Belgique

Des prédateurs usurpent l’identité de photographes pour voler des photos d’enfants.

Stellina Huvenne a compris l’ampleur de l’arnaque après le témoignage direct de mamans d’enfants qui l’ont contactée. L’ancienne directrice rappelle que son agence était absolument sérieuse et que toutes les photos étaient réalisées en présence des parents.


Stellina Huvenne a pris conscience de l’ampleur de l’escroquerie après avoir été contactée par des mères d’enfants. Au départ, elle pensait que ces personnes faisaient erreur et ignoraient que son agence de photos d’enfants était fermée depuis avril dernier : « Au début, je prenais ça un peu à la légère, en me disant, bon, j’ai autre chose à faire. Et puis j’ai commencé à décrocher et un jour où une maman m’a dit : ‘On m’a demandé des photos de mes enfants en sous-vêtements’. Et là, je me suis dit : mais qu’est-ce qu’il se passe ? »

Des messages vocaux arrivent plusieurs fois par jour, les parents lui transmettent des documents administratifs envoyés par l’usurpateur, tous signés de son nom : « là, ça a été la douche froide ! Ils envoient des attestations avec des numéros d’entreprise et un siège social. Ils ont repris mon nom d’agence Happy Models et mon logo. Le numéro de TVA n’est pas le bon, le siège social non plus, mais les parents ne sont pas censés le savoir. Et dans l’en-tête, ils indiquent mon adresse personnelle. C’est signé ‘La directrice, Madame Huvenne’, donc moi. C’est clair que ça fait froid dans le dos. » Elle rappelle que son agence était très sérieuse et que toutes les photos étaient prises en présence des parents : « Aucune agence ne demande de photos en sous-vêtements pour des enfants. Aucune marque, aucune grande marque de sport, ne veut des images comme ça pour des enfants. Ça ne se fait pas. Jamais. »

Stellina Huvenne essaie de contacter TikTok, mais la plateforme considère systématiquement ses alertes comme infondées, même lorsqu’elle évoque l’usurpation d’identité ou un risque pédopornographique : « J’ai beau indiquer que ça concerne une usurpation d’identité ou un caractère pédopornographique : ça ne fonctionne pas. Ils disent qu’il n’y a pas d’infraction, aucune violation des règles. Ils ne suppriment pas les comptes, ils me proposent simplement de les bloquer. Mais ce n’est pas une solution. »

L’ancienne directrice d’Happy Models suppose que les usurpateurs pourraient être basés en Afrique. En effet, le ou les escrocs ont fourni à certains parents un « book », avec des modèles photo à reproduire chez eux : « Le fameux book qu’on m’a transmis, c’est uniquement des petits enfants africains, en slip ou en brassière, dans des positions suggestives. Et il y a deux fois mon logo en grand juste à côté d’images d’enfants dénudés. Et là, je me suis dit : ‘Waouh, si c’est réellement des gens d’Afrique, c’est que c’est un réseau assez important’. Moi, je n’ai pas demandé à être mêlée à tout ça, mais je ne lâcherai pas. Pour elle, l’urgence dépasse son cas personnel : ‘Ce que je veux, c’est surtout que les parents ne tombent pas dans le panneau. Je veux qu’ils préservent leur enfant au possible. Il y a un vrai travail de prévention à faire.’ » Stellina Huvenne est d’autant plus touchée par cette situation qu’elle œuvre elle-même dans le domaine de l’aide à la jeunesse et ne peut admettre que son nom soit associé à de telles pratiques.

Child Focus met également en garde sur les risques liés à l’envoi de telles photos à de fausses agences de mannequinat : « Il y a une possible utilisation par des personnes vraiment très mal intentionnées, des pédocriminels qui peuvent utiliser des photos d’enfants dans un autre contexte, que ce soit des photos d’enfants dans des sous-vêtements, dans des bikinis, peu importe en fait. Donc il faut vraiment faire attention au genre de photos les parents envoient », explique Selyna Ayuso, porte-parole de l’association.

« Chez Child Focus, nous conseillons aux parents de toujours bien faire attention à qui ils envoient et quel genre de photos ils envoient, car il existe des personnes mal intentionnées qui pourraient les utiliser dans un autre contexte. Donc s’ils sont contactés par un profil de ce genre, on leur conseille de vraiment aller voir d’abord si c’est quelque chose de crédible, si c’est quelque chose qui existe, et de ne pas juste directement envoyer des photos de leurs enfants, surtout en sous-vêtements. »

L’association rappelle qu’elle est là pour soutenir tous les mineurs victimes d’exploitation sexuelle et leur entourage, aussi bien dans le monde réel que sur Internet. Tout signalement peut lui être communiqué au 116 000.