Guerre en Ukraine : Kiev « innove » en détruisant un hélicoptère russe avec un drone FP-1
Les forces ukrainiennes auraient abattu samedi dernier un hélicoptère russe Mi-8, dans l’oblast de Rostov, à l’aide d’un drone FP-1. Le Mi-8 est un hélicoptère de transport multirôle russe, qui coûte de l’ordre de 16 millions de dollars.
Les forces ukrainiennes auraient abattu un hélicoptère russe Mi-8 samedi dernier, dans l’oblast de Rostov, grâce à un drone. « Nous changeons les règles du jeu : désormais, c’est nous qui chassons », ont déclaré les forces d’opérations spéciales ukrainiennes sur Telegram. Elles ont ajouté : « Pour la première fois, un hélicoptère russe Mi-8 a été abattu en vol par un drone « deep strike » des Forces spéciales. »
Le Mi-8 est un hélicoptère de transport multirôle russe, capable d’effectuer des missions de combat. Développé en Union Soviétique à partir des années 1950-1960, il existe en différentes versions et coûte environ 16 millions de dollars. L’attaque aurait eu lieu près du village de Kuteynikovo, à environ 190 km de la ligne de front.
Le drone utilisé pourrait être un FP-1, évalué à environ 47 000 euros. Semblable au Shahed-136 iranien (utilisé par les Russes), ce drone est fabriqué par la start-up ukrainienne Fire Point, fondée au début de la guerre. Avec une envergure de six mètres, ce drone kamikaze est conçu pour cibler des installations sensibles au sol (infrastructures pétrolières, gazières ou militaires) sur une distance allant jusqu’à 1 600 kilomètres.
S’il est confirmé qu’un FP-1 a bien détruit un hélicoptère Mi-8 en vol, cela constituerait une avancée significative dans l’utilisation de ce type de drones, bien que le Kyiv Independent, qui a également rapporté l’événement, souligne qu’il n’a pas encore pu le vérifier « de manière indépendante ».
Contacté par 20 Minutes, Stéphane Audrand, consultant en risques internationaux, préconise la « prudence » face à cette vidéo. Il estime cependant que cette séquence « semble crédible », mais soulève « beaucoup de questions concernant les liaisons de données ». « Ce drone FP-1 n’est pas équipé d’autodirecteur, il doit donc être manœuvré par un opérateur au sol pour abattre un hélicoptère en vol, explique-t-il. Les images montrent clairement que le drone, à travers ses comportements, est dirigé plutôt difficilement par un opérateur. »
Cela implique qu’une liaison tactique a été établie pour que le drone en opération envoie des images vidéo jusqu’en Ukraine et reçoive des instructions de pilotage. Cependant, il souligne que Rostov ne se situe pas dans la zone couverte par Starlink. « Les Ukrainiens ont-ils piraté un système satellitaire russe ? Utilisent-ils Eutelsat ? Y avait-il des forces spéciales ukrainiennes au sol avec une antenne-relais GSM ? », se questionne-t-il, ajoutant qu’il y a un an, ce type d’objet ne pouvait que suivre des instructions de ciblage sans pouvoir être ajusté en vol.
Le drone FP-1 continue d’évoluer. « Les Ukrainiens ont eu une approche du drone similaire à celle des Iraniens, en n’élaborant pas, ou très peu, de composants spécifiques, mais en utilisant ce qui existe sur le marché, notamment pour la motorisation et l’électronique, afin de développer rapidement des prototypes, les déployer sur le front et les améliorer en fonction des retours d’expérience. Lancé sur le terrain en 2024, le FP-1 a vu sa portée s’accroître de 700 km à 1 600 km et sa charge militaire passer de 50 kg à 100 kg en moins d’un an. »
De plus, en moins de deux ans, la fabrication du FP-1 aurait considérablement augmenté, atteignant un rythme supérieur à 2 000 exemplaires par mois, selon Le Monde, qui a visité l’usine de production du FP-1. Environ deux tiers des frappes en profondeur en Russie seraient désormais effectuées par ce drone.
Bien que cette attaque contre l’hélicoptère russe représente une avancée, Stéphane Audrand prévient : « Cela ne sera pas nécessairement reproductible partout en profondeur en Russie. Rostov est relativement proche des zones contrôlées par les Ukrainiens, donc nous sommes peut-être face à un cas unique, et il est trop tôt pour généraliser sur les capacités de cet objet. Ce qui est principalement intéressant, c’est de constater comment les Ukrainiens montrent leur capacité d’innovation et de développement technologique. »
En outre, Fire Point produit également d’autres matériels, comme un missile de croisière low cost, le FP-5 Flamingo, d’environ 600 000 dollars, avec une portée allant jusqu’à 3 000 km et pouvant transporter une ogive de 1 150 kg.
Une autre entreprise, Terminal Autonomy, a conçu le drone AQ-400 Scythe, fabriqué en panneaux de bois compressé à partir d’usines de meubles. Ce drone, peu coûteux, a une portée entre 750 et 900 kilomètres, une vitesse de croisière de 140 km/h (jusqu’à 200 km/h en pointe) et peut transporter jusqu’à 42 kg de munitions, utilisé contre des sites industriels et de stockage d’armement, pour un coût de production compris entre 15 000 et 30 000 dollars.
« Certes, admet Stéphane Audrand, ces objets ne sont pas toujours d’une grande précision, mais les Ukrainiens se sont constitués tout un écosystème dans ce domaine, parfois même en collaboration avec des industriels européens. » Cela leur permet de continuer à menacer la Russie sur son propre sol à un coût réduit.

