Euroclear : explications sur l’afflux d’argent russe en Belgique.

À proximité de la gare du Nord, une tour en béton au design austère, semblable à celles qui l’entourent, ne serait qu’un bâtiment anonyme si elle ne représentait pas le siège d’Euroclear. Arrivée à Bruxelles en 2018 en provenance de Londres en raison du Brexit, cette chambre de compensation est la plus importante du secteur, juste après Clearstream, une institution germano-luxembourgeoise.

Avec ses 6000 employés, elle gère, à l’aide de technologies avancées, 42,5 milliards d’euros de titres financiers et 330 millions de transactions chaque année, ce qui représente environ 40% du PIB mondial en actifs déposés ou gérés.

En résumé, une chambre de compensation comme Euroclear stocke et enregistre les titres de propriété détenus par des États, des banques, des banques centrales ou des fonds de pensions. Elle a également pour rôle de garder une trace des transactions financières, comme celles effectuées entre banques. Son objectif principal est de garantir la propriété des titres et d’assurer la fluidité des échanges. Bruno Colmant explique ainsi : « Si vous achetez une action KBC avec votre smartphone, il est essentiel de s’assurer que vous recevez bien l’action KBC et que le prix est dûment versé aux vendeurs. C’est Euroclear qui s’occupe de gérer ces transactions en coulisses« .

Il en découle le terme de « notaire » du secteur financier. À l’instar d’un achat immobilier, cette institution agit en tant que tiers neutre. « Euroclear est soumis à une obligation fiduciaire : grâce à sa position et à la précision opérationnelle de ses activités, elle inspire confiance dans le système financier d’échange et de conservation des titres« .

Cette institution est donc essentielle, y compris pour la Russie. « Dans le monde occidental, pour une grande quantité d’opérations, Euroclear est presque incontournable« , précise Bruno Colmant. La Banque nationale de Russie y effectue des dépôts, en partie car la chambre standardise ces fonds pour les rendre compatibles avec les échanges internationaux, à l’inverse des réserves en roubles, qui resteraient à Moscou.

Au lendemain du début de l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février 2022, l’Union européenne a mis en place une série de sanctions contre Moscou et ses alliés proches, dont le gel de ces avoirs russes, principalement ceux provenant de la Banque nationale, représentant 190 milliards d’euros gelés en Belgique. « Ces avoirs ont été gelés, et non confisqués. Cela signifie que la Russie n’a plus un accès direct à ces titres« .

La Commission européenne a depuis saisi les revenus générés par ces dépôts, que la Belgique a imposés pour financer son soutien à l’Ukraine. De son côté, la Russie, coupée du réseau bancaire mondial Swift, a opté pour des systèmes financiers alternatifs, dont un « Euroclear bis chinois« , indique Bruno Colmant.

Récemment, la Commission européenne envisage d’utiliser directement ces avoirs gelés pour financer un nouveau prêt à l’Ukraine, une décision qui pourrait avoir des répercussions pour les Européens, selon Euroclear, entraînant potentiellement des hausses d’intérêts en réponse à une mesure qualifiée de « confiscatoire« .