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Guerre en Ukraine : L’explosion d’un missile russe lors d’un essai

Le 28 novembre, des médias locaux russes ont rapporté une explosion près de Yasny, dans l’oblast d’Orenbourg, causée par un tir de missile depuis la base de Dombarovski. Au 1er janvier, la Russie disposait de 5.459 ogives nucléaires, dont 1.718 étaient déployées, selon le Sipri.


Quand ça ne fonctionne pas… Le vendredi 28 novembre, des médias locaux russes ont rapporté une explosion près de Yasny, dans l’oblast d’Orenbourg. Cet incident a eu lieu lors d’un tir de missile depuis la base de Dombarovski, située près de la frontière kazakhe, qui est tombé seulement sept secondes après son lancement avant d’exploser.

Moscou n’a pas réagi à cet incident, mais celui-ci a été largement diffusé par des sites spécialisés, ayant été filmé. D’après plusieurs experts, il s’agirait « vraisemblablement » d’un missile RS-28 Sarmat. Ce même missile avait déjà détruit son silo d’essai à Plessetsk en septembre 2024, créant un immense cratère de soixante mètres de diamètre, portant ainsi son score à… cinq échecs sur six tentatives. Pourtant, cet engin est présenté comme le nouvel atout de la dissuasion nucléaire russe.

Etienne Marcuz, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et spécialiste des questions de dissuasion, a affirmé qu’il « n’est pas question de sous-estimer la dissuasion nucléaire russe », mais que ce nouvel échec permet de s’interroger sur ses réelles capacités. Voici ce que l’on sait.

Qu’est-ce que le RS-28 Sarmat ?

Il s’agit d’un missile intercontinental (ICBM) capable de transporter jusqu’à une dizaine de têtes nucléaires sur une distance d’environ 18 000 kilomètres. Surnommé également « Satan 2 », le Sarmat doit remplacer le missile R36-M2 (ou SS18 Satan). Après un premier tir réussi annoncé par l’armée russe le 20 avril 2022, cinq échecs de tir ont été enregistrés, y compris celui du vendredi dernier.

« Le programme Sarmat est en développement depuis la fin des années 2000, pour remplacer le Satan, un missile soviétique dont les dernières versions ont été construites en 1988 en Ukraine », explique Etienne Marcuz à 20 Minutes. À la suite de l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, des contrats de maintenance pour le missile ont continué entre les deux pays, ce qui n’a cependant pas été possible à partir de 2014. Les Russes ont donc dû gérer eux-mêmes cette maintenance tout en développant parallèlement le Sarmat, alors que le Satan arrivait en fin de vie.

Comment expliquer une telle série d’échecs ?

Certains observateurs soulèvent que l’échec fait partie du processus normal de mise au point de telles technologies. « L’échec peut tout à fait arriver », admet Etienne Marcuz, mais pour faire une comparaison, « le missile balistique M51 français a été tiré une bonne dizaine de fois depuis son existence et n’a échoué qu’une fois. Donc, cela arrive que des programmes connaissent des débuts difficiles, mais là on est sur autre chose. À la décharge des Russes, les Américains rencontrent également des difficultés avec le Sentinel, qui doit remplacer le Minuteman. Ce n’est pas parce que vous avez possédé la compétence [du missile balistique et des têtes nucléaires] par le passé que vous pouvez la maintenir facilement d’une génération à l’autre. Aujourd’hui, la Russie doit faire face au défi de se réapproprier cette technologie datant de l’époque soviétique. »

Dans quel état se trouve l’arsenal de dissuasion russe ?

Au 1er janvier, la Russie comptait 5 459 ogives nucléaires, dont 1 718 déployées, selon le Sipri (Stockholm International Peace Research Institute). Elle reste donc la première puissance nucléaire mondiale, devant les États-Unis (5 044 têtes), la Chine (500) et la France (290).

Malgré ces revers, la Russie dispose de nombreux autres vecteurs pour lancer ses ogives nucléaires, comme les missiles Sineva et Boulava (tirés depuis des sous-marins), les missiles terrestres Yars et Orechnik, ainsi que le missile air-sol Kinjal. « Le problème est que la Russie connaît également des difficultés avec le Boulava, elle se retrouve donc aujourd’hui avec deux vecteurs dont la fiabilité pose question », souligne Etienne Marcuz.

En plus du Sarmat, la Russie développe d’autres armes de nouvelle génération, qu’elle n’hésite pas à mettre en avant, comme le missile Bourevestnik, dévoilé le 21 octobre dernier, et le drone sous-marin (à tête nucléaire) Poséidon, présenté le 28 octobre.

« S’il n’y a aucune raison de remettre en question la réalité et la fiabilité de ces deux armes, elles restent anecdotiques en nombre de têtes : ce sera de l’ordre de 24 à 36 missiles Bourevestnik, et moins de 50 pour le Poséidon », précise le spécialiste. « C’est peu comparé aux plus de 1 500 têtes embarquées sur les missiles balistiques. Cela ressemble plutôt à un cache-misère concernant l’état de la dissuasion russe, qui reste conséquente, mais peut ne pas être à la hauteur des objectifs qui lui sont assignés, à savoir tirer des centaines de missiles contre les forces nucléaires adverses. Toutefois, il est vrai qu’il suffit de quelques têtes pour détruire une ville, voire un État, donc il ne faut pas sous-estimer leur dissuasion. »

Un nouveau tir de missile programmé

La Russie ne semble pas vouloir rester sur cet échec. Un nouvel essai d’un missile balistique est prévu, cette fois depuis Plessetsk, dans le nord du pays, d’ici au 7 décembre, selon Etienne Marcuz. « On ne sait pas encore s’ils vont tirer un missile Yars classique, couramment utilisé lors des exercices stratégiques, ou une nouvelle version. Ce qui interroge dans cette annonce, c’est le timing ; vouloir tirer un autre missile si rapidement après cet échec pourrait refléter une volonté de se rassurer. » Dans tous les cas, conclut l’expert, « ils n’ont cette fois pas intérêt à se rater. »