Fusion IPM-Rossel : cohabitation Avenir-Sudinfo « a tout son sens »
En juin dernier, les groupes de presse IPM et Rossel ont annoncé leur projet de fusion, suspendu pour l’instant à l’avis de l’Autorité belge de la concurrence. Selon Olivier Standaert, la propriété des médias en Belgique francophone est moins diversifiée que par le passé.
En juin dernier, les groupes de presse IPM et Rossel ont annoncé leur projet de fusion, en attente de l’avis de l’Autorité belge de la concurrence. Cette fusion regrouperait plusieurs titres comme Le Soir, La Libre, L’Écho, Sudinfo ou encore L’Avenir. Bénédicte Linard, ancienne ministre des médias en Fédération Wallonie-Bruxelles, s’inquiète des conséquences de ce regroupement. Elle exprime ses préoccupations quant à un paysage médiatique trop centralisé entre les mains de quelques propriétaires, ce qui pourrait nuire à la liberté de la presse : « La menace est réelle s’il n’y a pas de garantie de garder une information de qualité, d’une presse indépendante et le pluralisme. Aujourd’hui, on ne les a pas encore. »
Une tendance à la concentration des médias
Selon Olivier Standaert, la propriété des médias en Belgique francophone est moins diversifiée qu’auparavant. « On vient d’un secteur où il y avait davantage de propriétaires de médias pour davantage de titres. Ce qui ne veut pas dire que certains n’ont pas déjà eu des mouvements de rachat, concentration et acquisition au fil du 19e siècle. […] C’était vraiment déjà une question qu’on se posait il y a dix ans : combien d’éditeurs restera-t-il ? »
À la fin des années 80, la libéralisation du marché et la télévision par satellite avaient déjà beaucoup changé la donne. Olivier Standaert rappelle que des craintes étaient déjà exprimées concernant l’emprise de la télévision sur le public, la qualité de l’information et les « empires médiatiques ». Aujourd’hui, avec le numérique, le mobile, les réseaux sociaux, les plateformes et l’IA, les modèles économiques des médias sont profondément bouleversés.
« Ce que je trouve parfois difficile ou préoccupant pour les acteurs, c’est le rythme auquel ces changements se succèdent et la profondeur des changements que ça a sur les comportements des audiences. Ce sont des changements profonds. Il y a globalement aujourd’hui une forme d’ascendance de la tech, des GAFAM sur le monde des médias. C’est quand même eux qui, dans pas mal de paramètres, fixent les règles, fixent les standards, fixent les conditions d’utilisation, captent les données, captent les investissements publicitaires. […] L’impact ici en termes de modèle d’affaires, il peut être assez profond si au niveau stratégique, les décisions ne sont pas prises comme il le faut. Quand on se trompe dans ce genre de secteur, ça peut coûter cher et vu la rapidité des changements, ce n’est pas toujours simple de recalibrer les choses. » Ces évolutions successives nous orientent vers un marché de plus en plus concentré, une tendance déjà observée en Flandre.
L’Avenir va-t-il disparaître au profit de Sudinfo ?
Aujourd’hui, les deux grands groupes de presse IPM et Rossel, qui possèdent ensemble presque tous les titres de la presse quotidienne belge francophone, veulent unir leurs forces. Les deux géants affirment qu’aucune fusion des titres n’est prévue. Toutefois, des inquiétudes subsistent, notamment concernant les doublons locaux créés par les versions régionales de L’Avenir et de Sudinfo. Selon Olivier Standaert, « la cohabitation des deux a tout son sens. Elle est très pertinente du point de vue éditorial. On a vu Sudinfo se développer davantage dans les grands centres urbains de la Wallonie, Charleroi et Liège, mais ils sont aussi présents à Bruxelles. Tandis que L’Avenir a davantage une structuration du lectorat sur d’autres zones géographiques. »
Néanmoins, le directeur de l’École de journalisme de l’UCLouvain souligne que face au marché actuel, les questions économiques doivent également être prises en compte. « Je pense que c’est important d’avoir des garanties qui permettent à ces deux titres de continuer. La question, évidemment, c’est de savoir dans quelle mesure ils peuvent atteindre une forme de rentabilité. On ne peut plus, encore moins que par le passé, dissocier la question de la viabilité économique. Et donc, ce sont aussi des changements de modèle que certains de ces médias doivent adopter. »
Les conséquences pour les journalistes pourraient être importantes. Lorsqu’un média atteint une certaine taille, surtout sur un petit marché comme le nôtre, il peut réaliser des économies d’échelle, rationalisant certains processus ou services pour améliorer sa rentabilité. Cela peut cependant avoir des répercussions significatives sur l’emploi et la diversité de la presse. Olivier Standaert le rappelle : « il faut s’intéresser à l’impact que ça a sur l’emploi, sur la stabilité de l’emploi et finalement, sur le contenu journalistique proposé aux audiences. »
► Écoutez ci-dessus l’intégralité de cette interview dans le podcast Les Clés ou directement sur Auvio.

