Tunisie

Vente de dattes : délices des oasis à prix dérisoires.

L’unité de commercialisation des dattes « Du producteur au consommateur » est implantée à Tunis, à quelques dizaines de mètres de la ligne TGM. Les producteurs présents proposent des variétés de dattes, dont la « Deglet Nour », qui est réputée pour être la meilleure qualité de dattes en Tunisie, coûtant entre sept et huit dinars le kilo.







L’unité de commercialisation des dattes «Du producteur au consommateur» est située à Tunis, près de la ligne TGM. Du 20 novembre au 7 décembre, une tente longue et couverte accueille des stands des producteurs des oasis tunisiennes. Nombreux sont ceux qui viennent offrir au public une large variété de dattes autochtones et autres, introduites pour enrichir le capital dattier.

Parmi toutes les variétés, la « Deglet Nour » est la plus recherchée, aussi surnommée « la datte qui éclaire votre journée ». Sous la tente, les producteurs montrent fièrement leurs marchandises savoureuses. Tous partagent la même passion et les mêmes espoirs… Reportage.

La Presse — Il est midi, vendredi 28 novembre 2025. En ce temps hivernal où il pleut abondamment, des passants entrent dans cette grande tente pour être plongés dans une atmosphère du sud, où chaleur humaine et douceur des dattes se rencontrent. Ici, les dattes de Tozeur, de Kébili et de toutes les oasis du sud sont à l’honneur.

Anis Abadiya a fait le trajet depuis Tozeur pour participer, pour la première fois, à ces journées de commercialisation des dattes. « Je suis venu pour dynamiser la vente de mes produits. Je trouve cette initiative intéressante. À vrai dire, il serait bénéfique de la décentraliser pour que les consommateurs de toutes les régions en profitent », déclare-t-il.

Un avis partagé par Samah Hachadni, venue de Nafta. « C’est ma deuxième participation. Ce type d’événements attire beaucoup de monde. Cela me permet d’avoir une meilleure visibilité pour mes produits », remarque-t-elle.

Pour tous les goûts !

Les dattes occupent tout l’espace et captivent l’attention de chaque visiteur. Les variétés proposées témoignent du potentiel et de la richesse de nos oasis. « Nous avons la fameuse “Deglet ennour”, reconnue comme la meilleure qualité de dattes en Tunisie. Son prix est entre sept et huit dinars le kilo, selon l’emballage.

Nous offrons aussi la “Ajoua”, une datte d’Arabie Saoudite, que nous avons introduite au Chott el Jerid. Nous la vendons à 18 dt le kilo ; un prix modeste comparé aux 120 dt pratiqués dans les pays du Golfe. La “Minekhra”, également connue sous le nom de “Deglet el Bey”, se distingue par sa couleur dégradée et son goût mielleux.

Elle est à quinze dinars le kilo. La “Kentichi”, ajoute Anis, se vend à seulement trois dinars le kilo ; on en extrait le sucre. Quant à la “Aligue”, consommée au petit déjeuner avec de l’huile d’olive, elle est aussi utilisée pour faire l’extrait de dattes ou “rob el tmar”. Son prix est de cinq dinars le kilo ».

« Aligue » ou l’ange-gardien des oasis

À la différence des autres variétés, l’« Aligue » se différencie par sa couleur rougeâtre et son goût fort, sucré avec une légère piquant. « C’est une variété essentielle dans les oasis. Chaque hectare doit compter au moins huit palmiers Aligue, car elle a la capacité de se protéger contre le charançon rouge. Elle joue un rôle préventif et protecteur pour les palmiers voisins », indique Ibrahim Ben Rejab, de Kébili.

Dattes et dérivés

En plus de la vente de dattes, les producteurs proposent des produits dérivés de plus en plus appréciés par ceux qui recherchent des nutriments, des produits bio et de terroir. « Nous avons du sucre de datte, la bsissa adoucie par du sucre de datte, du café mélangé avec des noyaux de dattes en poudre, de la pâte de dattes et le fameux “rob el tmar”, l’extrait de datte », énumère Samah. Tous ces produits sont proposés à des prix promotionnels.

Accès à l’eau : au pif !

Malgré l’enthousiasme de l’événement, les exposants expriment leur mécontentement face à un mauvais raccordement à l’eau d’irrigation, un ensemble de mesures essentielles qui tardent et une spéculation qui nuit à leur activité et à celle du consommateur.

« Notre région regorge de ressources en eau souterraine. Pourtant, la majeure partie se déverse dans le Sahara… Le manque d’eau d’irrigation pose un problème sérieux. Plus les dattiers sont irrigués, meilleure est la qualité des fruits. Bien que nous disposions d’un puits et de canaux d’eau depuis 2017, l’approvisionnement en eau est inégal. Pour des raisons inconnues, certains en bénéficient, d’autres non. Nous devrions recevoir une heure moins le quart d’irrigation, mais c’est compliqué ! ».

Le manque d’eau touche également les oasis de Kébili. « Le problème, c’est que les autorités ne nous permettent pas de creuser des puits ni de construire des routes vers les sources », souligne Majdi Amara, un producteur de Souk Lahad à Kébili. Cela met en lumière les efforts des habitants de cette région et des producteurs de dattes pour promouvoir la culture des dattes à Kébili.

« Nous avons une zone appelée “Pharaoun” qui était autrefois aride. Les agriculteurs y ont construit une route de quarante kilomètres. Ils ont creusé des puits et transformé la zone en oasis prospère rapportant des millions de dinars.

Au lieu de cela, les autorités considèrent cette zone comme une extension anarchique des oasis de Kébili », déclare-t-il. Majdi met en évidence les défaillances qui rendent la situation difficile pour les producteurs.

« La localité appelée “Om el Somaâ” a une source dont l’eau stagne profondément. Pour la remonter, il faudrait creuser avec une machine disponible, mais cela n’a pas encore été fait ! Les autorités ont préféré opter pour une petite source de compensation qui coûte 21 dt de l’heure pour l’approvisionnement en eau d’irrigation », ajoute-t-il.

Quant aux puits profonds, ils semblent être exploités par les producteurs à tour de rôle. « Cela peut prendre un mois, voire plus, avant de pouvoir bénéficier de notre droit à l’irrigation », précise-t-il.

Place à un office national des dattes !

Outre l’accès inégal à l’eau d’irrigation, les producteurs de dattes font face à d’autres difficultés. Les pratiques trompeuses des spéculateurs leur causent du tort.

En l’absence d’une institution nationale garantissant la commercialisation transparente de la production, les spéculateurs exploitent ce vide en achetant à bas prix et en revendant à un tarif élevé. « Les spéculateurs achètent nos productions au tonnage, sans préciser le prix. Ils attendent que les marchandises s’assèchent. Puis, ils achètent comme étant de deuxième ou troisième choix alors qu’ils savent qu’il s’agit de premier choix, forçant le producteur à vendre à des prix ne couvrant pas ses dépenses, sans marge bénéficiaire satisfaisante », affirme-t-il.

Majdi évoque l’augmentation des coûts de production, rappelant les mesures nécessaires pour protéger sa production contre les conditions climatiques et le charançon rouge. « La filière n’est plus rentable comme auparavant.

Il est essentiel de soutenir les petits agriculteurs, garantir l’accès à l’eau d’irrigation, multiplier les unités de vente directe pour limiter les intermédiaires, et surtout créer une institution pour réguler la filière.

L’ensemble des grandes filières agricoles possède un office national, comme l’office national de l’huile et des agrumes. Pourquoi n’avons-nous pas d’office national des dattes ? Pourquoi cette demande reste-t-elle ignorée à chaque fois ? Pourquoi ce blocage ? », s’interroge-t-il, exaspéré.

Tout ceci montre les nombreuses défaillances que soulèvent Majdi et d’autres participants à cet événement ; des problèmes pourtant accompagnés de solutions réalisables.

La création d’un office national des dattes permettrait de réglementer et de bien gérer la production, tout en soutenant les agriculteurs et en examinant chaque dossier de la filière… Assurer la transparence à chaque étape et mettre en place des plans d’action pour résoudre durablement les problèmes de la chaîne de production et de commercialisation est le souhait des maîtres des oasis.