Les mineurs clandestins sud-africains ne voient pas d’avenir dans le charbon.
Cyprial travaille dans une mine de charbon clandestine en Afrique du Sud, où il passe ses journées à piocher la roche dans des conditions d’obscurité totale. Environ 34% du Mpumalanga est touché par le chômage, et de nombreux habitants vivent dans des cabanes sans accès à l’électricité malgré l’exploitation minière de la région.
En grandissant, Cyprial nourrissait le rêve de devenir avocat. Aujourd’hui adulte, il passe ses journées dans l’obscurité totale d’une mine de charbon clandestine en Afrique du Sud. Le bruit des brouettes résonne dans les tunnels étroits où, lui et des dizaines d’autres hommes, travaillent dès l’aube. Certains creusent la paroi rocheuse, leurs faibles lampes frontales peinant à percer l’obscurité, tandis que d’autres déplacent des charges pouvant peser jusqu’à 100 kilogrammes à travers les tunnels, avant de les pousser sur une colline escarpée vers des camions qui les livreront à des vendeurs informels dans la ville voisine d’Ermelo, dans la province orientale du Mpumalanga, centre charbonnier du pays.
Ils entrent par un tunnel de fortune dans cette colline éventrée, laissée à l’abandon par une entreprise minière. L’Afrique du Sud se classe parmi les principaux producteurs mondiaux de charbon, qui fournit environ 80% de l’électricité du pays. Elle est également classée parmi les 12 plus grands émetteurs de gaz à effet de serre au monde et a été en 2021 le premier pays à signer un accord de partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) avec des pays occidentaux, pour un montant total de 8,5 milliards de dollars (7,3 milliards d’euros). Il s’agit principalement de prêts à conditions préférentielles destinés à financer la production d’énergies moins polluantes.
Bien que la majorité de l’électricité soit produite dans le Mpumalanga, les habitants affirment ne pas avoir vraiment profité de l’exploitation minière à grande échelle. Ils expriment des craintes que la transition énergétique ne les laisse de nouveau à l’écart. « Dans le puits, c’est noir comme dans un four. On ne peut même pas voir son doigt, » raconte Cyprial, tirant sur un joint pour l’aider à « faire disparaître toutes (s)es peurs. » « La moitié des jeunes d’ici à Ermelo font ce travail, » déclare cet homme, s’exprimant sous pseudonyme par crainte de représailles des autorités. Avec un taux de chômage de 34%, le Mpumalanga est encore plus touché que le reste du pays. Bien que le charbon d’Ermelo alimente des centrales électriques nationales et internationales, de nombreux habitants vivent dans des cabanes sans accès à l’électricité.
« Ce minerai vient de chez nous, mais il est pris pour être vendu ailleurs… alors que les gens d’ici n’en bénéficient pas, » explique Cyprial à l’AFP. Le gouvernement les désigne comme des « mineurs illégaux », mais ils préfèrent le terme « mineurs artisanaux ». « Ce charbon, on le transporte vers des habitations pour que des gens puissent l’utiliser pour cuisiner et se chauffer, » déclare Jabulani Sibiya, représentant de l’union des mineurs artisanaux d’Ermelo. Selon lui, l’électricité produite dans le Mpumalanga est trop coûteuse pour de nombreux habitants, une situation qu’il juge « injuste ».
Le président Cyril Ramaphosa a qualifié ces mineurs de « menace » pour l’économie et la sécurité du pays, et les autorités s’efforcent d’éradiquer cette activité. En 2021, l’on estimait qu’il y avait plus de 40.000 mineurs clandestins en Afrique du Sud, principalement actifs dans des mines d’or. Les mineurs artisanaux d’Ermelo ont sollicité un permis minier collectif, mais le processus s’avère coûteux et lent, selon Zethu Hlatshwayo, porte-parole de l’Association nationale des mineurs artisanaux (NAAM).
Cette année, le gouvernement a introduit un projet de loi visant à faciliter la formalisation de l’exploitation minière artisanale. Cependant, Zethu Hlatshwayo déplore que le processus soit freiné par la « paperasserie ». « Il faut avoir un terrain, des permis, une autorisation environnementale, » énumère-t-il, estimant le coût total à trois millions de rands (150.000 euros). Pour lui, une « transition juste » doit permettre aux personnes ordinaires d’accéder aux richesses minières de l’Afrique du Sud. Cela permettrait, selon Zethu Hlatshwayo, de rectifier « les injustices du passé », en référence à l’apartheid, lorsque l’industrie minière, très lucrative, était réservée aux Sud-Africains blancs.
L’exploitation minière ne disparaîtra pas avec l’abandon du charbon, car les matières premières stratégiques présentes dans le sous-sol sud-africain sont nécessaires à la fabrication de panneaux solaires ou de voitures électriques. Il est crucial d' »inclure la durabilité et les mineurs artisanaux de communautés marginalisées, » soutient Zethu Hlatshwayo. « Ce ne sera pas une transition juste si on est laissé de côté. »

