Maylis Daubon a-t-elle empoisonné ses filles pour paraître dévouée ?
Le 19 novembre 2019, Enéa décède à l’hôpital après avoir été en arrêt cardiorespiratoire et avoir convulsé dans sa chambre. Maylis Daubon, sa mère, comparaît devant la cour d’assises des Landes pour l’empoisonnement mortel d’Enéa ainsi que pour celui de sa fille cadette Luan et pour tentative d’assassinat sur son ex-mari, Yannick Reverdy.
Il est un peu plus de 11h30, ce 13 novembre 2019, lorsque les pompiers de Dax interviennent en urgence dans une maison du centre-ville. À l’étage, Enéa, 18 ans, est en arrêt cardiorespiratoire après avoir convulsé dans sa chambre. Une étrange « mousse » blanche s’échappe de sa bouche. En entrant dans la pièce, les pompiers sont d’abord surpris par l’agencement – la unique fenêtre est bloquée par une armoire, et des phrases lugubres couvrent les murs, mais les préoccupations médicales prennent rapidement le pas. Ils réussissent à relancer le cœur de la jeune femme, cependant son état reste critique. Elle décède à l’hôpital le 19 novembre.
Six ans plus tard, sa mère, Maylis Daubon, 53 ans, est jugée depuis ce lundi devant la cour d’assises des Landes pour l’empoisonnement mortel d’Enéa, mais également pour celui de sa fille cadette Luan, qui a survécu, et pour tentative d’assassinat sur son ex-mari, Yannick Reverdy. Elle conteste fermement les faits : « Elle est effondrée par ces accusations, souligne Me Gérard Danglade, son avocat, aux côtés de Me Carine Monzat. Imaginez : vous devez surmonter le deuil de votre fille et, en même temps, on vous accuse du pire crime pour une mère, celui d’avoir tué votre enfant. » Maylis Daubon affirme que sa fille, dépressive et ayant parfois des « idées noires », s’est suicidée, citant les scarifications sur les bras de sa fille et son tatouage « 666 » comme preuves.
Les médecins ont rapidement émis des doutes sur les circonstances de sa mort, notamment à cause des analyses toxicologiques jugées « incohérentes ». Au total, 24 molécules différentes ont été identifiées, comprenant des neuroleptiques, anxiolytiques et anti-convulsionnants, ainsi que du Propranolol, un bêtabloquant mortel à forte dose. Les analyses montrent qu’Enéa avait un niveau de Propranolol équivalent à 50 à 75 comprimés dans le sang, sans qu’aucune boîte ne soit trouvée près de son corps. De plus, ce médicament ne lui avait jamais été prescrit. L’autopsie révèle qu’elle ne souffrait d’aucune pathologie physique, si ce n’est d’une pelade. Au cours des deux années précédant son décès, elle avait consulté 32 spécialistes.
Les enquêteurs notent aussi l’absence de son téléphone, pourtant utilisé lorsqu’elle était dans le coma. En revanche, celui de Maylis Daubon est saisi, et l’analyse révèle des recherches sur les overdoses aux bêtabloquants effectuées six mois auparavant. Maylis Daubon est décrite comme excentrique, charismatique, mais également mythomane. À certains, elle prétend connaître Emmanuel Macron ou Vladimir Poutine, tandis qu’à d’autres, elle se présente comme ingénieure, chirurgienne ou professeure à la Sorbonne. Lorsque la pelade d’Enéa est diagnostiquée en CP, sa mère affirme qu’il s’agit d’une leucémie. Peu avant sa mort, elle assure à qui veut l’entendre qu’elle est condamnée. « Elle a une telle force de persuasion qu’elle peut tromper son entourage avec aplomb », souligne Me Victor Font, qui défend le père d’Enéa, Yannick Reverdy, qui a rompu avec Maylis Daubon en 2009.
En janvier 2022, Maylis Daubon est mise en examen pour l’empoisonnement mortel de sa fille. Cependant, les enquêteurs peinent à déterminer le mobile. Pourquoi aurait-elle voulu tuer Enéa ? Une expertise psychiatrique évoque un syndrome de « Münchhausen » par procuration, une pathologie rarissime où un parent rend volontairement son enfant malade pour attirer l’attention. « Cela n’a pas été prouvé », répond l’avocat de l’accusée, ajoutant qu’aucune altération du discernement n’a été retenue. Ce diagnostic avait été proposé par une psychologue en 2018, avant la mort d’Enéa, qui avait noté une « emprise totale » de Maylis sur ses filles.
La famille était suivie depuis plusieurs années en raison d’une séparation conflictuelle avec Yannick Reverdy. En 2009, une enquêtrice sociale avait signalé une situation de « soumission » des enfants vis-à-vis de leur mère, décrivant Enéa comme une « petite fille en danger psychologique ». En 2011, les deux fillettes, âgées de 8 et 10 ans, refusent tout contact avec leur père, malgré les tentatives de conciliation de la justice. Aujourd’hui encore, Luan, qui soutient sa mère, ne veut pas de contact avec son père. « Pendant plus de dix ans, elle a été manipulée par sa mère, qui lui a raconté les pires horreurs sur son père. Ça laisse des traces », souligne Me Victor Font.
Si la jeune femme, âgée de 22 ans, n’a pas encore souhaité se porter partie civile, elle est cependant considérée comme une victime de Maylis Daubon. Suite au décès suspect d’Enéa, la justice a ordonné des analyses toxicologiques sur Luan, alors âgée de 16 ans. Dix molécules ont été trouvées, dont des antidépresseurs, anxiolytiques et somnifères, alors qu’aucune ordonnance n’était à son nom, malgré environ soixante consultations entre 2018 et 2021. En mars 2023, Maylis Daubon a donc été de nouveau mise en examen pour « empoisonnement », et l’adolescente a été placée en famille d’accueil.
Quelques mois plus tard, un nouveau tournant se produit : Maylis Daubon est mise en examen pour tentative d’assassinat sur son ex-mari, après un signalement de l’administration pénitentiaire. Depuis sa cellule, elle aurait confié à ses co-détenues vouloir engager un tueur, qu’elle paierait en bitcoins, pour le supprimer et cacher son corps dans un étang. « On confine à l’absurdité, ce sont des ragots de prison. Quel intérêt elle aurait à supprimer son ex ? », questionne Me Gérard Danglade. L’accusée risque trente ans de réclusion criminelle.

