Accessibilité numérique : nouveau défi pour l’inclusion financière
En Tunisie, plus de 1,5 million de personnes vivent avec un handicap, représentant près de 15,5 % de la population. La France, avec le Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité (Rgaa), a instauré des normes pour améliorer l’accessibilité numérique, dont la version actuelle est Rgaa 4.2.1.

L’accessibilité numérique est désormais une nécessité vitale pour les économies modernes. En effet, plus de 1,3 milliard de personnes vivent avec un handicap dans le monde, et ignorer l’inclusion digitale signifie se priver d’un marché immense tout en affaiblissant sa compétitivité.
En Tunisie, bien que la digitalisation des services publics et privés soit en cours, elle n’est pas encore assez adaptée aux besoins des personnes à mobilité réduite. L’impact économique de cette accessibilité est pourtant manifeste, se traduisant par un élargissement de la clientèle, une fidélité accrue et une image institutionnelle améliorée.
Comme l’a déclaré Abir Jlassi Sdiri, experte internationale en marketing numérique et e-business, l’accessibilité numérique « représente aujourd’hui un levier majeur de performance ».
La Presse — Les données le confirment : en Tunisie, plus de 1,5 million de personnes vivent avec un handicap, soit près de 15,5 % de la population. Parmi elles, environ 345.000 ont un handicap sévère, représentant 3,3 % de la population, tandis que 1,37 million ont des handicaps multiples.
Ces handicaps se répartissent en trois catégories : permanents, temporaires, et situationnels, comme chez une personne âgée ayant des problèmes de vision ou un citoyen utilisant un appareil dans un environnement bruyant.
Cette classification montre que l’accessibilité numérique concerne potentiellement chaque citoyen à un moment donné de sa vie, selon les dires de Sdiri.
Des usages numériques devenus essentiels
Dans la vie quotidienne, les personnes à mobilité réduite utilisent de plus en plus les plateformes numériques pour le télétravail, les outils collaboratifs ou la gestion de projets professionnels. Elles se servent également des services en ligne pour leurs démarches administratives et fiscales, telles que la déclaration d’impôts ou la demande de documents officiels, ainsi que d’applications pour organiser leurs déplacements, faire leurs courses ou consulter des services de santé.
En France, près de 90 % des démarches administratives sont actuellement accessibles en ligne, soulignant l’importance d’une accessibilité universelle. La Tunisie doit donc intégrer cette dimension dans la digitalisation de ses services publics pour éviter d’exclure une partie importante de sa population.
La France illustre cette nécessité avec le Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité (RGAA), introduit par la loi du 11 février 2005 et régulièrement mis à jour. La version actuelle, RGAA 4.2.1, est conforme aux Web Content Accessibility Guidelines (WCAG), qui établissent trois niveaux de conformité : A, AA et AAA, ce dernier étant le plus strict.
Certaines organisations internationales, comme « BBC News », ont atteint ce niveau, démontrant que l’accessibilité peut être combinée avec des performances éditoriales et une audience expansive. Dans ce contexte, les plateformes publiques doivent être les premières à incarner cette transformation, car elles sont essentielles pour l’accès citoyen aux services fondamentaux.
Elles doivent prendre l’initiative et incorporer l’inclusion digitale au cœur de leurs priorités. Les expériences au niveau international montrent que l’accessibilité numérique peut servir de levier de compétitivité : Apple et Microsoft l’ont intégré dans leur stratégie, et Doctolib, en France, a constaté une hausse de l’utilisation de sa plateforme parmi les seniors et les personnes handicapées après avoir amélioré son accessibilité.
Les études européennes soulignent l’impact économique de cette démarche : les entreprises accessibles voient leur chiffre d’affaires augmenter de 12 à 15 % en raison d’un élargissement de leur audience. Dans le secteur médiatique, BBC News prouve qu’un acteur majeur peut respecter les normes tout en consolidant son image de responsabilité sociale.
L’impact est tangible : les sites accessibles connaissent une augmentation moyenne de 20 % du trafic, un abaissement du taux de rebond, et une hausse de 12 à 15 % de leur chiffre d’affaires. Dans le e-commerce, la conformité au RGAA améliore directement l’expérience client, optimise le parcours d’achat et renforce la fidélité. Selon « Contentsquare », 40 % des sites sont en retard, mais ceux qui investissent réellement obtiennent des résultats supérieurs à 9/10 en engagement utilisateur.
Ces résultats confirment, comme l’a expliqué Abir Sdiri, que l’accessibilité n’est pas un coût : c’est un avantage stratégique.
Un multiplicateur de valeur pour l’économie
Au-delà des chiffres, l’accessibilité agit comme un multiplicateur de valeur. Elle améliore le référencement naturel, renforce l’image de marque en plaçant l’entreprise comme responsable et innovante, et ouvre des marchés souvent négligés mais à fort potentiel. Elle s’inscrit aussi dans une démarche RSE structurante, créant un lien de confiance durable avec les internautes.
Au niveau international, les standards convergent vers des exigences communes : l’Union européenne impose progressivement l’accessibilité comme une nécessité incontournable, tandis que les États-Unis renforcent les obligations via l’Americans with Disabilities Act. Cette évolution mondiale indique que l’accessibilité numérique se dirige vers un critère universel de compétitivité. Pour la Tunisie, s’aligner sur ces standards constitue une opportunité stratégique significative.
Il est donc urgent de créer un référentiel national d’accessibilité numérique, inspiré du RGAA, mais adapté aux réalités locales. Un tel cadre aiderait à harmoniser les pratiques, à soutenir les institutions et les entreprises dans leur mise en conformité et à positionner la Tunisie en tant qu’acteur régional de l’inclusion digitale.
Dans cette optique, la formation certifiante agréée Qualiopi intitulée « Concevoir du contenu numérique et accessible » prend tout son sens. Elle permet d’obtenir le Certificat Éditeur Numérique RGAA, conforme aux standards RGAA 4.2.1 et WCAG, et offre aux professionnels les outils nécessaires pour rendre leurs contenus accessibles à tous.
Cette démarche souligne l’importance d’allier compétences techniques, cadre réglementaire et engagement sociétal pour créer des plateformes réellement inclusives, notamment dans des secteurs clés tels que l’export, la culture ou la santé. Pour approfondir cette thématique, trois ouvrages de référence apportent des éclairages essentiels : « Accessibility for Everyone » de Laura Kalbag, « Inclusive Design for a Digital World » de Regine M. Gilbert, et « A Web for Everyone » de Sarah Horton et Whitney Quesenbery.
Ces livres montrent que l’accessibilité n’est pas une contrainte, mais une source d’innovation. En définitive, l’accessibilité numérique représente une révolution silencieuse redéfinissant les règles du jeu économique. Pour la Tunisie, s’aligner sur les standards européens RGAA et internationaux WCAG n’est pas seulement une exigence technique : c’est une stratégie gagnante pour bâtir une économie digitale inclusive, innovante et compétitive.
Les plateformes publiques doivent être à l’avant-garde de cette transformation pour inspirer l’ensemble du tissu entrepreneurial. Comme l’affirme une conviction largement partagée par les experts, dont Abir Sdiri, « chaque jour sans accessibilité est une opportunité perdue. Agir aujourd’hui, c’est bâtir l’inclusion et la compétitivité de demain ».

