Belgique

La justice internationale ne parvient pas à stopper les violences sexuelles de guerre.

Depuis vingt ans, la communauté internationale a théoriquement renforcé la lutte contre les violences sexuelles : le Statut de Rome et plusieurs résolutions de l’ONU les classent parmi les crimes les plus graves. La justice internationale manque cruellement de moyens, la Cour pénale internationale devant instruire des crimes de masse sur plusieurs continents avec des ressources dérisoires.


**Un cadre juridique solide, mais une justice paralysée**

Depuis vingt ans, la communauté internationale a théoriquement renforcé la lutte contre les violences sexuelles : le Statut de Rome et plusieurs résolutions de l’ONU les classent parmi les crimes les plus graves. Dans les faits, ces avancées restent essentiellement symboliques. Les condamnations existent, mais elles sont extrêmement rares au regard de l’ampleur des violences.

La justice internationale souffre d’un paradoxe structurel : elle ne peut fonctionner qu’avec le consentement des États. Or, dans de nombreux conflits, les violences sexuelles sont commises ou couvertes par ceux qui détiennent le pouvoir. La Syrie en est l’exemple le plus clair : le régime a utilisé le viol comme méthode de torture dans ses prisons, tout en refusant l’accès aux enquêteurs internationaux. À l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), certaines milices responsables de viols sont liées à des acteurs politiques locaux. Sans coopération, aucun tribunal ne peut avancer.

**Des moyens insuffisants et des victimes abandonnées**

Même lorsque les enquêteurs peuvent agir, ils se heurtent à une réalité inquiétante : la justice internationale manque cruellement de moyens. La Cour pénale internationale, sous-financée, doit instruire des crimes de masse sur plusieurs continents avec des ressources dérisoires. Les procédures s’étendent sur des années, les preuves disparaissent, les témoins se découragent et beaucoup de dossiers finissent par s’effondrer faute de temps ou de capacités logistiques.

À cela s’ajoute un autre obstacle majeur : la charge immense qui pèse sur les survivantes. Dans des sociétés où la honte, la peur de représailles et l’exclusion sociale restent fortes, témoigner devient un acte dangereux. Une femme violée peut perdre sa famille, son statut ou sa sécurité. Dans ces conditions, la justice internationale repose sur des victimes fragilisées à qui l’on demande de se mettre en danger pour espérer une condamnation souvent improbable.

**Quand juger un crime revient à exposer un système**

La justice internationale peine aussi parce qu’elle dérange. Dans certains conflits, notamment en RDC, condamner des groupes armés reviendrait à exposer des responsabilités plus larges : celles d’États voisins, d’acteurs politiques mais aussi d’entreprises internationales. Une partie des minerais exploités par des milices comme le coltan, l’or et l’étain alimente les chaînes mondiales de production. L’ONU a déjà pointé des multinationales qui ferment les yeux sur l’origine de ces ressources.

Juger ces crimes, ce serait admettre que la violence sexuelle n’est pas seulement commise par des bourreaux isolés, mais qu’elle s’inscrit parfois dans un système où intérêts géopolitiques et économiques prennent le pas sur la justice. Cette réalité explique en grande partie pourquoi le Dr Denis Mukwege réclame depuis plus de dix ans un tribunal international pour la RDC, une demande qui reste aujourd’hui sans réponse.

**L’impunité**

Le viol demeure une arme de guerre parce qu’il détruit profondément et durablement, et parce que ceux qui l’utilisent savent qu’ils ne seront presque jamais punis. « On soigne les femmes, mais on ne désarme pas les violeurs », répète le Dr Mukwege.

L’échec de la justice internationale n’est pas dû à un manque de textes, mais à un manque de volonté politique, de moyens et de courage face aux responsabilités que ces crimes mettraient en lumière. Tant que ces obstacles persisteront, l’impunité continuera d’alimenter cette arme silencieuse et les survivantes continueront de porter seules le poids d’une guerre qui les a prises pour cibles.