Record mondial sans gouvernement à Bruxelles : quelle suite maintenant ?
Le législateur n’a pas prévu la possibilité pour les entités fédérées de pouvoir dissoudre ses assemblées. Cette potentielle majorité PS-Engagés-Ecolo-Défi est très fragile avec 36 sièges sur 72 côté francophone.
Et si on retournait aux urnes ?
Il semble logique, dans un contexte de crise, d’envisager cette solution, qui est parfois mise en œuvre ailleurs dans le monde. Toutefois, il est important de souligner que cela constitue une solution illusoire, car cela n’est pas prévu par la loi. Le législateur n’a pas prévu la dissolution des assemblées par les entités fédérées : que ce soit une bonne ou une mauvaise chose, la réalité est là. Par ailleurs, lorsque les électeurs choisissent les parlementaires régionaux bruxellois, cela implique également le Parlement flamand : 6 élus de la capitale siègent aussi au Vlaamse Parlement, mais uniquement pour voter sur des questions communautaires. De plus, le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles compte également 19 membres bruxellois, dont 3 désignés pour le Sénat… En somme, cela crée une situation complexe, sans précédent, mais théoriquement possible. Pour y parvenir, il faudrait modifier la Constitution (notamment son article 195) en ajoutant une mesure transitoire. Une telle démarche nécessiterait une majorité des deux tiers au Parlement fédéral (incluant des voix de l’opposition), ainsi qu’une réelle volonté politique, ce qui n’a jamais été exprimé jusqu’à présent dans les cercles fédéraux. Cette proposition a suscité des débats parmi les constitutionnalistes. Sans un retournement de situation spectaculaire, il est raisonnable de ne pas s’attendre à un tel changement.
Des affaires courantes jusque 2029 ?
Cela n’est pas impossible. Cette perspective, si on peut l’appeler ainsi, représenterait un échec considérable pour la Région et pour la classe politique bruxelloise dans son ensemble. Une période d’affaires courantes de 5 ans impliquerait 5 ans de stagnation, ce qui est problématique pour une Région capitale qui doit avancer dans un contexte international et national complexe. Par exemple, la réforme du chômage aura de graves répercussions sur Bruxelles, et sans un gouvernement en exercice, la capacité d’action serait très limitée. Les questions budgétaires doivent également être traitées de manière urgente, la Cour des comptes ayant déjà exprimé son mécontentement : Bruxelles n’a pas les moyens de fonctionner pendant 5 ans avec des « douzièmes provisoires ».
De nouvelles discussions budgétaires au 1er janvier ?
Une idée a circulé : et si les discussions budgétaires reprenaient au début de l’année 2026 ? L’un des principaux points de blocage durant les longues négociations pour établir un budget régional bruxellois concernait la base à partir de laquelle travailler. En termes simples, il s’agissait de déterminer si l’on devait se baser sur le budget (et donc le déficit) de 2024 ou celui de 2025. Cette décision aurait des répercussions financières majeures, représentant plusieurs centaines de millions à économiser.
A partir du 1er janvier 2026, cette question ne sera plus d’actualité : il faudra se baser sur le budget 2025, qui est le point de départ le plus « difficile ». Cela ne résout pas les autres problèmes, mais cette difficulté sera levée.
Un vrai gouvernement, quand même, dans les semaines à venir ?
Battre un record du monde sans gouvernement en exercice n’est pas surprenant pour ceux qui suivent la politique bruxelloise. Depuis le départ de David Leisterh, peu d’optimisme avait subsisté quant à une solution à court terme. Ce lundi, Yvan Verougstraete, le président des Engagés, a publié sur l’ex-Twitter (désormais nommé X) un ultimatum : d’ici dix jours, sans une majorité unie derrière le MR, il considérerait l’échec du parti libéral. Dans ce cas, le centriste a affirmé : « nous devrons envisager toutes les solutions crédibles pour sauver la Région, qui doit redresser sa trajectoire budgétaire d’au moins 1 milliard € : que ce soit depuis l’opposition, au sein d’une majorité alternative ou en soutien à une initiative de la société civile ou de techniciens. »
Parallèlement, le PS a rassemblé les Engagés, Ecolo et Défi pour leur présenter sa proposition budgétaire. Les écologistes et les amarantes, ayant perdu les élections, ne s’étaient pas projetés dans un gouvernement bruxellois. Les Engagés, qui avaient remporté les élections (à l’exception de Bruxelles), n’avaient pas prévu de remettre en cause leur alliance avec les libéraux à Bruxelles. Cependant, 541 jours après les élections, la situation évolue. Cette potentielle majorité PS-Engagés-Ecolo-Défi est extrêmement – extrêmement – fragile (avec 36 sièges sur 72 du côté francophone) et n’existe pas chez les néerlandophones. Néanmoins, ce scénario inédit pourrait ne pas être aussi irréaliste que cela. René Magritte apprécierait sans doute cette perspective.

