Frédéric Panier : « L’accord budgétaire n’est pas parfait, mais correct »
300 millions d’euros est le coût de la grève de trois jours qui vient de s’achever pour la région wallonne, selon les estimations de Frédéric Panier. Frédéric Panier pointe deux domaines particulièrement impactés en cas de grève : « les secteurs sur les zoning, parce que c’est là qu’ont lieu les blocages, et les secteurs qui travaillent en temps réel, pour lesquels il faut une livraison le jour même, sinon le client n’est pas satisfait. »
300 millions d’euros. C’est le coût de la grève de trois jours qui vient de s’achever pour la région wallonne, selon les estimations de Frédéric Panier.
Comment le patron d’AKT, anciennement l’union wallonne des entreprises, a-t-il établi ce calcul ?
Au micro de Matin Première, il expose son hypothèse : « vous calculez que l’économie wallonne, c’est un ensemble de milliards d’activités par jour qu’on produit. Vous y appliquez un pourcentage d’arrêt de 20%. Et ça vous donne ce chiffre de 100 millions d’euros [par jour]. »
Parmi ces millions de manque à gagner, il est encore difficile d’identifier les secteurs les plus touchés. Frédéric Panier souligne toutefois deux domaines particulièrement impactés en cas de grève : « les secteurs sur les zoning, parce que c’est là qu’ont lieu les blocages, et les secteurs qui travaillent en temps réel, pour lesquels il faut une livraison le jour même, sinon le client n’est pas satisfait. Et pour cela, ça a des impacts de longue durée. »
Pour le patron d’AKT, une conclusion s’impose : « c’est pas ce mécanisme de grève qui va nous faire avancer aujourd’hui. Au contraire, il nous bloque, il nous fait reculer. Il pose des problèmes pour les entreprises. » Il explique avoir « des chefs d’entreprise qui [lui] disent : ‘Écoutez, aujourd’hui, je suis en attente d’un investissement de plusieurs dizaines de millions d’euros pour créer de l’emploi en Wallonie. Mon centre de décision à l’étranger, et tant qu’il y a des grèves répétées en Wallonie, mon investissement est mis en danger.' »
Contre le blocage, Frédéric Panier prône plutôt le dialogue pour « avancer ensemble pour trouver des accords avec les syndicats, pour recréer de la richesse dans ce pays. »
Cette volonté de faire davantage d’efforts à tous les niveaux s’est illustrée ce lundi 24 novembre, aux aurores. Au matin du premier des trois jours de grève, le gouvernement fédéral a proposé un budget. « C’est un signe positif, » soutient Frédéric Panier tout en nuançant que ce budget « n’est pas parfait. C’est un budget correct, qui est globalement équilibré. Dans ce budget, on peut certainement pas dire que les efforts sont supportés par une seule partie de la population. Tout le monde perd les bas salaires, les plus hauts salaires. Les entreprises doivent faire une partie de l’effort. »
Parmi les mesures positives prévues par ce budget, le patron d’AKT pointe « la limitation de l’index pour les hauts salaires. » Concrètement, les salaires situés sous les 4000 euros seront pleinement indexés comme c’est le cas actuellement. Deux fois pendant la législature, les salaires dépassant 4000 euros bruts et les allocations dépassant 2000 euros bruts seront indexés de façon forfaitaire.
Autre point positif dans ce budget pour Frédéric Panier, « les mesures en matière de coût de l’électricité. » En effet, les accises sur l’électricité vont baisser.
À l’inverse, « l’augmentation de certaines taxes » n’est pas une bonne chose, estime-t-il. C’est par exemple le cas des nuitées en hôtel et camping, des activités et abonnements sportifs ainsi que des activités récréatives hors secteur culturel associatif, les repas à emporter et en livraison qui passeront de 6% à 12%. Idem pour le taux de TVA sur les pesticides chimiques qui augmente aussi de 12% à 21%. La taxe de 10 euros sur les billets d’avion de courte distance sera également augmentée de 0,50 euros par an à partir de 2027 jusqu’en 2029.
Par ailleurs, « la prise en charge des malades de longue durée pour les entreprises » est une mesure qui « ne va pas aider au développement de l’activité économique, » craint-il.
Sur les 526 000 malades de longue durée que compte la Belgique, l’Arizona voudrait en remettre 100 000 au travail, d’ici à 2029. Pour ce faire, un médecin généraliste ne pourra pas donner un premier certificat d’invalidité de plus de trois semaines. Et pas n’importe quel médecin, il faut que ce soit un généraliste qui a accès au dossier médical global du patient, soit le médecin traitant. Cette mesure ne concerne pas les médecins spécialistes, précise le cabinet du ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke. Ensuite, pendant la première année, les certificats d’invalidité ne pourront pas être plus longs que trois mois.
Frédéric Panier n’apprécie pas cette mesure aussi d’un point de vue patronal. À partir de 2026, les employeurs seront également tenus de verser une cotisation de solidarité durant le deuxième et le troisième mois d’incapacité de travail afin de mieux suivre les absences. Le patron d’AKT explique que « les chefs d’entreprise sont inquiets de la mesure qui va leur demander de contribuer plus d’un point de vue financier quand une personne tombe en arrêt maladie de longue durée. » Ces derniers lui disent : « j’engage des personnes en situation de fragilité au niveau de leur santé, des personnes plus âgées, et je vais être pénalisé parce que je vais devoir payer. Et ça, ce n’est pas une bonne mesure. »
Après ces trois jours de grève et face à ce budget en demi-teinte, Frédéric Panier souhaiterait mettre sur la table deux priorités majeures avec les syndicats : « l’emploi et la formation. »
« On a un grand défi avec l’entrée en vigueur de la réforme des allocations de chômage de remettre un maximum de personnes à l’emploi l’année prochaine. » À partir du 1er mars 2026, les allocations de chômage complet seront limitées à un maximum de 24 mois, soit 12 mois de droit de base auxquels pourront s’ajouter jusqu’à 12 mois supplémentaires en fonction du passé professionnel. Toujours à partir du 1er mars 2026, les allocations d’insertion seront limitées à un maximum d’un an. Les conditions pour bénéficier du chômage complet et des allocations d’insertion changeront aussi à partir de cette date.
Frédéric Panier regrette qu’aujourd’hui « les aides à l’emploi sont compliquées. On va les reconcentrer sur les chômeurs de longue durée. Ça va permettre de réduire le coût d’engagement de ces personnes et de les mettre à l’emploi. »
Le retour à l’emploi se fait encore très lentement en Wallonie. Ainsi, on observe une hausse du taux d’emploi, qui est estimé à 68,4% au deuxième trimestre 2025 contre 66,8% au trimestre précédent, selon Statbel.
Face à ces chiffres, le patron d’AKT a un message clair à toutes les personnes qui vont être impactées par la réforme des allocations de chômage : « il faut se bouger maintenant. »
En effet, selon lui, le « principal problème, c’est qu’il y a des gens qui viennent postuler, mais qui n’ont pas les compétences pour les emplois en pénurie, souvent techniques. Il y a des milliers de places de formation ouvertes, au sein des opérateurs de formation professionnelle. »
C’est en formant mieux les gens aux métiers en pénurie qu' »on aura une réforme qui augmentera enfin de manière significative le taux d’emploi, » espère-t-il.

