Belgique

Congé obligatoire et télétravail interdit en cas de grève : est-ce possible ?

La Belgique est en grève jusqu’à mercredi, et ce lundi, les transports en commun fonctionnent au ralenti. Selon Jean-Philippe Cordier, « L’employeur ne peut pas exiger, ne peut pas contraindre ou inciter un travailleur à vider sa caisse des congés en lui disant de ne pas faire grève ».


La Belgique est en grève jusqu’à mercredi. Ce lundi, les transports en commun fonctionnent lentement. Cette grève affectera successivement les transports en commun, les services publics et divers secteurs.

Vous vous interrogez peut-être sur la façon d’atteindre votre lieu de travail. Votre employeur peut-il exiger votre présence sur le lieu de travail ? Peut-il vous forcer à prendre des congés ou interdire le télétravail ? Réponses fournies par deux experts.

Lors d’une grève, un employeur peut-il obliger ses employés à prendre des congés ?

Jean-Philippe Cordier, avocat spécialisé en droit du travail, affirme que « l’employeur ne peut pas exiger, ne peut pas contraindre ou inciter un travailleur à vider sa caisse des congés en lui disant de ne pas faire grève. Dire ‘moi j’ai besoin que tu vides tes congés’, c’est strictement interdit ».

Amandine Boseret, juriste chez Acerta, ajoute que « les jours de congés doivent toujours être pris d’un commun accord entre l’employeur et le travailleur. Donc autant l’employeur ne peut pas l’imposer à son travailleur, inversement, le travailleur ne pourra pas non plus imposer à son employeur de prendre congé aujourd’hui ».

De nombreux travailleurs non grévistes et non syndiqués souhaitent toutefois prendre un jour de congé payé en raison de la grève, espérant ainsi être rémunérés. « Il faut être prudents, car les congés ne peuvent jamais être imposés à l’employeur. C’est une subtilité. Soit je prends mon congé, je suis payé, mais je ne suis pas sûre que ce soit accepté », ajoute Amandine Boseret.

Certains employeurs peuvent-ils réquisitionner des travailleurs ?

Un travailleur en grève doit notifier son absence à son employeur, ce qu’il peut faire jusqu’au jour de la grève, sans obligation de le faire à l’avance.

La réquisition concerne certains secteurs vitaux pour l’État ou la collectivité. Jean-Philippe Cordier précise : « Cela signifie que dans certains secteurs considérés comme essentiels pour l’État ou la collectivité, des réglementations prévoient la possibilité pour l’employeur de réquisitionner des travailleurs. Par exemple, ‘toi, j’ai besoin de toi pour faire fonctionner mon outil, comme dans les hôpitaux, les trains ou les prisons' ».

Peut-on m’empêcher ou m’obliger à télétravailler pendant une grève ?

Il faut distinguer deux types de télétravail :

– Le télétravail structurel, prévu dans l’entreprise, pour lequel « normalement, grève ou pas, il faut s’en tenir », déclare la juriste d’Acerta.
– Le télétravail occasionnel, demandé lorsque l’on doit rester chez soi en attente d’une intervention (comme d’un technicien ou d’un chauffagiste). « Le hic, c’est que la loi ne définit pas pour quelles occasions on peut l’utiliser. Donc, dans ces cas-là, il est conseillé d’avoir un accord entre l’employeur et le travailleur », conseille Amandine Boseret.

Qui paie le travailleur en grève ?

Un travailleur qui n’effectue pas sa journée de travail n’est pas rémunéré par son employeur.

Deux cas se présentent : le travailleur syndiqué et celui empêché de travailler.

Le travailleur syndiqué doit se tourner vers son syndicat pour recevoir une indemnité pour la journée de grève. Jean-Philippe Cordier explique : « Un travailleur syndiqué ne sera pas payé par son employeur puisqu’il ne travaille pas, mais il aura droit à une indemnité de grève versée par l’organisation syndicale à laquelle il appartient ». Cette indemnité est de 40 euros par jour à la CSC, la FGTB et la CGSLB.

Pour le travailleur non gréviste, qui souhaite travailler mais ne peut le faire en raison du manque de transport ou d’accès : « Le non gréviste, c’est vrai qu’il sera pénalisé, mais il n’aura pas de rémunération de son employeur en invoquant qu’il ne peut pas travailler parce que les autres l’en empêchent ».

Une grève peut-elle servir d’excuse pour ne pas aller travailler ?

La réponse est non. « Si la grève est annoncée depuis plusieurs jours et débute avant que le travailleur ne quitte son domicile pour se rendre au travail, il a l’obligation de tout mettre en œuvre pour se présenter sur son lieu de travail et débuter ses prestations à l’heure fixée », précise Securex. Ce secrétariat social conseille d’anticiper son départ pour tenir compte d’un trafic routier plus chargé, d’organiser un covoiturage ou de télétravailler.

Ainsi, la grève ne constitue pas, pour un travailleur non gréviste, un motif justifiant l’absence de prestations. En cas d’impossibilité à atteindre son lieu de travail, il ne sera pas rémunéré.

Cependant, si l’absence est due à des circonstances imprévues et indépendantes de la volonté du travailleur (accident, blocage de routes imprévu…), il peut normalement être rémunéré.

Si le travailleur envisage de loger dans un hôtel proche de son lieu de travail, les frais seront-ils pris en charge par l’employeur ? « Cela dépendra de l’accord établi entre l’employeur et le travailleur, mais des solutions de ce type pourraient éventuellement être envisagées », précise Amandine Boseret.

Un travailleur qui ne trouve pas de solution ou préfère éviter de se rendre sur son lieu de travail peut demander un jour de congé.

Ces règles visent à établir un équilibre entre le droit de grève, les besoins des employeurs et les réalités auxquelles se confrontent les travailleurs.