Plus de 55.000 enfants ne reçoivent pas de repas complets à l’école.
À l’école communale du Nord à Charleroi, 80 des 90 petits élèves de maternelle mangent un plat complet, sain et gratuit pour les parents. En 2025-2026, 429 écoles de milieux précaires sont dans le dispositif garantissant des repas chauds à 55 288 élèves.
Pour de nombreux enfants, il est désormais habituel de prendre le repas chaud du midi à l’école. À l’école communale du Nord à Charleroi, la directrice, Isabelle Moreau, constate que presque tous ses élèves de maternelle profitent de la gratuité des repas : « Sur les 90 petits bouts de maternelle, 80 mangent un plat complet, sain et gratuit pour les parents. C’est notre troisième année scolaire avec une telle accessibilité pour les familles. Pour certains enfants, c’est l’occasion de manger différemment et de découvrir des saveurs. Pour d’autres, c’est malheureusement le seul repas de la journée. Si la gratuité disparaissait, ce serait une catastrophe. »
L’heure est aux économies à la Fédération Wallonie-Bruxelles et du côté de la Ligue des familles, l’inquiétude grandit. Merlin Gevers, chargé d’étude « Enseignement » à la Ligue des familles, explique : « Sur les 86,7 millions de coupes budgétaires prévues dans l’enseignement obligatoire en 2026, près de 16 millions proviennent d’économies dans le soutien aux élèves les plus défavorisés. Il va donc falloir choisir dans quoi mettre l’argent qu’il reste. Les écoles vont-elles devoir remplacer ces repas par de la soupe ? Ou demander à ces parents en difficultés financières de payer un prix qu’ils ne peuvent se permettre ? »
Un appel à projet avait été lancé (par le gouvernement PS-cdH) en 2018 à destination des écoles maternelles les plus précaires. L’objectif était de garantir aux élèves un repas chaud, de qualité, durable et distribué gratuitement. À partir de 2021, le gouvernement MR-PS-Ecolo a augmenté le financement, permettant à des élèves d’écoles primaires défavorisées de rejoindre le projet. En 2023, un décret a été voté pour pérenniser les projets existants dans les écoles en les assurant pour plusieurs années. Depuis, 21 millions d’euros sont alloués chaque année. En 2025-2026, 429 écoles de milieux précaires sont dans ce dispositif et 55 288 élèves bénéficient de ces repas chauds à l’école.
Selon Merlin Gevers, ces projets apportent une différence significative : « Près de 14% des enfants belges de 6 à 11 ans sont en situation de privation matérielle sévère (Statistiques ‘EU SILC’ de l’Union européenne sur le revenu et les conditions de vie) et un parent sur 5 d’enfants de 3 à 9 ans n’a pas les moyens de permettre une alimentation saine et équilibrée (Enquête nationale Sciensano sur l’insécurité alimentaire). Dans ces écoles précaires, le repas chaud à midi garantit une alimentation saine et équilibrée aux élèves. Le projet vise donc à répondre à des enjeux de santé publique, à soutenir le bien-être des enfants, leur permettant d’avoir les apports nutritionnels variés nécessaires pour apprendre dans de bonnes conditions. »
Cependant, la FWB doit faire des économies. Le gouvernement projette de sérieusement réduire l’enveloppe des établissements scolaires concernés. La Ligue des familles a analysé la situation. Merlin Gevers précise : « D’abord, les moyens disponibles pour ces repas diminuent. Il ne reste que 8,2 millions d’euros pour les organiser, au lieu des 21,4 millions d’aujourd’hui. Ensuite, ces fonds en baisse seront répartis sur deux fois plus d’écoles. Théoriquement, les écoles peuvent décider d’allouer plus que 8,2 millions pour ces repas. Mais alors elles devront supprimer des activités de soutien pédagogique, augmenter le prix des activités scolaires à la charge des parents, rogner dans le matériel scolaire ou supprimer des heures d’intervention des assistants sociaux ou des logopèdes. Si elles refusent logiquement ces mesures, le budget disponible par enfant par an pour organiser des repas va être divisé par… 6, en moyenne, si le gouvernement confirme ses intentions. Annuellement, dans les écoles qui organisaient ces repas, le nombre de repas à 3,70 € distribuables gratuitement par élève serait divisé par 9. Et ce sera pire dans certaines écoles selon leur indice socio-économique. Dans les écoles d’ISE 5, le budget par élève serait divisé par 14. Ces repas deviendraient inorganisables dans les faits, avec une telle répartition des moyens. »
Merlin Gevers ajoute : « 200 millions d’euros sont annoncés pour de nouvelles politiques. Par exemple, la réintroduction de nouvelles options en 3ème secondaire pourrait coûter jusqu’à 60 millions d’euros par an. Il y a donc d’autres choix possibles sur la table et nous comptons bien faire des propositions. » Aujourd’hui, plus de 55 000 élèves bénéficient de la gratuité des repas chauds en maternelle et primaire en Wallonie et à Bruxelles, mais jusqu’à quand ? La question sera abordée lors des discussions en commission du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ce lundi.

