Belgique

Deux Belges sur trois ne travaillent pas en bonne santé.

Selon Anja Van den Broeck, professeure à la KU Leuven, « les gens se sentent coupables, alors qu’ils sont réellement malades » et craignent que leurs collègues ne doivent reprendre tout leur travail. Plus de la moitié des salariés interrogés ont indiqué ne pas avoir pu effectuer leur travail correctement à cause du « présentéisme ».

Le Belge, accro au boulot ?

Anja Van den Broeck, professeure à la Faculté d’économie et de sciences de gestion à la KU Leuven, spécialisée dans la motivation au travail, évoque deux raisons pour lesquelles les travailleurs persistent à se rendre au travail, même en cas de maladie. Premièrement, « on remarque que les gens se sentent coupables, alors qu’ils sont réellement malades. Ce sont généralement des personnes très motivées. Ils craignent que leurs collègues ne doivent reprendre tout leur travail ou qu’ils accumulent trop de tâches en étant absents« , explique-t-elle.

Deuxièmement, Anja Van den Broeck souligne que si les travailleurs continuent à se rendre sur leur lieu de travail malgré leur maladie, « c’est parce qu’on entend tout le temps, par les médias ou le gouvernement, qu’il y a trop de malades, notamment de malades de longue durée. Les gens n’osent alors plus s’arrêter, même quand ils sont très malades !« .

Mais pourquoi les gens préfèrent-ils travailler plutôt que de se reposer ? L’étude révèle que le premier facteur motivant est effectivement le sentiment de culpabilité. Le travail en attente vient en deuxième position, suivi par le sentiment d’abandon de leurs collègues. L’amour pour leur travail occupe seulement la quatrième place.

Motivation à tout prix ? Ou risque inconsidéré ?

Néanmoins, se rendre au travail en étant malade n’est pas sans risques. « Cela entraîne des conséquences négatives pour le travailleur lui-même, mais aussi pour ses collègues et pour l’entreprise. Une personne présente au travail se révèle beaucoup moins efficace« , souligne Anja Van den Broeck.

Plus de la moitié des employés interrogés ont effectivement admis ne pas avoir pu exécuter leur travail correctement. Ce « présentéisme« , également appelé « absentéisme rose« , se traduit par une perte de productivité pour l’entreprise et augmente le risque de maladie parmi les autres collaborateurs.

Pourtant, chez Tempo-Team, de nombreux employés se reconnaissent dans cette étude. « Lorsque je suis malade et incapable de travailler, je consulte un médecin et je reste chez moi, avec un certificat médical. Mais lorsque ma santé n’est pas optimale, je reste parfois en télétravail. Cela me permet de réduire mes déplacements et d’assurer la continuité de mes projets sans contaminer mes collègues. Avant le télétravail, je me rendais plus souvent au travail malgré la maladie« , témoigne Catherine, une employée. « Nous faisons de notre mieux pour ne pas laisser tout le poids du travail sur un collègue qui se retrouve seul« , ajoute Alban, un autre employé.

Cependant, pour Sandrine Ruppol, médecin du travail au CESI, il est important de peser le pour et le contre entre l’obstination à se rendre au travail et la protection de ses collègues. La décision de travailler ou non doit être discutée au sein de l’équipe et de l’entreprise. « Nous pouvons être porteurs du virus, nous avons appris des leçons du Covid. Il faut se demander si l’environnement de travail permet de respecter les mesures d’hygiène pour éviter la contamination« , conclut-elle.

Une question d’équilibre

Cependant, Sandrine Ruppol admet que « convaincre ces personnes, lors d’une consultation, qu’elles foncent droit dans le mur et qu’elles doivent se ménager est parfois très difficile« .

Choisir les bons mots pour sensibiliser aux risques fait également partie de son rôle : « Je dois être présente et essayer de détecter ces situations le plus tôt possible afin d’influencer et d’éviter qu’elles ne se traduisent par un arrêt de longue durée. C’est vraiment l’importance de la prévention« .

Le mot d’ordre : flexibilité

Quelle est la solution ? La flexibilité, un terme qui revient fréquemment. Anja Van den Broeck estime que c’est la réponse : « Les gens ont le droit d’être malades, il faut arrêter de les culpabiliser. On pourrait leur permettre de travailler davantage de chez eux ou même de commencer plus tard et de travailler l’après-midi. Je suis pour plus de flexibilité« .

Pascal Meyns, Safety Manager chez Tempo-Team, abonde dans ce sens. « Faire une sieste à midi, commencer à travailler plus tard ou réduire le temps de travail quotidien sont des solutions envisageables. Plus de souplesse permettrait d’éviter de longues arrêts maladie et des burn-outs. Je pense qu’il est essentiel de réfléchir et d’envisager ce type de systèmes alternatifs, plus flexibles. Je crois d’ailleurs qu’un projet est déjà en discussion avec le Ministre Franck Vandenbroucke« , conclut-il.