Belgique

Des carbonaras jamais servies dans la crèche de Noël

Le MR, dirigé par Georges-Louis Bouchez, se positionne comme un acteur de la guerre culturelle, cherchant à élargir sa base électorale. La polémique autour de la carbonara et de la crèche de Noël illustre une politisation des émotions identitaires, où le parti se présente en défenseur de « notre héritage culturel ».

La guerre culturelle du MR

Le MR dirigé par Georges-Louis Bouchez se positionne clairement en tant qu’acteur de panique morale et de guerre culturelle. Cette intention n’est pas dissimulée. Elle se manifeste notamment dans les débats autour de la crèche de Noël en chiffon sur la Grand-Place et des pâtes carbonara. Il y a un peu plus de deux ans, Barilla avait proposé une recette inclusive de carbonara, suscitant l’indignation de Bouchez, qui s’était affirmé comme défenseur de « notre héritage culturel » contre ce qu’il qualifiait de « dérive wokiste« . Cela a ouvert un débat stérile sur la validité des arguments, questionnant la possibilité de défendre un héritage culinaire aussi instable que celui du carbonara, alors que cette recette a évolué au fil du temps, avec certains Belges considérant que la « vraie carbonara » se prépare avec de la crème, tandis que d’autres affirment qu’elle doit contenir uniquement des jaunes d’œufs.

Cette polémique, bien que paraissant absurde, était révélatrice : politiser les angoisses identitaires liées à la vie dans des sociétés ouvertes et diverses, où les références collectives changent rapidement, est une démarche que le MR exploite pour élargir sa base électorale en attirant des électeurs traditionnellement acquis aux partis socialiste ou PTB.

« Nos traditions » : une politisation absurde des émotions

La controverse autour de la crèche de Noël reflète la même logique que celle des carbonaras. Il ne s’agit pas simplement d’une question esthétique, mais d’une volonté du MR de revendiquer « notre crèche » et de défendre « nos traditions« . Ce qui en ressort est une politisation des émotions identitaires, construisant un « nous » contre un « eux » perçu comme une menace (wokiste, gauchiste, islamiste…).

Aucune autre explication ne tient réellement la route. Prenons par exemple la question de la laïcité. Ce parti, historiquement défenseur de la laïcité depuis sa création en 1846, prétend savoir mieux que l’Église catholique – qui a validé la crèche – ce qu’une crèche de Noël doit représenter. C’est absurbe.

Quelle vraie crèche de Noël sur la Grand-Place de Bruxelles ?

Interrogeons-nous : qu’est-ce qu’une vraie crèche de Noël ? Cela pose particulièrement question pour un parti qui se dit laïque. Joseph doit-il être représenté avec une longue barbe ? Quelle couleur doit avoir la peau de Marie ? L’âne doit-il être réel ? Et comment représente-t-on les rois mages ? Jusqu’où faut-il remonter pour définir une crèche respectueuse de nos traditions et valeurs ? Peut-être jusqu’à 1964, lorsque la crèche était vivante, avec un enfant grelotant dans la paille, tandis que des scouts formaient une haie d’honneur pour l’archevêque de Malines-Bruxelles, et une religieuse tentait de faire chanter le « divin enfant » à des catéchumènes frigorifiés.

C’était sans doute une authentique crèche respectueuse de nos traditions. Mais cette crèche était-elle plus authentique qu’une autre ? Le passage de la crèche vivante à la crèche statique ne représente-t-il pas une perte de nos traditions ? La question rejoint celle de la carbonara : qui peut décider de ce qui est « nôtre » ou pas ?

Et les chrétiens ?

Qu’en pensent, au fait, ceux qui sont souvent oubliés dans ce débat : la communauté chrétienne, largement mise de côté par la communication du président du MR ? Au sein de cette communauté, des opinions divergent : certains apprécient, d’autres non. Toutefois, beaucoup pointent un problème plus profond : la sécularisation de la société, la dilution du sens des Évangiles, et la commercialisation excessive de Noël. Cette fête, à l’origine synonyme d’humilité, de fragilité et d’espérance, est devenue un symbole de toutes les dérives du capitalisme.

C’est là le paradoxe de notre époque : il est possible de signer une pétition pour le retour de nos traditions de Noël tout en commandant une PlayStation sur Amazon en un clic. Cette incohérence témoigne d’un vide spirituel et culturel que révèle et renforce la polémique alimentée par le MR.