Maroc

L’USFP justifie son refus du PLF 2026.

Au Parlement, le vote négatif du Groupe socialiste est la conclusion logique d’un diagnostic constant, méthodique, mûri, porté depuis des mois par une opposition ittihadie. Le gouvernement annonce un taux de croissance de 4,5% en 2026, que le député Omar Anan qualifie d’«hypothèse de croissance irréaliste».


Une position de principe, de lucidité et de responsabilité

Le NON pleinement justifié de l’USFP au PLF 2026

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Au Parlement, le vote contre du Groupe socialiste est à la fois attendu et réfléchi. Il découle d’un constat constant et méthodique que fait l’opposition ittihadie depuis plusieurs mois, affirmant que la politique économique actuelle mène le pays vers une impasse. Le député ittihadi Omar Anan résume l’avis de l’USFP en déclarant que le projet de loi de Finances 2026 est un «projet financier séparé du réel», soulignant ainsi qu’il ne répond ni aux défis urgents ni aux véritables attentes de la société marocaine.

Le pays est confronté à une période difficile, marquée par des tensions sociales croissantes, une croissance fragile et des inégalités territoriales accentuées. Néanmoins, le gouvernement persiste dans une approche qualifiée par le député socialiste de «politique de l’autruche», évitant ainsi d’affronter la réalité.

Cette critique ne découle pas d’une idéologie, mais d’un constat tangible. Rien dans ce texte budgétaire ne montre une prise de conscience de la profondeur du malaise social. Les mots «continuer, renforcer, poursuivre» sont répétés, comme si les «crises asphyxiantes» mentionnées par Omar Anan n’avaient pas révélé les vulnérabilités structurelles de notre modèle économique.

Il suffit de regarder la vie quotidienne des Marocains. Les prix des légumes et des fruits atteignent des sommets qualifiés par le parlementaire de «sans précédent». Le pouvoir d’achat des ménages s’érode jour après jour. La crise de la viande rouge, la dégradation du cheptel due à des politiques agricoles mal pensées, ainsi que les pénuries d’eau potable dans plusieurs régions illustrent, selon Anan, «la fragilité de la gestion» gouvernementale. L’USFP reconnaît les efforts réalisés ici et là, mais refuse de fermer les yeux sur ce que le député appelle «des erreurs majeures» ayant conduit à «des échecs économiques et sociaux évidents».

Le fossé entre la communication gouvernementale et la réalité est l’une des principales raisons du rejet socialiste. Plus alarmant encore, le projet fait abstraction complète du nouveau modèle de développement, qui repose pourtant sur un consensus national et une volonté royale claire. Omar Anan l’affirme fermement en soulignant que les «orientations du nouveau modèle de développement» sont absentes du texte, alors qu’elles devraient en être la base intellectuelle, politique et programmatique. Une telle négligence représente un recul inquiétant dans l’ancrage de ce nouveau contrat social qui devait guider les réformes de la décennie.

Le deuxième motif de rejet concerne les hypothèses macroéconomiques. Le gouvernement prédit un taux de croissance de 4,5% pour 2026. Selon Omar Anan, cette prévision est «irréaliste». Les estimations des institutions nationales, telles que Bank Al Maghrib et le Haut-Commissariat au plan, sont bien inférieures. Tout indique que la croissance reste tributaire du climat. En d’autres termes, le pays continue de dépendre de la pluie plutôt que d’une stratégie économique solide. Au cours des dernières années, le taux moyen de croissance n’a jamais franchi 3,5%, ce qui corrobore, selon Anan, «la limitation du modèle économique adopté».

Omar Anan: Les écarts territoriaux dans la répartition de la dépense
publique prouvent l’absence d’une réelle volonté de construire une
régionalisation équitable

Le troisième point critique concerne l’investissement. Les dépenses d’investissement augmentent de 5,9 %. Pourtant, aucune amélioration concrète n’est visible pour les 1,6 million de chômeurs ou les 3 millions de jeunes en situation de NEET. Anan qualifie cet investissement de «non créateur d’emploi et non stimulant pour la production locale». Paradoxalement, le pays consacre près de 29 % de son PIB à l’investissement, mais ne parvient qu’à 4 % de croissance. Parallèlement, le gouvernement bloque 15 % des crédits d’investissement, révélant une incapacité chronique à exécuter, programmer et convertir les budgets en actions.

La structure même du budget révèle un déséquilibre profond. Les recettes proviennent principalement des impôts indirects, atteignant 167,9 milliards de dirhams, surpassant ainsi les impôts directs de 165,7 milliards. Ce système fiscal, où la charge repose davantage sur la consommation que sur la richesse, renforce, constate Anan, «un régime fiscal injuste». Les classes moyennes et populaires supportent ainsi l’essentiel de l’effort, tandis que les formes de capital rentier restent relativement protégées.

Omar Anan: Le PLF 2026 n’a aucune charge politique.
Il manque de vision, d’ambition sociale et de souffle démocratique

Le chapitre des dépenses ordinaires n’est pas plus rassurant. Elles s’élèvent à 391,5 milliards, dont 195,3 milliards pour les salaires et 44,5 milliards pour les intérêts de la dette. Deux postes absorbent plus de 61 % des dépenses ordinaires. Les possibilités pour les politiques sociales diminuent rapidement. L’État s’endette encore, à hauteur de 63 milliards en emprunts internes et 60 milliards à l’extérieur. L’économie nationale reste donc sous perfusion financière, dépendante de la dette plutôt que de sa propre capacité productive.

Cette dépendance se manifeste dans la balance commerciale. Le déficit commercial a augmenté de 15 % pour atteindre 225,9 milliards de dirhams en août 2025. Le député socialiste relève avec justesse un affaiblissement de l’intégration industrielle nationale et une baisse de l’impact réel du programme «Made in Morocco», qui devient peu à peu un slogan sans portée stratégique.

À cela s’ajoute un déficit politique. Le projet ne propose ni vision, ni souffle, ni fondement idéologique. Selon Omar Anan, il manque «le principe de justice sociale» et toute référence explicite aux droits économiques, à l’État social promis en début de mandat. La logique comptable étouffe toute ambition citoyenne. Le budget n’est plus perçu comme un instrument de redistribution, mais comme un tableau de chiffres visant à rassurer les équilibres macroéconomiques au détriment de l’équité.

La carte territoriale illustre les mêmes injustices. Les régions les plus riches continuent de recevoir la majorité des crédits, tandis que les régions fragiles, comme l’Oriental, sont laissées à l’écart. Omar Anan plaide pour «transformer la régionalisation en un outil réel de redistribution» et pour activer les fonds de solidarité interrégionale, financés en fonction des indicateurs de pauvreté, d’emploi et de développement.

Ce cumulé de dysfonctionnements explique le refus clair de l’USFP. Le parti de la Rose ne s’oppose pas sans raison. Il défend une vision. Il porte une exigence. Il défend une conception précise de la justice sociale, fondée sur une fiscalité progressive, la cohérence des investissements, l’intégration des jeunes dans l’économie, la dignité au travail et la réhabilitation de la chose publique. Lorsque le député affirme que le projet «ne répond pas aux besoins de la période» et qu’il «reproduit les mêmes politiques dont les limites sont prouvées», il parle au nom d’une tradition de gauche moderne, institutionnelle et responsable.

L’USFP rappelle qu’il a soumis plus de soixante amendements «d’une grande qualité», fondés sur une vision sociale claire. Tous ont été rejetés sans explication convaincante. Le gouvernement a choisi la fermeture. Le Groupe socialiste-Opposition ittihadie a fait le choix de la cohérence. Cela représente un refus responsable. Refuser un PLF qui ignore les fractures sociales. Refuser un texte budgétaire qui ne crée pas d’emploi. Refuser une politique qui privilégie les équilibres comptables au détriment de l’équité. Refuser un projet qui s’éloigne du nouveau modèle de développement. Refuser un exercice financier qui oublie que l’économie n’a de sens que lorsqu’elle place l’humain au centre.

L’USFP ne demande ni miracles ni effets d’annonce. Il exige un gouvernement qui écoute, qui rectifie, qui anticipe. Un gouvernement qui cesse d’augmenter «la charge de vie des Marocains», qui ne «crée plus de chômage et n’aggrave pas le désespoir des jeunes», qui ne renforce pas encore «les inégalités sociales et territoriales par des politiques techniques sèches». Le pays mérite mieux. Il mérite une politique économique qui respecte l’intelligence collective, qui avance vers le progrès social et qui offre à chaque citoyen sa part de dignité.

Le vote négatif de l’USFP n’est pas un acte impulsif. C’est une décision politique réfléchie et nécessaire. Cela rappelle que l’opposition ittihadie, lorsqu’elle évoque la justice sociale, parle de réformes concrètes plutôt que de slogans. Le Maroc n’a pas besoin d’un budget qui rassure les tableaux Excel. Il nécessite un budget qui rétablit la confiance, qui ouvre des horizons et qui bâtit une économie plus juste. L’USFP poursuivra son combat pour cela, fidèle à son histoire, fidèle à son projet, fidèle à son engagement envers les Marocaines et les Marocains.

Mehdi Ouassat