Thanksgiving 2025 : gratitude au cœur de la polarisation politique américaine
Thanksgiving est célébrée chaque année le quatrième jeudi de novembre et trouve ses racines à l’automne 1621, lors de la rencontre entre les « Pères pèlerins » et la tribu amérindienne des Wampanoags. En 2025, la polarisation politique aux États-Unis a atteint des niveaux sans précédent, bouleversant les relations sociales, notamment durant les repas familiaux de Thanksgiving.
Thanksgiving, célébrée chaque année le quatrième jeudi de novembre, tient une place importante dans l’imaginaire américain en tant que fête réunissant les familles et les nations. Issue de récits de gratitude et de partage des premiers colons, cette célébration est devenue un rituel national visant à rassembler une société en quête de cohésion.
Pourtant, en Amérique en 2025, marquée par une polarisation politique sans précédent et des discussions intenses sur l’histoire et l’identité, Thanksgiving se retrouve aujourd’hui au centre de fractures sociales, mémorielles et culturelles.
Cette fête est remise en question par ceux qui critiquent ses aspects exclusifs ou mythifiés, ainsi que par les peuples autochtones qui, à travers le « Jour du Deuil« , soulignent la nécessité de reconnaître leurs luttes et leur histoire. Ce paradoxe fait de Thanksgiving un reflet des tensions qui traversent les États-Unis, tout en restant pour beaucoup un moment attendu de convivialité et de partage. Explorons cette riche histoire de symboles.
Les origines historiques d’une fête de partage
Thanksgiving tire ses origines de l’automne 1621, lorsque près de cent dissidents anglais, appelés les « Pères pèlerins » (Pilgrim Fathers), débarquèrent du célèbre Mayflower dans la baie de Plymouth, au Massachusetts. Ils ne sont pas les premiers à poser le pied sur ces terres autochtones, car d’autres colons avaient déjà établi des bases, mais c’est la première fois que des familles entières arrivent, ce qui marque le début d’une colonie permanente.
A l’époque du Mayflower, plus au nord, le français Samuel de Champlain vient de fonder la future ville de Québec pour le compte du roi de France. Et près de là où le Mayflower a accosté, les Hollandais avaient établi La Nouvelle-Amsterdam sur l’île de Manhattan, qui sera rebaptisée New York lorsqu’ils la céderont aux Anglais.
Toutes ces expéditions sont menées au nom d’un roi, d’un pays, d’un État. Les colons du Mayflower se distinguent donc par le fait qu’ils doivent tout bâtir eux-mêmes, n’attendant rien de l’État. Ils incarnent cette idée du « self-made man« , qui deviendra le cœur des valeurs américaines, axées sur le pragmatisme et la praticité.
Ensuite, il y a l’importance de la religion, inscrite en toutes lettres sur l’emblème des États-Unis: « in God we trust » (En Dieu nous croyons). Cette foi rassemble les colons du Mayflower. Au cœur de cela se trouve la quête de liberté religieuse, qui à l’époque n’est pas réalisable en Europe. L’Amérique sera un terreau de prédications, d’églises et de sectes, l’esprit religieux y demeurera présent, voire omniprésent.
Enfin, il y a le rêve américain. L’Amérique, terre promise, une nation où tout est possible. C’est un endroit où des fortunes peuvent être bâties comme celles de John Rockefeller ou d’Elon Musk. Cela inclut la conquête de territoires, le mythe du Far West, ainsi que l’opportunité pour chaque immigrant de réussir, tant qu’il possède le talent, la volonté et la force de caractère nécessaires.
Selon l’histoire officielle, ces colons puritains furent confrontés à un premier hiver dévastateur, causant la mort de la moitié d’entre eux, victimes du scorbut et de conditions extrêmes.
Thanksgiving : une fête de l’Amérique puritaine qui a façonné les États-Unis d’aujourd’hui
Un Jour dans l’Histoire
Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement
Les autochtones qui sauvent les premiers colons
Les Amérindiens de la tribu Wampanoag, dirigés par le chef Massasoit, auraient appris aux colons à cultiver le maïs, ainsi qu’à pêcher et à chasser, assurant ainsi leur survie. En signe de gratitude pour cette aide précieuse et pour célébrer leur première récolte abondante, les Pèlerins organisèrent un festin de trois jours qui rassembla 50 colons et 90 Amérindiens. Au menu : dindes sauvages, cerfs, gibier et poissons, partagés dans un esprit d’amitié.
Par la suite, la croissance des colonies entraîna une longue lutte pour les territoires, souvent au détriment des populations autochtones. Certains Amérindiens choisissent aujourd’hui de ne pas célébrer Thanksgiving, comme nous le verrons plus loin dans cette histoire.
Pour d’autres, il est prestigieux aux États-Unis de pouvoir se revendiquer descendant de ces Pères Fondateurs du Mayflower. C’est le cas, par exemple, de la famille Bush, qui a vu deux présidents émerger. On peut également citer Humphrey Bogart, Richard Gere, Clint Eastwood et Marilyn Monroe.
Une histoire devenue mythe fondateur
Bien plus que Noël, Thanksgiving est le rendez-vous familial par excellence pour les Américains et cette histoire est devenue le mythe fondateur du pays. Dès la maternelle, chaque enfant américain apprend à exprimer sa gratitude envers « les bénédictions apportées par la vie et en particulier sa famille« . Passer Thanksgiving seul est socialement inacceptable.
Le cinéma américain aime se délecter de ces huis clos familiaux qui peuvent rapidement se transformer en conflits : des dindes volant par la fenêtre dans « Rocky« , des retrouvailles pour le meilleur et le pire dans « Week-end en famille » de Jodie Foster, l’angoisse du « Thanksgiving travel« , ce week-end le plus chargé de l’année dans les transports dans « Un ticket pour deux » (John Hughes) ou encore le joyeux bazar familial dans « Hannah et ses sœurs » de Woody Allen.
Le cinéma américain adore Thanksgiving
Certains remettent en question le mythe consensuel du « festin des origines », rappelant que cette fête masque souvent l’histoire des relations violentes entre colons européens et peuples autochtones, ainsi que les clivages sociaux et culturels persistants.
D’autres y voient une mise en avant du caractère « républicain » attribué à la fête, valorisée dans les discours et traditions du courant conservateur américain, qui met l’accent sur le patriotisme, les valeurs familiales et la référence à la nation fondée par les Pères pèlerins blancs et religieux.
Dans le contexte actuel, Thanksgiving devient également révélateur des fractures politiques : de nombreux Américains évitent désormais le repas familial pour fuir des conversations électoralement polarisantes.
Il convient de noter que le Brésil, le Libéria et les îles caribéennes de Saint-Lucie et de Grenade célèbrent également cette fête, mais à des dates différentes. Au Canada, Thanksgiving a lieu le deuxième lundi d’octobre.
Angoisses intrafamiliales pour Thanksgiving suite aux élections (archive du JT 2024)
Angoisses intrafamiliales pour Thanksgiving suites aux élections
Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement
Une Amérique fracturée autour de la table familiale
La polarisation politique atteint des niveaux sans précédent aux États-Unis en 2025, affectant la vie institutionnelle et les relations sociales du pays. Cette polarisation se traduit par une fracture profonde entre les deux principaux camps politiques, où les désaccords vont au-delà du domaine idéologique, s’installant dans une dynamique de défiance et d’hostilité mutuelle.
Par exemple, le pays vient de connaître la plus longue paralysie budgétaire de son histoire. Les démocrates et les républicains s’opposaient sur le budget depuis des semaines. Au final, quelques élus démocrates ont décidé de céder et ont voté avec les républicains pour sortir de l’impasse. Cette paralysie a eu des conséquences drastiques. Les aides n’étaient plus versées, et plus d’un million de fonctionnaires n’ont pas été payés. Des milliers de vols ont dû être annulés faute de contrôleurs aériens, ceci à quelques jours de Thanksgiving.
Plusieurs sondages indiquent que chaque camp perçoit l’autre non seulement comme un rival légitime, mais comme une menace existentielle, alimentant un climat de confrontation et de violences politiques sans précédent.
Dans ce contexte, de nombreux sujets, allant de la législation sur les armes à feu à la politique migratoire, deviennent impossibles à traiter de manière consensuelle, et la paralysie institutionnelle s’installe à Washington. Plus encore, cette polarisation s’étend à la sphère personnelle : elle affecte les relations familiales, communautaires et même des moments de convivialité comme Thanksgiving, où beaucoup d’Américains choisissent de ne plus participer au repas familial pour éviter toute confrontation politique.
Ce climat de division extrême remet en question la capacité du pays à dialoguer et à se retrouver autour de valeurs communes, transformant des célébrations traditionnelles comme Thanksgiving en symboles des fractures contemporaines des États-Unis.
Un phénomène moins répandu qu’annoncé ?
Cependant, certaines études nuancent ce tableau alarmiste. Une enquête de l’Université Purdue datant de novembre 2024 révèle que, contrairement aux récits médiatiques évoquant des rassemblements familiaux houleux, les discussions politiques, bien que présentes dans 40 % des célébrations de Thanksgiving, dominent ou perturbent rarement l’esprit des festivités. Interrogés sur leurs sources de stress pendant les fêtes, les Américains placent la politique loin derrière des préoccupations plus pratiques, telles que la cuisine, les courses et la dynamique familiale générale.
Ces données, recueillies en octobre 2024 alors que l’effervescence politique nationale atteignait son apogée à un mois de l’élection de Trump, suggèrent que la plupart des Américains restent focalisés sur le partage d’un repas plutôt que sur le partage de points de vue politiques. Les traditions et les repas partagés semblent souvent combler les divisions politiques apparentes.
Les traditions culinaires persistent
Malgré ces tensions, les traditions culinaires de Thanksgiving demeurent profondément ancrées dans la culture américaine. La dinde farcie et rôtie au four reste le plat principal du festin, généralement accompagné de purée de patates douces, de sauce aux canneberges, de pain de maïs et de légumes rôtis. Traditionnellement, le repas se termine par des tartes typiquement américaines : tarte à la citrouille, aux noix de pécan ou aux pommes.
Ces recettes, transmises de génération en génération, incarnent la tradition et la convivialité de cette fête dédiée à la gratitude et au partage en famille. La préparation du repas, qui requiert souvent de longues heures, rassemble fréquemment tous les membres d’une famille, rappelant l’esprit de coopération qui animait les premiers colons et les Amérindiens en 1621.
Pourquoi une dinde comme symbole de ce repas ?
L’origine exacte de la dinde comme plat emblématique du repas de Thanksgiving aux États-Unis reste incertaine et fait l’objet de débats parmi les historiens. Lors de ce festin, diverses viandes, comme du bœuf, du gibier et de la volaille, ont été consommées ; cependant, rien ne prouve de façon certaine que la dinde ait été servie ce jour-là, malgré certaines mentions de chasses à la dinde dans quelques récits.
La consécration de la dinde au menu de Thanksgiving serait survenue plus tard, probablement au XIXe siècle, alors que le pays connait des mouvements d’acculturation et d’intégration nationale. L’adoption de la dinde, une espèce commune en Amérique du Nord et appréciée pour sa taille adaptée aux repas de famille, répond à la volonté de créer une tradition distinctement américaine pour les nouveaux arrivants, se démarquant ainsi des pratiques culinaires britanniques.
De plus, cet animal a été proposé, par Benjamin Franklin notamment, comme symbole national des États-Unis, sans succès, le choix final s’étant porté sur le pygargue à tête blanche en 1782.
Préparatifs de la Macy’s Thanksgiving Day Parade du jeudi 27 novembre 2025
Préparatifs de la Macy’s Thanksgiving Day Parade du jeudi 27 novembre 2025
Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement
Et tout cela fini avec le… « Black Friday »
Depuis les années 50, cette fête familiale est suivie le lendemain par le « Black Friday« , un événement commercial aux origines encore floues, qui se prolonge maintenant jusqu’au « Cyber Monday« , le lundi des soldes géantes sur Internet.
D’ailleurs, la très traditionnelle parade commerciale « Macy’s Thanksgiving Day Parade » se déroulera le jeudi 27 novembre 2025, à New York. Le départ sera donné à 8h30 (heure locale), et l’événement sera retransmis en direct à la télévision jusqu’à midi.
Preuve que les États-Unis et l’économie de marché se côtoient toujours.

