Tunisie

Métouia : petite forteresse littorale aspirant à l’ouverture

Métouia est une petite ville située au Golfe de Gabès, où les sables viennent du Sud-Ouest et de l’Est, et effleurent les vagues claires des rivages de Hidous, d’Essakhra, et d’Erkhama. L’émergence de la féminité et le processus d’égalité de genre avancent en Tunisie, mais Métouia fait face à des tensions culturelles persistantes et à des questions de repli socio-culturel.


Hédi Cherif, Sociologue

Quand Métouia s’incline pour caresser les vagues et les doux vents de la Méditerranée !

Au Golfe de Gabès, là où Métouia s’étend modestement, les sables – provenant du Sud-Ouest et de l’Est – se penchent pour effleurer les claires vagues des rivages de Hidous, d’Essakhra, et d’Erkhama. Entre les généreuses oasis, avec leurs vergers de henné, les champs d’anciens oliviers, et l’infini bleu de la Méditerranée se dresse doucement la charmante petite ville de Métouia.

Sans céder au sentiment nostalgique facile et sans exagération, Métouia reste pour ses habitants originaires du bled, de Tunis, de Lyon et d’ailleurs, un pôle d’attraction mystérieux. C’est une terre qui tend sa main droite et celle du cœur à tous sans distinctions. Sa remarquable hospitalité et sa générosité sans bornes font d’elle une terre d’accueil et d’échange socioculturel, un cœur ouvert à tous ceux qui cherchent un amour ancien, une douceur enfouie ou des ondes émotionnelles apaisantes. Petite et modeste en apparence, Métouia continue pourtant d’offrir une nostalgie lumineuse et une joie de vivre retrouvée. C’est pour ces raisons qu’avec mon épouse et mes belles-sœurs nabeuliennes, nous avons effectué un bref séjour empreint de convivialité et d’hospitalité métouienne, un séjour pas comme les précédents, riche en échanges et en réflexions sur une ville de Métouia, tournée vers la mer, mais en même temps quelque peu refermée sur elle-même : est-ce là le dilemme de toutes les villes maritimes ?

Métouia : la source de mes racines, sans y être né !

Natif de Tunis, à Bab El Khadhra, fief des Mtawas émigrés entre les deux guerres, en tant que Tunisien de cœur, Métouia est pour moi, la source de mes racines, sans y être né, là où mes racines s’expriment pour moi. Métouia est une terre que je n’ai pas choisie, mais qui m’a façonné à distance. C’est le lieu qui m’a créé avant même ma première naissance.

Mon appartenance organique et géographique acquise lors de ma deuxième naissance me pousse à parler d’elle comme d’un corps social, culturel et géographique chargé de mystères, un patrimoine complexe à explorer et à analyser sociologiquement, anthropologiquement et civiquement. Une analyse sociologique de l’œuvre littéraire avant-gardiste ‘’Halima’’ de l’écrivain feu Mohamed Laroussi Métoui, révèle non seulement l’importance intellectuelle et progressiste de son époque à Métouia, mais également la nécessité collective de rompre avec un héritage socioculturel androcentrique, façonné par des dogmes, des dictons, des tabous et des interdits. L’enjeu n’est plus seulement de reconnaître ces contraintes, mais de les transformer en leviers de changement.

L’émergence et l’affirmation progressive de la féminité en Tunisie constituent aujourd’hui une réalité difficile à ignorer. Parallèlement, le processus d’égalité de genre avance, même s’il reste inscrit dans un contexte social marqué par une bipolarité culturelle persistante. Dans cet espace de tensions, femmes et hommes se retrouvent pris entre les exigences du paraître et la quête authentique de l’être, révélant ainsi les dynamiques complexes d’une société en pleine mutation. Métouia n’échappe pas à cette réalité, elle est une structure dynamique au cœur du tourbillon de l’histoire.

Métouia aux portes mi-closes : Entre repli socioculturel et soif d’horizons nouveaux

Métouia, ce joyau naturel et culturel, cette oasis littorale du bassin méditerranéen, demeure aux yeux de ses habitants un paradis terrestre ayant un bord souvent réservé aux Mtawas, qui porte la marque d’un repli socioculturel et d’une auto-défense communautaire, mais aussi une forte aspiration à l’ouverture. Les nouvelles aménagements sur la plage de Métouia annoncent l’installation d’un nouvel ordre urbanistique dans un futur lointain, un futur qui tarde à se concrétiser.

Comment faire de ce site paradisiaque un espace actuel et convivial, sans frontières géographiques et sans barrières culturelles, un port où les cultures se croisent, s’enrichissent mutuellement et s’enracinent dans l’histoire de ses peuples et de ses générations ?

Sans distinction ni stigmatisation, les villes côtières s’étendant sur plus de 1200 kilomètres et plongées géographiquement dans la Méditerranée, dotées de rivages sans murs, sont totalement ouvertes aux vents et aux vagues de l’infini bleu, offrant une hospitalité naturelle et civilisationnelle. Ces villes continuent à respirer un air parfumé par une actualisation illimitée, creusant l’écart non par exclusion, mais par une richesse d’accueil et de métissage.

Métouia n’est pas en reste ; grâce à sa jeunesse éclairée et ses bonnes volontés, elle devrait s’inscrire dans cette dynamique et travailler pour un meilleur bien-être psychologique, social et environnemental.