importe les conséquences pour les personnes stigmatisées.