Belgique

Licenciement de l’agent dénonçant les escroqueries dans l’art : Toutankhamon.

Un agent de l’Inspection économique et officier de police judiciaire a été démis de ses fonctions par le SPF Economie pour avoir publié le livre intitulé « Les secrets du marché de l’art en Belgique : enquêtes sur les escroqueries, les fraudes et les pillages ». Après audition et saisie d’une chambre de recours, la sanction de démission d’office a été infligée à Bernard Staessens, qui a introduit un recours en suspension et en annulation auprès du Conseil d’Etat.


Un agent de l’Inspection économique et officier de police judiciaire a été destitué par le SPF Économie. Sa faute est d’avoir publié un livre intitulé « Les secrets du marché de l’art en Belgique : enquêtes sur les escroqueries, les fraudes et les pillages » (Editions Racine). L’ouvrage est préfacé par l’ancien juge d’instruction Michel Claise.

Pour se protéger, l’auteur du livre utilisait le pseudonyme de Bernard Staessens. Lors de la promotion, il donnait des interviews en portant un masque de Toutankhamon. La raison de ce choix, selon ses explications sur les antennes de La Première en septembre 2024, est que « Une tête de pharaon, c’est le genre de pièces qui se négocient autour d’un million d’euros » en Belgique.

Selon lui, il s’agit d’un trafic d’art très lucratif contre lequel les autorités belges peinent à lutter en raison du manque de moyens. « Il y a eu des saisies pratiquées sur ce genre de pièces récemment. […] On a affaire à de véritables organisations criminelles. » Dans la même interview, il a ajouté que le marché de l’art est un secteur où des trafiquants de drogue blanchissent l’argent issu de leur activité. « L’argent sale est recyclé dans l’art. Parce que dans l’art, vous achetez dans l’anonymat le plus complet. »

Cependant, les déclarations de Bernard Staessens ont provoqué la colère de la Chambre royale belge des Antiquaires. Dans les médias, un de ses représentants, antiquaire au Sablon, dans le centre de Bruxelles, s’insurgeant a qualifié la situation de « scandale » et « d’écrit à charge », comme l’a rapporté Patrick Mestdagh dans La Libre. La Chambre a identifié le véritable Bernard Staessens et a alors écrit à l’Inspection économique, dénonçant le fait que le livre utilise des informations (textes et photos) issues de dossiers traités par Bernard Staessens, où les noms sont à peine dissimulés. Les antiquaires ont également mal pris le commentaire de l’auteur qui affirmait vouloir « donner une bonne raclée à tous ces antiquaires qui font tout ce qu’ils veulent depuis des décennies dans un sentiment d’impunité totale ».

Rapidement, le SPF Économie a ouvert une enquête interne. À Bernard Staessens, on reproche un « défaut d’autorisation de cumul d’activités », un « défaut de neutralité et de loyauté », un « manque de confidentialité », ainsi qu’une « communication non autorisée avec la presse ». Il lui est aussi reproché « d’avoir exercé des activités accessoires pendant les heures de travail habituelles » et « d’avoir compromis la dignité de la fonction, en se rendant identifiable comme l’auteur du livre, et en faisant référence au SPF Économie ».

Après audition et saisie d’une chambre de recours, la sanction tombe : Bernard Staessens reçoit une peine disciplinaire de démission d’office.

Celui-ci a ensuite introduit un recours en suspension et en annulation auprès du Conseil d’État. Fin octobre, la juridiction a rendu un premier arrêt qui suspend son licenciement, estimant que ce dernier n’était pas suffisamment motivé, avec deux des quatre reproches retenus par le SPF Économie qui ne sont pas fondés.

De plus, selon des échanges fournis par l’avocat de Bernard Staessens, le Conseil d’État a indiqué que celui-ci avait bien informé certaines personnes de sa hiérarchie concernant son projet de livre et son contenu sensible.

Maître Cédric Molitor, l’avocat de Bernard Staessens, n’a pas souhaité commenter l’arrêt favorable à son client rendu par le Conseil d’État. Aucun commentaire n’a été émis non plus par Michel Claise, qui a préfacé le livre.