Sous un gouvernement effacé, l’économie informelle ne cesse de croître.
Entre 2021 et 2025, près d’un tiers du PIB échappe partiellement ou totalement aux circuits déclarés, et plus de 40% de la main-d’œuvre travaille hors radar. L’amnistie de 2024 a révélé 100 milliards de dirhams d’actifs dissimulés, montrant que la non-déclaration peut être récompensée.
Entre 2021 et 2025, le Maroc a été le théâtre d’un phénomène inattendu. Sous un gouvernement qui prétendait être riche en compétences, l’économie informelle a connu une progression. Ce développement n’est pas dû à la force de l’informel, mais plutôt à l’absence presque totale de l’État dans la régulation et le contrôle de l’activité économique. Ce n’est pas l’informel qui s’est imposé, mais le gouvernement qui a laissé cette situation se développer. Le constat est alarmant : environ un tiers du PIB échappe partiellement ou totalement aux circuits déclarés, plus de 40% de la main-d’œuvre travaille dans l’ombre, et 34 milliards de dirhams échappent chaque année au fisc. Le pays a fonctionné pendant quatre ans sans régulation ferme, sans vision et sans cohérence. La question n’est plus de comprendre pourquoi l’informel prospère, mais comment un gouvernement jouissant d’une majorité confortable a permis la dégradation d’un pilier de l’économie nationale.
1. Un État effacé, un marché livré à lui-même
Alors que le gouvernement prônait « l’État social », l’État réel se retirait des marchés. Les contrôles se sont raréfiés, les inspections se sont espacées et la régulation est devenue sporadique. Dans ce vide, l’informel n’a pas eu besoin d’être astucieux ; il lui a simplement suffi d’exister. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 28% et 33% du PIB échappe aux circuits déclarés, 34 milliards de dirhams sont perdus en recettes fiscales et l’administration est incapable d’assurer la traçabilité minimale de la valeur ajoutée. Le gouvernement a maintenu l’illusion d’une économie maîtrisée tout en fermant les yeux sur l’un de ses plus grands angles morts. Le marché s’est autorégulé… en d’autres termes, il a dérivé.
2. Les tensions sociales comme alibi à l’impuissance publique
Entre 2021 et 2025, le taux de chômage était de 13%, et celui du chômage des jeunes atteignait 35%, avec un pouvoir d’achat affaibli : le terrain était donc favorable à l’informel, que le gouvernement a utilisé comme prétexte. Au lieu d’imposer un cadre, il a laissé les acteurs chercher des solutions individuelles. Les petites unités de production ont basculé dans le non-déclaré pour subsister, tandis que les ménages se tournaient vers les circuits bon marché faute d’alternatives. L’informel n’est pas né de la crise sociale : il est devenu une nécessité en raison de la passivité publique. Pendant que la situation empirait, l’exécutif s’est contenté de discours, de slogans et de promesses répétées. Aucune mesure significative n’a réduit le coût de la conformité ; aucune réforme n’a rendu l’économie formelle plus accessible. Le social a servi de prétexte, jamais de réelle politique.
3. Un contrat fiscal détérioré volontairement
Le gouvernement n’a pas seulement failli ; il a envoyé de mauvais signaux. L’amnistie de 2024, révélant 100 milliards de dirhams d’actifs dissimulés, a montré que la non-déclaration pouvait être récompensée. Comment inciter à la conformité lorsque ceux qui s’en affranchissent reçoivent des avantages ? La confiance fiscale n’a pas été érodée : elle a été sabotée. Les règles du jeu ont changé en fonction des besoins budgétaires, sans cohérence ni vision d’ensemble. Résultat : les entreprises conformes se sentent abandonnées et biaisées, tandis que les autres sont confortées. Ce n’est pas un déficit de civisme : c’est un déficit d’État.
4. Une économie parallèle plus visible que l’économie officielle
Entre 2021 et 2025, l’informel s’est imposé comme une économie alternative, avec ses réseaux, ses prix, ses circuits de distribution et ses règles implicites. Il influence désormais le marché bien plus que la politique gouvernementale. Quand un tiers de l’activité échappe à la déclaration, cela ne peut plus être qualifié de « secteur informel » : c’est une architecture économique parallèle. Cette situation affaiblit la protection sociale, fausse la concurrence, décourage l’investissement productif et prive le pays d’outils fiables pour piloter son développement. L’État a perdu du terrain car il a cessé de le défendre.
Conclusion : tourner la page 2021–2025 et reconstruire un État régulateur solide
Le quinquennat 2021–2025 a révélé les limites d’un gouvernement qui a confondu majorité parlementaire et capacité de gouverner. L’économie informelle n’a pas explosé par fatalité ; elle a prospéré en raison d’un cadre public trop fragile, hésitant et incohérent. Le Maroc ne peut pas poursuivre sur cette voie sans sacrifier son économie formelle, sa justice fiscale et sa capacité à financer un véritable État social.
Ce tournant exige une nouvelle direction politique capable d’assumer la régulation, de rétablir la confiance fiscale et de redonner à l’économie formelle son sens et son avantage. L’Union socialiste des forces populaires soutient cette orientation : une conception claire de l’État régulateur, une vision de la justice fiscale et une cohérence politique que la période 2021–2025 a montré comme essentielles. La reconstruction ne proviendra pas d’un slogan, mais d’une main ferme et d’un projet affirmé. C’est précisément cela que l’USFP propose aujourd’hui.
Par Mohamed Assouali
Secrétaire provincial du parti à Tétouan, membre du Conseil national.

