Belgique

L’Union européenne veut légiférer sur l’accès des enfants aux réseaux sociaux.

L’Union européenne dispose d’un arsenal pour protéger les mineurs grâce à son règlement sur les services numériques (DSA), qui interdit la publicité ciblée basée sur le profilage des enfants. Le 10 octobre 2025, la Commission annoncera les premières actions d’enquête pour vérifier la conformité de Snapchat, YouTube, Apple App Store et Google Play en matière de garantie pour les mineurs.

Les armes de l’Europe

Pourtant, l’Europe n’est pas complètement désarmée.

Avec son règlement sur les services numériques (DSA), l’Union européenne possède déjà des outils pour protéger les mineurs. Ce règlement prohibe la publicité ciblée fondée sur le profilage des enfants et contraint les plateformes en ligne à adopter des mesures pour assurer un niveau élevé de protection de la vie privée et de sécurité pour les moins de 18 ans.

Le 10 octobre 2025, un an et demi après la mise en œuvre de ce règlement, la Commission annoncera d’ailleurs les premières enquêtes pour vérifier la conformité de Snapchat, YouTube, Apple App Store et Google Play en ce qui concerne la protection des mineurs. Cependant, les décideurs européens jugent cela insuffisant.

Une nouvelle loi sur l’équité numérique dans les tuyaux

C’est dans ce contexte que la Commission européenne travaille sur une nouvelle loi sur l’équité numérique visant à « lutter contre les techniques et pratiques commerciales contraires à l’éthique« . Cette initiative vise à renforcer la responsabilité des plateformes à l’égard des plus vulnérables.

Le projet de loi ne sera pas présenté avant 2026, mais les eurodéputés commencent déjà à affiner leurs positions. C’est l’objet du débat qui se tient ce mardi dans l’hémicycle européen. Dans la foulée, un rapport parlementaire sur la protection des mineurs en ligne sera soumis au vote ce mercredi.

Christel Schaldemose (S&D) est la rapporteure du Parlement européen sur la protection des mineurs en ligne © European Union 2025 – Source : EP

Lors du débat, la rapporteure du texte, Christel Schaldemose, a été très claire : « Nous sommes au cœur d’une expérience où les géants américains et chinois de la technologie ont un accès illimité à l’attention de nos enfants« , a-t-elle déclaré, critiquant les plateformes en ligne qui ne protègent pas adéquatement les mineurs.

Elle appelle à la création d’une majorité numérique au niveau européen fixée à 16 ans pour les plateformes en ligne, sauf autorisation parentale. Selon elle, l’absence d’harmonisation des mesures de contrôle de l’âge à travers l’Union européenne fragmente le marché intérieur.

Une proposition qui ne fait pas l’unanimité

Cependant, cette idée d’un contrôle obligatoire de l’âge suscite des réactions mitigées.

Saskia Bricmont, eurodéputée Verts, se montre prudente : « Dans un monde idéal, tout ce qui est interdit dans la vraie vie serait prohibé en ligne. Cela signifie que les mineurs et les adultes doivent être protégés contre les publicités abusives, les discours haineux, sexistes ou misogynes, ainsi que contre les incitations au suicide…« , a-t-elle déclaré.

Elle craint qu’un simple bannissement des mineurs des réseaux sociaux serve d’alibi et occulte le besoin impérieux de réguler ces plateformes elles-mêmes. Un risque aggravé, selon elle, par l’influence des puissants lobbys des géants du numérique, soutenus par les États-Unis, qui cherchent à affaiblir la réglementation européenne sur le numérique.

Le paradoxe, c’est que plusieurs de ces plateformes plaident aujourd’hui pour l’instauration d’une vérification obligatoire de l’âge des utilisateurs.

Saskia Bricmont y voit un exemple du modèle économique de ces plateformes basé sur l’accumulation de données : « Elles sont intéressées par les données biométriques, les technologies de reconnaissance faciale et le partage des données des jeunes qu’elles pourraient exploiter« , met-elle en garde.

Le recours à des plateformes de certification

Selon Yvan Verougstraete, eurodéputé Renew, la vérification de l’âge est tout à fait réalisable, notamment par l’intermédiaire de tiers certifiants, comme le système « It’s Me » utilisé en Belgique.

Ces systèmes ne conservent pas de données mais agissent en tant que certificateurs, permettant d’assurer l’accès des jeunes aux plateformes en toute sécurité. Une approche qui, selon lui, combine protection de la vie privée et efficacité, et que la Commission examine actuellement.

Pour l’élu des Engagés, la question des données personnelles ne doit pas entraver l’interdiction ciblée des réseaux sociaux. Il appelle à une approche proactive : « Dans la vraie vie, il existe déjà plusieurs choses interdites aux mineurs : l’achat d’alcool, le visionnage de certains films, l’obtention du permis de conduire… Il n’y a aucune raison qu’Internet soit exempt de ces interdictions. Tous les enfants et adultes ne sont pas égaux face à différents contenus en fonction de leur âge. Par conséquent, il serait bénéfique d’envisager une interdiction à ce sujet à l’avenir. »

Une loi européenne si les plateformes ne changent pas de modèle

Les deux élus belges, bien que leurs approches diffèrent, s’accordent sur un point : il est nécessaire d’exiger davantage des plateformes, particulièrement en ce qui concerne la conception et l’utilisation de leurs algorithmes en direction des mineurs.

De nombreuses recherches scientifiques ont mis en lumière le caractère intrinsèquement addictif de ces systèmes, conçus pour capter l’attention coûte que coûte.

Face à l’inaction des plateformes, élus et chercheurs partagent la même conclusion : tant que ces modèles d’affaires ne seront pas modifiés, l’adoption d’une loi européenne restera essentielle.