Rosa Parks, 70 ans après : une militante « effacée de l’Amérique de Trump »
Rosa Parks est née en 1913 dans une petite ville d’Alabama et a pris conscience des préjugés racistes dès l’école. Après son refus de céder sa place dans un bus de Montgomery à un homme blanc le 1er décembre 1955, elle est arrêtée, ce qui fait partie d’une stratégie militante pour contester la ségrégation dans les transports publics.
Née en 1913 dans une petite ville d’Alabama, dans un contexte de ségrégation, Rosa Louise prend rapidement conscience des préjugés racistes à l’école. « Les enseignantes sont des philanthropes blanches venues aider à l’éducation des filles Noires du Sud. Elle réalise qu’il existe des blancs bien intentionnés et que tout le monde n’est pas raciste et violent, mais que, néanmoins, les préjugés racistes sont extrêmement puissants.« , explique l’historienne spécialisée dans l’histoire des États-Unis et autrice de Rosa Parks (éditions Folio biographies).
Les rencontres qu’elle fait, les crimes racistes impunis, les victoires des Noirs américains organisés et la montée du Ku Klux Klan renforcent ses convictions et son engagement, bien avant qu’elle ne refuse de céder sa place dans un bus à Montgomery.
Rosa Parks : une radicalité effacée de l’Histoire
« Rosa Parks a un côté radical« , rappelle Caroline Rolland-Diamond. À 18 ans, elle rencontre Raymond Parks, son futur mari, qui lui fait découvrir des lectures militantes et lui transmet « la conviction intime qu’il faut préserver à tout prix sa dignité dans une société raciste et profondément injuste« . En effet, dans les années 1930, il refuse déjà de céder sa place sur le trottoir aux blancs, conduit une voiture rouge vif et porte un revolver pour se défendre.
Ensemble, ils rejoignent la NACP, l’organisation principale de défense des droits civiques, dont Rosa Parks sera secrétaire pendant dix ans, et organisent des réunions clandestines chez eux pour soutenir l’inscription des Noirs sur les listes électorales d’Alabama.
En 1943, une confrontation éclate entre elle et le chauffeur de bus James Blake, lors de laquelle Rosa Parks refuse de monter à l’arrière après avoir acheté son ticket. Douze ans plus tard, c’est dans le bus de James Blake qu’elle refusera de céder sa place.
Dans l’Amérique de Donald Trump, la mémoire de Rosa Parks est conservée, mais son long militantisme et la radicalité de certaines de ses positions sont effacés.
Car son action était préméditée, précise Caroline Rolland-Diamond : « Un collectif de femmes essaie d’organiser un boycott à Montgomery contre la ségrégation dans les transports publics. Elles n’arrivent pas à trouver la personne qui accepterait de se faire arrêter pour déclencher le boycott. » Ce sera Rosa Parks.
L’arrestation, suivie de la condamnation, fait partie d’une stratégie militante : « L’objectif était d’obtenir une condamnation pour pouvoir faire appel devant les tribunaux fédéraux, espérant une décision de la Cour suprême pour déclarer la ségrégation dans les transports publics inconstitutionnelle« . Cela arrivera le 13 novembre 1956, marquant une victoire historique.
Une pionnière de la lutte contre les violences faites aux femmes noires
Victime d’une agression sexuelle alors qu’elle travaillait comme domestique pour une voisine blanche, « on retrouve cette préoccupation pour les violences faites aux femmes dans toute la vie de Rosa Parks« . En 1944, Racy Taylor, jeune femme noire, est enlevée et violée par sept hommes blancs à la sortie de l’église, et ces derniers ne seront jamais condamnés. Rosa Parks récolte son témoignage et mène une enquête pour essayer de rendre la justice, sans succès. « Encore une fois, on la retrouve, militante, prenant des risques pour collecter les témoignages de femmes agressées« , souligne Caroline Rolland-Diamond.
Lors de la grande marche pour les droits civiques de 1963, Rosa Parks est choquée de voir les femmes être invisibilisées, « reléguées à l’arrière-plan, appelées à se lever, à sourire, à chanter trois notes, mais surtout à ne pas prononcer de grands discours. Cela marquera Rosa, tant dans sa détermination à obtenir justice pour tous les Noirs que pour les femmes, et dans l’espoir qu’un jour, le moment de l’égalité viendra véritablement« .
Cet engagement total de Rosa Parks, active dans tous les mouvements des droits civiques et pour les droits des femmes noires, est aujourd’hui trop peu évoqué dans la mémoire collective américaine, déplore l’historienne : « Dans l’Amérique de Donald Trump, on garde la mémoire de Rosa Parks, mais on efface à la fois son long militantisme et la radicalité de certaines de ses positions« .
►Écoutez ci-dessus l’intégralité de cette interview dans le podcast d’Un Jour dans l’Histoire.

