France

Où commence et finit exactement le « Sud de la France » ?

La notion de « Sud de la France » est essentiellement une acceptation sociale qui n’est pas une entité administrative reconnue. Le terme « Sud de France » a été déposé à l’INPI depuis 2006 par la région Languedoc – puis Occitanie – pour commercialiser des produits du terroir.

« Tu fais quoi cet été ? » « Je vais au camping dans le Sud. » Cette conversation peut sembler claire, mais elle ne précise finalement rien concernant la destination. Un autre exemple : « Tu habites où ? » « Dans le Sud. »

Par ce terme de « Sud », la plupart des gens comprennent essentiellement le « sud de la France », qui englobe un vaste espace géographique s’étendant de Nice à Perpignan, c’est-à-dire le pourtour méditerranéen. Cependant, d’autres, notamment les Provençaux, adoptent une définition plus étroite : « À partir de Montpellier – Nîmes, c’est déjà le Sud-Ouest. Après Montélimar, nous ne sommes plus dans le Sud », résume Fabien, bientôt 40 ans, ayant vécu entre Arles et Marseille.

« La guerre des Suds » n’aura pas lieu

Géographiquement, le Sud n’est en réalité qu’une « manière de s’orienter dans le monde, une valeur cardinale, l’inverse du Nord », explique la géographe Marie-Alix Molinié-Andlauer à 20 Minutes. Pour elle, la notion d’« espace sud en France » repose sur une acceptation sociale et ne constitue pas une entité administrative reconnue.

Malgré plusieurs tentatives, certains, comme Renaud Muselier, président de la région PACA, emploient depuis près d’une décennie le terme de « Région Sud » dans leurs communications, sans qu’il ait de fondement administratif. Par ailleurs, le terme « Sud de France » est déposé à l’INPI depuis 2006 par la région Languedoc, désormais Occitanie, pour commercialiser des produits locaux.

Cependant, « la guerre des Suds » n’aura pas lieu. Selon Marie-Alix Molinié-Andlauer, « la notion de Sud en France varie considérablement. Cela peut inclure ce qui se trouve au sud de la Loire ou plus bas sur une ligne Limoges-Lyon ». On mentionne également le 45e parallèle, qui indique l’équidistance entre l’équateur et le pôle Nord, et qui traverse la Drôme selon une ligne reliant Lacanau à Briançon.

Nous n’avons donc pas progressé dans notre définition du « Sud de la France », qui dépend principalement de l’« espace vécu et des échelles de déplacements ». Si l’on interroge un Parisien, un Limougeaud ou un Lyonnais sur ce que représente le « Sud », les réponses varieront inévitablement, souligne Marie-Alix Molinié-Andlauer.

L’influence du Mistral

Dans le cadre des « échelles de déplacements », il est impossible de ne pas penser aux vacances et à la bien-nommée « Autoroutes du sud de la France (ASF) », gérées par Vinci. Avec ce terme, Vinci évoque tout un imaginaire : l’autoroute est une voie d’accès vers le sud, le soleil, la mer et un mode de vie. Une œuvre d’art à cette vision a même été créée : sur l’aire d’autoroute de Savasse, au nord de Montélimar, une sculpture symbolise la « Porte du soleil ».

Cette localisation est d’ailleurs considérée comme pertinente par le météorologue Paul Marquis : « Techniquement, à partir de Valence-Montélimar, le climat change sous l’effet du Mistral qui protège le Sud-Est des nuages et des intempéries. C’est pourquoi, dans des conditions classiques, on peut observer des nuages et de la pluie du côté des Lyonnais et du nord de la France, tandis qu’en passant Montélimar, ceux-ci se dissipent grâce au vent. »

Dans le Sud-Ouest, la « Tramontane » peut jouer un rôle similaire, souligne le météorologue. Pour lui, « il existe vraiment deux régions dans le Sud et de nombreux climats différents : un climat méditerranéen au sud-est, un autre au sud-ouest, un climat océanique comme à Biarritz et un climat plus montagnard, alpin, dans les Hautes-Alpes ».

Langue d’Oc, langue d’Oï

Pour le linguiste et marseillologue Médéric Gasquet-Cyrus, la notion de « Sud de la France » renvoie d’abord à une « identité sudiste » qui défend (avec humour et chauvinisme) son territoire géographique. Comme toute identité, elle se construit d’abord sur l’exclusion, en définissant ce qui n’est pas considéré comme tel : « Depuis un siècle, il existe des blagues sur ceux qui se disent du Sud, notamment les Lyonnais, que Marseille regarde avec dédain en disant : “juste non”. En effet, peu importe la position géographique, le « Sud » renvoie à un imaginaire, à un mode de vie : soleil, calanques, plages et pastis », résume le linguiste.

Cependant, cette perception a évolué. « On a longtemps évoqué le “Midi de la France”, qui avait une connotation négative. Les habitants du Midi étaient vus comme paresseux, violents, avec un tempérament chaud sous l’effet du soleil. Une littérature du XIXe siècle aborde ce sujet. La Côte d’Azur, quant à elle, a émergé par la suite et permet de délimiter, pour nous Provençaux, un côté qui n’est pas “notre Sud”. Ainsi, il y aurait le Midi à l’ouest de la Camargue, la Côte d’Azur à l’est, et entre les deux, nous, le Sud », conclut Médéric Gasquet-Cyrus. D’autre part, il accepte également une définition linguistique basée sur la langue d’Oc et la langue d’Oï, qui ont longtemps séparé la France selon une ligne Limoges-Lyon.

La France ne fait pas exception

La question se pose : où se situe le Nord ? Le Sud ? Cette distinction demeure subjective et traverse d’autres pays : « En Italie, il existe une démarcation Nord/Sud très marquée. C’est également le cas en Espagne. Toutefois, il est compliqué de les comparer avec la France, car ces pays sont fortement régionalisés », constate Marie-Alix Molinié-Andlauer.

« En Italie, le Sud a une connotation très négative. Ce sont les pouilleux (de la région des Pouilles), presque considérés comme non-italiens », précise Médéric Gasquet-Cyrus. Cette stigmatisation géographique et une forme de ségrégation économique sont également présentes à Marseille, mais à l’envers : les quartiers Nord, pauvres, s’opposent aux plus riches du sud de la ville. « Tout est une question de point de vue », conclut le linguiste avec une citation du groupe « Fracas », originaire de Montpellier : « Le fracas vient du sud de France, mais là-bas, ils disent nord de Méditerranée ». Car même en plein Sud, on reste le nord de quelqu’un d’autre.