Belgique

« Le sens de ces 3 jours de grève, déclare Simon Brunfaut »

Cette semaine, la Belgique a suspendu ses bus, ses trams et ses trains pendant trois jours. Dans L’homme révolté, Camus évoque l’idée que la révolte naît dans le cœur quand l’homme dit “non”, un “non” qui veut dire oui à la dignité et à la justice.


Cette semaine, je n’ai pas observé un pays immobilisé, mais un pays en suspension. Une nation qui s’est mise en pause, semblable à une grande inspiration avant de s’exprimer. Durant trois jours, la Belgique n’a pas seulement cessé ses bus, trams et trains, elle a suspendu son souffle, comme si elle cherchait à entendre quelque chose que l’on écoute de moins en moins. C’est dans ce silence, dans ce vide, que j’ai repensé à Camus.

Dans *L’homme révolté*, Camus évoque cette idée simple mais profonde : *la révolte naît dans le cœur lorsque l’homme dit “non”*. Un non qui, pour Camus, signifie aussi oui. Oui à la dignité, oui à la justice, oui à l’option d’exister différemment. Camus affirmait que la révolte n’est pas un caprice, mais une fidélité. Fidélité à soi-même, fidélité à sa vision du monde. Nous nous révoltons parce que nous reconnaissons en nous une valeur que nous refusons de laisser être piétinée. Il disait que la révolte est la rencontre entre *“le sentiment d’une injustice”* et *“la certitude d’une dignité”*. Et ces trois jours de grève ont peut-être matérialisé ce point de rencontre.

Une grève est, en fin de compte, un refus qui affirme quelque chose. C’est une proclamation d’existence. Lors d’une grève, il y a quelque chose de magnifique : on arrête tout pour rappeler ce qui est essentiel ; on crie pour mieux entendre ; on s’immobilise pour remettre le mouvement à sa place.

Ces trois jours ont naturellement perturbé nos habitudes. Toutefois, ils ont aussi souligné que la société ne repose pas sur des rails : elle repose sur des êtres humains. Quand un peuple se met en pause, ce n’est pas pour disparaître, mais pour devenir visible. Le travail, la société, l’économie — tout cela n’a de sens que si chacun y trouve sa part de lumière.

Camus rappelait que la véritable révolte n’est jamais déstruction. Elle est création. Elle recherche un chemin, une manière de continuer sans se renier. Ainsi, la signification de ces jours de grève est de nous renvoyer doucement à notre humanité, à notre pouvoir d’agir et d’imaginer, à ce moment fragile où quelqu’un, quelque part, dit “non” pour que le monde puisse redevenir un grand “oui”.