Justice : « Les sortants de prison en pire état qu’à l’entrée »
La Belgique comptait 6000 détenus en 1990 et en est aujourd’hui à plus de 13.500, dont plus de 500 dorment sur des matelas posés à terre dans les cellules. Plus de 30% de la population carcérale est composée d’étrangers qui n’ont pas ou plus leur droit au séjour.
La Belgique fait face à un sérieux problème de surpopulation carcérale. Mieux valait parler d' »inflation carcérale », comme l’indique Olivia Nederlandt. « La surpopulation, c’est la pointe de l’iceberg. Le vrai problème, c’est qu’on prononce toujours plus de peines de prison. » En effet, en 1990, la Belgique comptait environ 6 000 détenus, contre plus de 13 500 aujourd’hui. Plus de 500 d’entre eux dorment sur des matelas posés à terre dans les cellules, faute de lits.
La juriste pointe trois causes principales à cette surcharge carcérale :
1. La Belgique incarcère de nombreuses personnes en attente de jugement, 30 % des détenus étant en détention préventive.
2. Le pays impose des peines de prison plus longues que ses voisins européens. Une nouvelle loi de 2022 oblige les personnes condamnées à des peines de moins de trois ans à purger une partie de leur peine. Pourtant, la durée des condamnations n’a pas diminué.
3. L’accès à la liberté conditionnelle reste très complexe et rare, ce qui entraîne que la plupart des détenus purgent de longues peines.
### Le cas des étrangers en prison
Vincent Spronck souligne également la présence de profils qui ne devraient pas être incarcérés, comme les personnes atteintes de troubles mentaux, qui seraient mieux placées dans des structures psychiatriques.
Plus de 30 % de la population carcérale sont des étrangers, qui n’ont pas ou plus de droit au séjour. Ils devraient être placés dans des centres fermés gérés par l’Office des étrangers. Cette surreprésentation s’explique notamment par le fait qu’ils, souvent sans adresse et par crainte de disparaître, sont fréquemment retenus en détention préventive. Ceux qui ne le sont pas, manquent souvent leurs procès et reçoivent des peines lourdes, en plus des sanctions pour absence de titre de séjour. Enfin, de nombreux étrangers, une fois leur peine terminée et étant libérables, restent incarcérés en attendant un rapatriement. « Ainsi, les étrangers sans droit au séjour occupent beaucoup de place en prison, mais cela est dû à autre chose que le délit commis », résume le directeur de la prison de Saint-Gilles.
### La prison crée encore plus d’insécurité
Pourtant, les deux intervenants s’accordent sur un point clé : la prison n’est pas une solution. Il faut éviter à tout prix d’envoyer de nouvelles personnes en cellule, ce qui contredit la politique judiciaire belge. « Il y a un réflexe carcéral qu’il faut absolument essayer d’éviter parce que, comme on le dit, la prison n’est pas une solution. Et donc, effectivement, on voit ce phénomène que dès qu’il y a un fait divers, avec des conséquences dramatiques pour les victimes, on apporte une réponse pénale comme étant sécurisante. Mais la sécurité n’est pas apportée par la prison ; elle peut être assurée par d’autres moyens », explique Olivia Nederlandt.
Vincent Spronck va plus loin dans son raisonnement : « De manière un peu provocante, on pourrait dire que c’est en mettant en prison qu’on est laxiste sur la sécurité, parce qu’on aggrave la situation. Ceux qui sortent, sortent en pire état que lorsqu’ils y sont rentrés. […] La prison n’est pas une solution en termes de sécurité. » Le directeur de la prison de Saint-Gilles est très lucide sur la réalité carcérale : « La prison est une usine à maladies mentales, à consommation de stupéfiants, à désinsertion. Toute personne qui y rentre est exposée à de graves problèmes. Sans parler de la violence qui y règne, dont on peut être victime. […] À ce niveau-là, la sécurité n’est pas améliorée par le recours à la prison. »
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