Le G20 ne peut plus reporter l’allègement de la dette.
Lors du deuxième Sommet africain sur le climat (ACS2), qui s’est tenu à Addis-Abeba, il a été annoncé que l’Afrique subsaharienne a besoin de 143 milliards de dollars, soit l’équivalent d’environ 7% de son PIB total, alors que les flux de financement climatique dans la région ne représentent qu’un quart de ce montant. En 2024, les pays africains ont consacré près de 90 milliards de dollars au service de la dette extérieure.
Lors du deuxième Sommet africain sur le climat (ACS2), qui s’est tenu à Addis-Abeba il y a quelques mois, un avertissement a été lancé : l’Afrique ne peut pas financer son avenir en s’enfonçant dans la dette.
Les statistiques sont révélatrices : l’Afrique subsaharienne nécessite 143 milliards de dollars, ce qui représente environ 7 % de son PIB total. Cependant, les flux de financement climatique dans la région ne correspondent qu’à un quart de ce montant. Parallèlement, les pays africains ont engagé près de 90 milliards de dollars en 2024 pour le service de leur dette extérieure.
La crise de la dette en Afrique est un enjeu crucial ; elle constitue l’un des principaux freins à l’atteinte des objectifs climatiques mondiaux et au développement du continent. Chaque dollar utilisé par les pays africains pour le remboursement des intérêts est un dollar qui aurait pu être investit dans des initiatives de résilience climatique et de développement durable, notamment l’adaptation et les infrastructures d’énergie propre.
L’idée que l’Afrique puisse financer sa transition écologique tout en consacrant des sommes considérables au service de sa dette est illogique. Comme l’ont souligné de nombreuses voix, le problème réside dans le système financier international. Entre 2022 et 2024, les créanciers privés étrangers ont retiré près de 141 milliards de dollars en paiements de service de la dette des économies en développement, dépassant ainsi de loin les nouveaux financements apportés. Pendant ce temps, les institutions multilatérales, telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, ont été poussées à jouer le rôle de prêteurs en dernier recours, comblant des lacunes pour lesquelles elles n’étaient pas initialement conçues. En conséquence, les parties les plus riches profitent du système financier international, tandis que les pays vulnérables portent les poids les plus lourds.
De plus, l’absence d’un mécanisme prévisible de restructuration de la dette a plongé de nombreux pays africains dans une situation désespérée. Les gouvernements, craignant les sanctions des marchés en cas de défaut de paiement, choisissent de réduire les dépenses en matière d’éducation, de santé et, de plus en plus, dans la lutte contre le changement climatique.
Le prochain sommet du G20 à Johannesburg, le premier sur le continent africain, doit déboucher sur un engagement à restructurer les dettes des pays très endettés, dont la majorité est située en Afrique, avec des échéances précises et une responsabilité partagée entre créanciers. Un simple communiqué ou un groupe de travail ne suffira plus.
Il ne s’agit pas d’un appel à l’indulgence, mais d’une demande de rationalité. Comme l’indique un rapport du Programme des Nations unies pour le développement, entre 2000 et 2020, 16 pays africains ont versé 74,5 milliards de dollars d’intérêts excessifs en raison de l’exagération des évaluations du risque par les agences de notation de crédit. Cela illustre un biais structurel plutôt qu’une logique de marché, soutenu par une industrie oligopolistique.
Le G20 doit saisir cette occasion pour établir un cadre équitable de résolution de la dette, permettant aux prêteurs et aux emprunteurs de s’entendre sur la prise en compte de la vulnérabilité climatique et des besoins d’investissement dans l’évaluation de la viabilité de la dette. Cela débloquerait la transition verte de l’Afrique et, surtout, restaurerait la confiance dans le multilatéralisme.
L’allègement de la dette est essentiel pour la stabilité mondiale. Lorsque les pays africains sont contraints de détourner leurs ressources limitées des mesures d’adaptation pour rembourser leurs emprunts, il devient beaucoup plus difficile d’assurer la sécurité climatique au niveau mondial. Les inondations au Mozambique, les sécheresses en Somalie et les cyclones à Madagascar ne sont pas seulement des tragédies locales, mais des risques internationaux.
En 1996, la communauté internationale s’est mobilisée pour annuler la dette via l’initiative du FMI et de la Banque mondiale en faveur des pays pauvres très endettés. Cependant, cet outil appartient au XXe siècle. Le XXIe siècle nécessite une réponse plus audacieuse : un mécanisme d’allègement de la dette basé sur le climat, fondé sur la nécessité de survie plutôt que sur la compassion.
Lorsque l’Union africaine a demandé son siège permanent au G20 il y a plus de sept ans, beaucoup ont douté de sa faisabilité. Aujourd’hui, l’UA est à la table des négociations. Si le G20 trouve la volonté d’agir pour l’allègement de la dette cette année, la crise pourrait prendre un tournant favorable. Comme l’a dit Nelson Mandela, « cela semble toujours impossible jusqu’à ce que ce soit fait ».
Tout retard ne fera qu’aggraver l’insolvabilité, forçant davantage de pays africains à envisager le défaut de paiement. La question à laquelle le G20 doit répondre est de savoir s’il a le courage de reconstruire les fondations financières du monde. Le groupe doit comprendre qu’il sera jugé sur sa détermination – ou son incapacité – à relever ce défi.
Par Hailemariam Desalegn Boshe
Ancien Premier ministre d’Ethiopie et membre de l’Initiative des dirigeants africains pour l’allégement de la dette

