Près de 302 milliards d’euros sur les comptes d’épargne belges.
301,87 milliards d’euros est le montant total placé sur les comptes d’épargne réglementés en Belgique, un peu supérieur au précédent record de 301,39 milliards d’euros établi en février 2022. En 2025, les épargnants belges ont mis de côté environ 24 milliards d’euros de plus par rapport à 2024.
301,87 milliards d’euros. C’est le montant total placé sur les comptes d’épargne réglementés en Belgique. Ce nouveau record dépasse légèrement celui de 301,39 milliards d’euros établi en février 2022.
En 2025, comparé à 2024, les épargnants belges ont mis de côté environ 24 milliards d’euros de plus. « On peut peut-être imputer ça au climat général anxiogène, qui induit des craintes des ménages sur leurs revenus futurs, sur leurs retraites futures, sur leurs emplois futurs. C’est un phénomène qui est un peu généralisé dans l’Union européenne », explique Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG.
### Pourquoi autant d’argent ?
Entre 2020 et 2025, il y a eu un moment où les fonds sur les comptes d’épargne réglementés ont diminué. C’était lorsque le bon d’Etat du ministre des Finances Van Peteghem a été mis sur le marché, en 2023, avec un rendement intéressant grâce à des conditions fiscales avantageuses. Les Belges avaient alors souscrit près de 22 milliards à ce produit. Dans la foulée, les banques avaient renforcé les conditions des comptes à terme pour attirer les clients.
Depuis cet épisode, les épargnants belges ont, semble-t-il, repris leurs habitudes en alimentant les comptes d’épargne réglementés, qui ont l’avantage d’être défiscalisés jusqu’à un certain montant d’intérêts. D’année en année, ce produit continue de jouir de la confiance des Belges. « Cela reflète la prudence de l’épargnant belge », estime Etienne de Callataÿ, économiste chez Orcadia. Cette prudence s’accompagne également d’une certaine inertie. « Qu’on ait 10.000 euros sur un livret d’épargne, ça se comprend évidemment, mais il n’est pas rare de trouver des gens qui vont laisser 100.000, 150.000, 200.000, 400.000 euros sur un livret d’épargne », constate cet économiste.
> Les banques belges, en matière d’épargne, roulent en peloton.
> Etienne de Callataÿ, économiste chez Orcadia
Cette prudence et cette confiance des Belges dans les livrets d’épargne ne sont pourtant pas très bien récompensées par les banques, car les taux d’intérêt restent bas. Il est difficile de dire que la concurrence entre banques incite celles-ci à offrir une meilleure rémunération sur les comptes d’épargne. « Les banques belges, en matière d’épargne, roulent en peloton », illustre Etienne de Callataÿ, tirant cette expression d’une étude de l’autorité belge de la concurrence. « Il n’y en a pas un qui va essayer de faire une échappée », poursuit-il. Bien que certaines petites banques, notamment en ligne, proposent des taux d’intérêt plus élevés, elles ne parviennent pas à attirer autant d’épargnants, même si les garanties offertes sont les mêmes.
### À quoi servent ces milliards sur les comptes d’épargne ?
Ces 302 milliards d’euros placés sur des comptes d’épargne peu rémunérateurs constituent a priori une bonne affaire pour les banques. « Cela peut être aussi avantageux pour les emprunteurs. La Belgique n’est pas le pays le plus cher de la zone euro », note Eric Dor, qui souligne que ce que les banques ne redistribuent pas en rémunération sur l’épargne leur permet de maintenir « une bonne marge » pour ensuite « prêter à des taux raisonnables ». « En Belgique, il vaut mieux être emprunteur qu’épargnant », résume-t-il.
L’argent collecté par les banques via l’épargne est réutilisé sous forme de prêts « aux ménages, via les fameux prêts hypothécaires, mais aussi les prêts à la consommation, etc., et aux entreprises », explique Eric Dor. « Donc l’argent est quand même utilisé pour l’économie », estime cet économiste.
> Imaginez que ces 300 milliards, au lieu de rapporter du 0,5 %, rapporteraient du 2 %, […] cela nous ferait 5 milliards d’euros de pouvoir d’achat additionnel.
Ensuite, une partie de ces fonds sert à financer l’Etat. « Les banques peuvent acheter des obligations émises par l’État belge, éventuellement par la région Wallonne, la région bruxelloise, la fédération Wallonie-Bruxelles », précise Etienne de Callataÿ. En somme, les banques financent ainsi la dette publique.
Cependant, le fait que les taux d’intérêt sur l’épargne soient faibles n’aide pas à améliorer le pouvoir d’achat des ménages. « Imaginez que ces 300 milliards, au lieu de rapporter du 0,5 %, rapporteraient du 2 %, […] cela nous ferait 5 milliards d’euros de pouvoir d’achat additionnel », souligne Etienne de Callataÿ.
De plus, cet argent sur les comptes d’épargne réglementés ne peut pas non plus être utilisé par les banques pour investir dans des entreprises innovantes technologiques nécessitant des capitaux pour se développer. C’est d’ailleurs l’un des problèmes auxquels l’Europe fait face, alors qu’elle doit moderniser son industrie pour mieux rivaliser avec ses concurrents. « En Europe, actuellement, on regrette un peu que l’épargne des ménages se trouve trop sous forme de compte bancaire et pas assez dans des véhicules dont la vocation est de financer la croissance des entreprises et donc finalement notre croissance et notre prospérité à tous à long terme », explique Eric Dor.
Il semble peu probable que les épargnants belges, attachés à leurs livrets d’épargne, inversent cette tendance. Certes, la faiblesse des taux d’intérêt pousse certains épargnants, qui le peuvent, vers des investissements plus rémunérateurs mais plus risqués, mais cette évolution est lente. Le caractère prudent des épargnants belges demeure prédominant.

