France

Budget 2026 : Sébastien Lecornu évoque l’article 50-1 pour la Défense

Sébastien Lecornu a dévoilé une méthode différente pour tenter d’arracher un compromis avec le Parlement concernant le budget 2026, souhaitant rencontrer tous les groupes politiques et organiser des débats thématiques suivis d’un vote sur des sujets comme la Défense. L’article 50-1 de la Constitution permet au gouvernement de faire une déclaration « avec ou sans débat » et « avec ou sans vote », mais ce vote est purement indicatif et n’engage pas la responsabilité du gouvernement.


Lundi, lors de sa déclaration depuis Matignon, Sébastien Lecornu a présenté une approche nouvelle pour essayer d’obtenir un compromis avec le Parlement concernant le budget 2026. En parallèle des discussions au Sénat, le Premier ministre a annoncé son intention de rencontrer à nouveau tous les groupes politiques et d’organiser des débats thématiques, suivis d’un vote, notamment sur la Défense.

Sébastien Lecornu souhaite donc recourir à l’article 50-1 de la Constitution pour initier ces discussions. Mais quel est l’objectif de cet article ? En quoi un vote par ce biais diffère-t-il d’un vote législatif classique ? Pourquoi le Premier ministre a-t-il choisi cette stratégie ? 20 Minutes fait le point.

Qu’est-ce que l’article 50-1 de la Constitution ?

Selon le site Légifrance, l’article 50-1 est défini comme suit : « Le Gouvernement peut, de sa propre initiative ou à la demande d’un groupe parlementaire au sens de l’article 51-1, faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s’il le décide, faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité. » Cet article peut être utilisé autant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

« Il a essentiellement pour but d’éviter l’utilisation de l’article 49.1, précise Michel Lascombe, professeur agrégé de droit public et spécialiste du droit constitutionnel, auprès de 20 Minutes. Cela concerne les situations où le gouvernement engage sa responsabilité sur une déclaration de politique générale. »

L’ancien Premier ministre François Bayrou avait, le 8 septembre, eu recours à l’article 49.1 pour demander un vote de confiance à l’Assemblée nationale, ce qui avait entraîné sa démission.

À quoi sert vraiment l’article 50-1 de la Constitution ?

L’article 50-1 permet au gouvernement de faire une déclaration, « avec ou sans débat », et « avec ou sans vote ». « Cependant, ce vote est purement indicatif, souligne le spécialiste. Il n’engage pas la responsabilité du gouvernement », ajoute-t-il. Le vote n’a donc qu’une valeur politique et symbolique.

« Sébastien Lecornu propose des votes sur des sujets liés au budget concernant l’article 50-1 de la Constitution (défense, agriculture, énergie). Ces votes […] n’impliquent pas l’adoption de parties du budget », précise Benjamin Morel, constitutionnaliste, sur ses réseaux sociaux.

L’article 50-1 a-t-il déjà été utilisé ?

« Oui, cet article a déjà été utilisé. Le 14 octobre dernier, Sébastien Lecornu y avait déjà eu recours. Nous avons tous cru qu’il faisait une déclaration de politique générale sous l’article 49.1, mais ce n’était pas le cas, souligne Michel Lascombe. Il a fait une déclaration avec vote sans risque. »

Depuis sa version actuelle, entrée en vigueur en mars 2009, cet article est souvent utilisé pour des sujets militaires. En 2010 pour l’Afghanistan, en 2015 sur l’Irak et la Syrie, ou encore en mars dernier concernant la situation en Ukraine et en Europe. « L’article a été conçu pour permettre au gouvernement de faire des déclarations de politique étrangère et pour permettre aux parlementaires de voter sur ces thèmes sans qu’un vote négatif n’entraîne la chute du gouvernement », indique Michel Lascombe.

Il ajoute : « Dans le cadre d’une procédure budgétaire, c’est unique. Et c’est un peu un détournement de procédure. » Certains sénateurs ont déjà critiqué cette décision, arguant que Sébastien Lecornu souhaite jouer sur la forme plutôt que sur le fond, entraînant une « cacophonie institutionnelle ». « Pendant qu’ils débattent là-dessus, les parlementaires ne font rien d’autre », insiste le spécialiste du droit constitutionnel.

Pourquoi Sébastien Lecornu adopte-t-il cette stratégie ?

Selon Michel Lascombe, l’objectif de Sébastien Lecornu est de démontrer aux députés qu’il existe des majorités thématiques, qu’ils peuvent se montrer « d’accord sur deux ou trois petits points ».

« Dans sa déclaration, il proposera d’augmenter les dépenses de la Défense de 6 milliards d’euros et tout le monde votera oui, explique-t-il. Le lendemain, il proposera une augmentation pour l’agriculture, et les députés voteront également oui. Ensuite, le Premier ministre leur dira qu’ils sont d’accord sur tout, mais qu’ils refusent de voter le budget qui reprend ces mêmes éléments. »

Sébastien Lecornu envisagerait de faire cinq déclarations sur cinq thématiques différentes. « Mais le budget, c’est toute la politique. Ce n’est pas une addition de chiffres, il y a une philosophie dans le budget, souligne Michel Lascombe. Imaginez que vous allez au supermarché et que vous voyez une boîte de 250 boules de Noël. À l’intérieur, 5 vous plaisent et 245 sont peu attrayantes. Achetez-vous la boîte ? Ce n’est pas parce que vous aimez deux ou trois articles que vous allez acheter le tout. »

Pour Michel Lascombe, cette « méthode un peu différente » ne sera pas efficace. « Je ne vois vraiment rien, rien, rien de possible », conclut-il.