On n’apprend pas aux enfants à se masturber : sensibilisation des députés par un cours d’éducation à la vie affective et sexuelle
L’histoire du petit Kiko et de la Grande main est racontée par Pascale Conselet. En 2024, moins de 15 % des élèves ont bénéficié des trois séances annuelles prévues par la loi du 4 juillet 2001, selon le Conseil économique, social et environnemental.
C’est l’histoire de Kiko et de la Grande main. « Est-ce que je peux toucher tes cheveux ? », demande la Grande main. « Oui », répond Kiko. « Est-ce que je peux toucher ta main ? » « Oui. » « Est-ce que je peux glisser ma main dans ton slip ? » « Non ! » Cette histoire est racontée par Pascale Conselet. Avec sa natte grise et sa voix douce, la médiatrice de l’association IDSanté donne des cours d’éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité (Evars) à des élèves de primaire.
Ce mardi après-midi, ce ne sont pas des enfants qui l’entourent, mais une vingtaine de députés. Rassemblés dans la salle Colbert de l’Assemblée nationale, les élus assistent à cette séance d’Evars organisée par le collectif d’associations « Pour une véritable éducation à la sexualité », sous l’initiative de Marie-Charlotte Garin, députée écologiste et vice-présidente de la délégation Droits des femmes. Au premier rang, on retrouve Mathilde Panot, Sandrine Josso et Gabriel Attal. Cependant, les élus de gauche ne sont pas les seuls présents : plusieurs députés de Renaissance, Horizons et centristes ont également répondu à l’appel, ainsi qu’un représentant des Républicains.
Cette séance, qui est une première dans l’histoire de l’Assemblée, vise à déconstruire les idées reçues sur l’Evars. « Des forces réactionnaires instrumentalisent le débat pour faire peur aux parents », déplore Marie-Charlotte Garin. L’objectif ici est de faire preuve de « pédagogie ». Pour former les députés, Mathilde Varette, infirmière scolaire et secrétaire générale adjointe du SNICS FSU, résume clairement : « Non, on n’apprend pas aux enfants à se masturber. » La soignante déplore les conséquences de cette désinformation. « Plusieurs collègues, à Lyon et à Saint-Etienne, ont été diffamées sur les réseaux sociaux pour avoir donné ces cours et elles n’osent plus faire d’Evars. »
En conséquence, en 2024, moins de 15 % des élèves ont bénéficié des trois séances annuelles prévues par la loi du 4 juillet 2001, selon le Conseil économique, social et environnemental. Quelques heures avant l’atelier destiné aux députés, le tribunal administratif de Paris a par ailleurs condamné l’État pour manquement à son obligation d’organiser les séances d’Evars, et ce jusqu’en février 2025. Un bon timing.
Après avoir lu l’histoire de Kiko, Pascale Conselet décrit ce que comprend la troisième séance d’Evars pour les élèves du primaire. « Nous leur expliquons que notre corps, c’est notre trésor. S’ils le souhaitent, les enfants demandent ensuite à leurs voisins de classe s’ils peuvent toucher leurs cheveux. Le but est de les entraîner à dire “non”, car ce n’est pas simple, et de leur rappeler que c’est courageux de le faire. » L’animatrice souligne : « On sait très bien qu’un enfant informé aura plus de force et qu’un prédateur ira moins vers lui. »
Le député de Génération.s, Sébastien Peytavie, s’étonne de l’écart entre le mythe et la réalité de l’Evars. « Quand on entend l’histoire racontée aux enfants de CP, on se rend bien compte que les mots choisis sont complètement adaptés aux jeunes enfants et qu’il n’y a rien de choquant. Je défie n’importe quel député qui s’oppose à ces séances de me dire quel contenu est problématique. » Le souci, c’est que ces députés ne sont pas présents. Un seul député LR a jugé bon de se manifester et aucun membre du RN n’a répondu à l’appel. Pourtant, « on sait que l’Evars est le meilleur outil de prévention pour protéger les enfants », insiste Marie-Charlotte Garin. En France, toutes les trois minutes, un enfant devient victime de tentative de viol, d’agression sexuelle ou d’inceste. « C’est une urgence absolue de s’assurer que ces séances se tiennent. »
La présidente du Planning familial, Sarah Durocher, propose ensuite un jeu aux députés, semblable à celui dispensé aux collégiens et lycéens lors des cours d’Evars. Les élus se regroupent en bas de l’amphithéâtre et doivent se placer à gauche ou à droite selon qu’ils sont en accord ou en désaccord avec l’affirmation qui va suivre. Au lieu de « une fille en jupe, c’est une fille facile » ou « un garçon qui fait de la danse classique, c’est bizarre », la thématique est adaptée aux députés. « Les hommes savent naturellement prendre la parole en public », affirme Sarah Durocher. « Pas d’accord, c’est de quel côté ? », demande Mathilde Panot.
Les députés débattent entre eux. Et c’est justement là le but de l’opération. « Ce jeu permet d’apprendre à critiquer ce que l’on entend et à réagir dans un cadre démocratique », souligne la présidente du Planning familial. « Je vous enverrai la fiche, peut-être que cela peut vous aider à débattre », propose-t-elle. « Pour voter le budget ! », répond une députée en riant. La cloche sonne. Il est temps de retourner dans l’Hémicycle. Les votes concernant le projet de loi de financement de la Sécurité sociale vont commencer.
*Associations membres du collectif : Planning familial, Sidaction, Femmes pour le dire, femmes pour agir, Fédération nationale des CIDFF, Fédération nationale Solidarité Femmes, StopFisha, Excision parlons-en !, Syndicat national des infirmier(e)s conseiller(e)s de santé FSU, En avant toute(s), Association de lutte contre le sida.

