Belgique

« Parlons solutions » : la formation est essentielle à l’insertion des employeurs.

Frederick Gillet surveille dix stagiaires en formation de couvreur au centre de formation du Forem de Namur, qui a détecté un besoin d’ouvriers qualifiés dans ce domaine. « Ça fait 20 ans que le métier de couvreur est en pénurie », indique Frederick Gillet.


Au centre de formation du Forem à Namur, Frederick Gillet supervise ses dix stagiaires qui suivent une formation pour devenir couvreurs. « On est parti d’une étude menée par le Forem qui a détecté dans la région de Namur un bon nombre d’entreprises à la recherche d’ouvriers qualifiés dans le domaine de la couverture toiture. » L’idée est donc de proposer une formation adaptée aux besoins régionaux. « Ça fait 20 ans que je suis ici sur Namur, ça fait 20 ans que le métier de couvreur est en pénurie », souligne-t-il.

Ces formations sur mesure présentent plusieurs avantages, notamment inciter les jeunes à s’intéresser à des métiers auxquels ils n’auraient pas pensé a priori. Christophe Peeters, formateur à Namur depuis 18 ans, explique : « Le métier de couvreur, c’est un métier de passion, il faut aimer ça. Je pense que les jeunes ne sont pas conscients de ce qu’on peut faire comme métier. Il faudrait pouvoir les amener en formation pour qu’ils découvrent, qu’ils essayent différents métiers. »

À l’issue de dix semaines de formation, les apprentis seront placés en stage dans une dizaine d’entreprises locales. « On a des entreprises qui ont besoin de main-d’œuvre, et donc nous les formons dans l’objectif de les mettre en entreprise. On espère que ça aboutisse à des contrats de travail », détaille Frederick Gillet.

Christian Bouvier, patron d’une entreprise spécialisée dans les énergies renouvelables à Namur, a également fait appel au Forem en raison des difficultés de recrutement. « On travaille dans toute la Wallonie, donc ce n’est pas toujours très agréable de rouler, partir plus tôt le matin, rentrer plus tard le soir, travailler dehors », indique-t-il. Grâce à une formation ciblée « en fonction de nos desiderata, sur l’acquis que devaient absolument avoir nos techniciens », Christian Bouvier a embauché trois collaborateurs.

La formation professionnelle peut aussi permettre un accès rapide à l’emploi. Certes, certains employeurs offrent des formations courtes aux candidats motivés avant de les intégrer dans leurs équipes. À Brussels Airport, par exemple, « la demande en sécurité augmente de façon constante, du fait de la sensibilisation accrue sur le sujet, et la surveillance privée obligatoire des infrastructures critiques », explique Vicky Houtmeyer, responsable administratif de la société de gardiennage G4S. Si « aucun niveau de formation scolaire spécifique n’est requis », souligne Filip Smeets, CEO d’Arxia, la fédération professionnelle du secteur de la sécurité privée, il est nécessaire de passer un screening de sécurité du SPF intérieur, de réussir une formation d’un mois et demi, et d’obtenir une évaluation positive lors d’un examen psychotechnique. Après avoir franchi ces étapes, « le secteur du gardiennage fait partie des cinq métiers les mieux rémunérés pour une personne sans diplôme. 96 % de nos collaborateurs travaillent sous contrats à durée indéterminée ». Un secteur dynamique qui compte aujourd’hui 1200 employés rien qu’à Zaventem.

À l’inverse, certaines entreprises de plus petite taille misent sur la formation interne pour se démarquer. Réviseur d’entreprises à Namur, Christophe Remon a vu la concurrence des grands cabinets de conseil, comme Deloitte, qui recrutent les meilleurs candidats « dès la deuxième BAC ». Il choisit alors de valoriser le travail local et la formation personnelle : « Pendant trois ans, je m’engage à former les nouvelles recrues. C’est aussi attractif, car dans les grands cabinets, ils ne connaissent même pas forcément leur manager. »

Les employeurs cherchent à identifier des candidats non seulement en fonction de leurs compétences professionnelles, mais aussi de leur motivation et de leur capacité d’apprentissage. « On a recruté un de nos meilleurs techniciens grâce à un jobday du Forem. On a trouvé chez lui une volonté de travailler, nous l’avons formé pendant quelques mois, il est là depuis cinq ans », raconte Christian Bouvier.

Cette approche est également celle du Perron de l’Ilon, un restaurant à finalité sociale à Namur, qui accueille chaque année des dizaines de travailleurs en réinsertion professionnelle. « Notre mission, c’est d’accompagner des gens qui ont longtemps été écartés de l’emploi et qui veulent revenir vers le monde du travail. Ils n’ont pas forcément eu la possibilité d’accéder facilement à l’emploi classique, et donc on propose avec nos partenaires des CPE, des premiers emplois d’insertion qui sont des tremplins vers l’emploi classique », explique le directeur, Grégory Leclerc.

Cependant, des freins structurels persistent dans l’accès à l’emploi. « C’est parfois de bien comprendre les attentes des employeurs, d’avoir les compétences techniques et transversales qui permettent d’accéder à un premier job », développe Grégory Leclerc. « À un moment donné, les subsides publics, les formations ‘article 60’ ont une fin. Et parfois, après cela, les personnes se retrouvent devant une falaise, elles doivent retourner au Forem, c’est tous leurs efforts qui sont ruiné. C’est justement sur ce gap qu’on veut travailler. »

Le permis de conduire ou la maîtrise des deux langues nationales sont souvent des barrières supplémentaires, notamment à Brussels Airport. « Les vols commencent très tôt, donc il faut des agents de sécurité dès 3h du matin. La majorité des personnes qui travaillent ici sont flexibles au niveau des langues », détaille Vicky Houtmeyers de G4S.

Des limites qui ne sont pas atténuées par les mesures gouvernementales, selon Grégory Leclerc : « La limitation dans le temps des allocations chômage crée surtout beaucoup d’incertitude et d’inquiétude. Je ne crois pas que ça va remettre un tiers des gens à l’emploi. Parce que des gens qui veulent travailler, nous, on en rencontre tous les jours. Il y a une solution de temps et d’accompagnement. Alors cela peut être de l’accompagnement dans l’apprentissage technique du métier, dans la découverte, mais il faut aussi un accompagnement sur des difficultés, parfois de l’ordre du privé, qui peuvent affaiblir les possibilités d’emploi. »

Mieux accompagner les demandeurs d’emploi et leur faire découvrir les métiers en pénurie grâce aux formations professionnelles semble être une mesure sur laquelle tous les employeurs s’accordent.