Municipales 2026 à Paris : La propreté sera-t-elle centrale dans la campagne ?
Rachida Dati a été filmée en éboueur, portant la parka fluo réglementaire des agents de la propreté de la Ville de Paris, ce qui a suscité de nombreuses réactions dans les médias et sur les réseaux sociaux le week-end dernier. Selon un sondage Ifop, 84 % des Parisiens trouvaient leur ville sale en 2021 en raison d’une fréquence de collecte des déchets jugée insuffisante.
« Ah, c’est votre poubelle ? Je vais vous la vider ! » La vidéo de Rachida Dati en éboueur a largement circulé dans les médias et sur les réseaux sociaux le week-end dernier. La surprise de la voir vêtue de la parka fluo réglementaire des agents de propreté de la Ville de Paris, plutôt qu’en tenue de luxe, a suscité de vives réactions, entre rires et indignation.
Deux jours plus tard, c’est un autre candidat de l’opposition, Pierre-Yves Bournazel, qui se présentait en « Monsieur Propre » avec un programme très détaillé et technique relatif à la propreté de la capitale dans le Parisien. Cela témoigne de l’importance de ce sujet, qui dépasse de loin la simple mise en scène électorale.
La propreté se positionne comme le deuxième sujet le plus important après la sécurité. Elle pourrait même devenir cruciale. Selon un récent sondage d’Ifop, 66 % des Français estiment que la propreté et l’entretien sont des sujets « déterminants » pour leur vote en mars prochain. À Paris, la question des rats, des poubelles débordantes et des déchets canins est particulièrement préoccupante. Il n’est donc pas surprenant que la candidate favorite s’empare de ce sujet pour en faire une question centrale.
« La propreté est une thématique structurante. Elle renvoie à la qualité de vie et à l’efficacité des services publics, explique Paul Brounais, président de l’agence de communication Deux Quatre spécialisée dans les campagnes électorales. C’est ce que l’on remarque en sortant de chez soi : les poubelles, les déchets au sol, les feuilles mortes, les rats… C’est donc un indicateur fort de l’action politique. »
Cette affirmation est corroborée par Stewart Chau, directeur d’études chez Verian : « Selon notre dernière enquête, la propreté est le deuxième critère le plus important pour le vote des Parisiens, juste après la sécurité. Elle fait partie des enjeux absolument centraux de la vie quotidienne, aux côtés de la fiscalité locale et du logement. »
Pour Rachida Dati, ce sujet pourrait se révéler un atout déterminant. En affirmant sa volonté de nettoyer Paris — que beaucoup de ses soutiens interprètent comme un souhait de débarrasser la ville de la majorité actuelle — la ministre de la Culture déclare : « C’est ce que les Parisiens attendent : des résultats, de l’efficacité et de l’action. »
La propreté s’avère être un sujet particulièrement adapté à cette dynamique. « C’est l’indicateur le plus visible de la bonne gestion d’une ville. Présenter un projet de redynamisation d’un territoire ou d’aide aux jeunes en difficulté implique des actions complexes avec des effets visibles à moyen ou long terme. En revanche, le ramassage des déchets permet des actions concrètes et rapides avec des résultats quasiment immédiats, entraînant ainsi des répercussions favorables dans l’opinion publique », analyse Stewart Chau.
De plus, la propreté de Paris est souvent perçue comme un point faible des deux mandats d’Anne Hidalgo, souvent critiquée par ses détracteurs comme étant « la reine des Surmulots ». En 2021, un sondage Ifop a révélé que 84 % des Parisiens considéraient leur ville comme sale, en grande partie en raison d’une fréquence de collecte des déchets jugée insuffisante.
D’où l’importance de l’intervention de Rachida Dati avec les éboueurs, selon les experts. « C’est un format frappant sur un sujet qui touche les électeurs. Cela se prête particulièrement bien au visuel car cela montre du terrain et permet facilement de créer des scénarios « avant/après » », explique Paul Brounais. De surcroît, cela correspond bien à l’image de Rachida Dati, qui, venant d’un milieu modeste, présente une image « bling-bling ». « Cela crée un contraste naturel chez elle. Elle est très cash et active, à l’instar de Nicolas Sarkozy », ajoute l’expert.
Son approche est également qualifiée de « très Trump » par les deux experts, qui évoquent les images de campagne du président américain, montrant un engagement direct et une « bataille narrative ».
Rachida Dati pourrait donc tirer un grand profit de cette dynamique. En plus d’une image médiatique forte, elle pourrait bénéficier d’une campagne qui, selon Stewart Chau, « pourrait ne jamais vraiment commencer ». En effet, dans le contexte national et international actuel, la campagne pour les municipales pourrait être reléguée au second plan, ou même devenir partiellement invisible. Ainsi, des images fortes et des actions médiatiques sur des thèmes clés pourraient avoir un impact encore plus significatif qu’à l’accoutumée.
Dans ce contexte, Rachida Dati a tout intérêt à focaliser son attention sur le thème de la propreté, très lié à l’image d’« Hidalgo ». Cela est facilité par le retard de l’union de la gauche, qui peine à se concrétiser. « Le fait de ne pas avoir un nom clairement identifiable à gauche lui permet de continuer à cibler Anne Hidalgo, explique Stewart Chau. Étant donné que plusieurs potentiels concurrents sont issus de la majorité de la maire sortante, Rachida Dati peut les présenter comme les héritiers de son bilan, dont la propreté fait partie, lui permettant d’attaquer directement lors de chaque apparition. » Paul Brounais ajoute à cela : « On dit qu’on ne peut pas gagner sur un bilan, mais qu’on peut perdre sur ce même bilan. C’est sans doute là que Rachida Dati souhaite appuyer. »
Cependant, attention, préviennent les experts. Si cette stratégie semble judicieuse, elle pourrait également se retourner contre elle. En effet, sur de nombreux points, tels que l’aménagement de l’espace public (réduction de la place de la voiture au profit du vélo, végétalisation, etc.) ou la réduction de la pollution (notamment l’amélioration de la qualité de l’air), les deux mandats d’Anne Hidalgo sont perçus positivement. Les candidats Ian Brossat, David Belliard et Emmanuel Grégoire se revendiquent également de ces avancées.
Enfin, Rachida Dati, en matière de propreté (comme sur les thèmes du logement et de la sécurité, pour lesquels elle a aussi réalisé des vidéos de terrain), risque de se retrouver piégée à son propre jeu, tant sur le fond que sur la forme. Emmanuel Grégoire l’a critiquée pour sa méthode (« l’outrance permanente, l’exagération, le spectacle ») et sur le fond. Plusieurs élus de gauche et syndicalistes ont rappelé que la ministre de la Culture faisait partie de ceux qui avaient tenté de faire annuler la grève des éboueurs en 2023 en appelant à la « mise en place d’un service minimum ».

