France

22 milliards d’euros pour l’ESA : missions scientifiques et observation de la Terre ?

Les 23 Etats membres de l’ESA ont décidé d’accorder 22,1 milliards d’euros à l’agence spatiale pour financer ses programmes ces trois prochaines années. Le programme scientifique est le deuxième plus gros poste de dépense de l’ESA, avec 17 % du budget, soit 3,7 milliards d’euros, qui lui sont alloués.


« Une Ministérielle historique. » Les propos de Josef Aschbacher, directeur général de l’Agence spatiale européenne (ESA), reflètent l’ampleur du budget accordé aux programmes spatiaux européens. Lors d’un Conseil ministériel qui s’est tenu à Brême (Allemagne) mercredi et jeudi, les 23 États membres de l’ESA et leurs partenaires ont décidé d’allouer 22,1 milliards d’euros à l’agence spatiale pour financer ses programmes au cours des trois prochaines années. Ce montant record représente une hausse de plus de 5 milliards d’euros par rapport à celui de 2022, soit une augmentation de 32 %, ou de 17 % en tenant compte de l’inflation. À quoi servira cette somme ? 20 Minutes fait le point.

Des fusées pour un accès autonome à l’espace

Le transport spatial, domaine traditionnellement associé à l’espace, reçoit la plus grande part du budget (20 %), soit 4,4 milliards d’euros. Cette somme permettra de maintenir et de développer les capacités de lancement de l’Europe autour de trois piliers essentiels, comme l’indique l’ESA sur son site Internet (en anglais). Le premier pilier vise à garantir un accès autonome à l’espace, en se concentrant sur les fusées Ariane 6 et Vega-C. Ces deux lanceurs seront dotés d’un moteur plus puissant et seront optimisés pour réduire les coûts tout en augmentant la fréquence des lancements, afin de renforcer la compétitivité sur le marché.

Le deuxième pilier a pour objectif d’assurer l’avenir du transport spatial en « préparant la prochaine génération de lanceurs et de systèmes de lancement ». Les États membres ont approuvé des investissements significatifs pour le Challenge Lanceurs européens, un programme destiné à soutenir cinq entreprises, y compris la Française MaiaSpace, dans le développement de lanceurs privés. Le Programme préparatoire pour les futurs lanceurs joue également un rôle crucial, permettant de développer et de démontrer des technologies pour les futurs lanceurs, telles que la réutilisation ou le ravitaillement en orbite.

Ces deux piliers reposent sur un troisième, dont le financement est essentiel : le maintien et le renforcement des infrastructures au sol et de test pour garantir les lancements. Cela inclut principalement la base de lancement de Kourou, en Guyane française, qui bénéficiera dans la prochaine décennie d’améliorations sur ses infrastructures de gestion des charges utiles, ses stations de télémétrie, ses centres de contrôle, ses stations météo et ses casernes de pompiers.

La science, encore et toujours

Le programme scientifique représente le deuxième plus gros poste de dépense de l’ESA, avec 17 % du budget, soit 3,7 milliards d’euros, ce qui équivaut à une augmentation de 3,5 % par an en tenant compte de l’inflation. Ce financement permettra dans un premier temps de « mettre en œuvre les missions décrites dans le plan Vision cosmique », précise l’ESA, avec notamment les missions Lisa et NewAthena. La première, prévue pour être lancée d’ici 2035, aura pour but de détecter les ondes gravitationnelles générées par des événements extrêmement violents de l’univers, comme la fusion de deux trous noirs. La seconde, qui devrait voir le jour en 2037, sera le plus grand observatoire à rayons X jamais construit, permettant d’étudier les phénomènes les plus chauds et puissants de l’univers.

Des missions encore plus éloignées, inscrites dans le plan Voyage 2050, pourront également amorcer leurs premiers développements technologiques. Cela inclut L4, une mission visant à rechercher des signes de vie sur Encelade, une lune de Saturne, qui n’est pas encore validée, mais dont les premières études doivent être lancées rapidement « afin d’atteindre le pôle Sud d’Encelade dans des conditions d’illumination idéales ».

Observation et exploration

L’observation de la Terre, domaine dans lequel l’Europe se positionne comme un leader, représente 16 % du budget. Dans ce cadre, on planifie notamment la préparation de la deuxième génération de satellites Copernicus. Parallèlement, « l’ESA développera et exploitera des missions scientifiques de rang mondial, préparera les futures missions opérationnelles Copernicus et de météorologie et encouragera l’utilisation des données pour des actions en faveur de la Terre », a indiqué l’agence spatiale lors du Conseil ministériel.

Un autre domaine de dépenses important pour l’ESA, l’exploration humaine et robotique, recevra 13 % des 22,1 milliards d’euros de budget, soit presque 3 milliards d’euros. « La mission Rosalind Franklin, qui consiste à envoyer un robot mobile sur Mars, bénéficie d’un financement pour un lancement programmé en 2028 », a confirmé l’agence spatiale, qui prépare par ailleurs des missions vers la Lune, notamment avec l’atterrisseur Argonaut. Le Conseil ministériel a également validé le développement d’un service de retour de fret depuis l’orbite basse terrestre, avec deux missions de démonstration devant s’amarrer à l’ISS.

Des domaines mineurs, mais essentiels

Plusieurs domaines reçoivent une part réduite du budget, notamment la connectivité et la sécurité des communications (9 %), les activités de base (construction de laboratoires, stations au sol et installations de contrôle des missions, développement de technologies en phase préliminaire, infrastructure informatique, pour 8 % du budget), la technologie (4 %), la sécurité spatiale (4 %), la navigation (4 %), le Programme de développement d’expériences scientifiques (1 %) et la commercialisation (1 %).

Ces missions sont pourtant cruciales : l’enveloppe de 957 millions d’euros pour la sécurité spatiale financera trois missions principales. Ramses, qui doit intercepter l’astéroïde Apophis lors de son passage près de la Terre en 2029 pour l’étudier et aider à se préparer face à des astéroïdes potentiellement dangereux, Vigil, qui s’occupera de la météorologie spatiale, et Rise, qui visera à tester des techniques de rendez-vous et d’amarrage à un satellite en orbite géostationnaire pour prolonger sa durée de vie.

Notre dossier Espace
Un programme particulièrement chargé pour l’Agence spatiale européenne, dans un paysage spatial en pleine transformation ces dernières années. Avec l’émergence d’entreprises privées puissantes comme SpaceX et Blue Origin, et un contexte international devenu complexe en raison de la montée des conflits ou de l’élection de Donald Trump aux États-Unis, un acteur majeur dans le domaine spatial, l’Europe espère bien se démarquer.