Zombies Mania : L’engouement jamais vu pour les zombies au cinéma.
La comédie Zombie Plane est sortie le 13 novembre 2023. Clémentine Hougue, chercheuse associée en littérature à l’université du Mans, souligne que le zombie est « un oxymore sur pattes, à la fois mort et vivant », apportant un questionnement métaphysique.
L’entendez-vous, le râle macabre des zombies qui s’apprêtent à vous déchirer les chairs ? L’image de la masse de morts-vivants poursuivant de manière désarticulée de pauvres humains continue de séduire, que ce soit au cinéma, comme dans la comédie *Zombie Plane*, sortie le 13 novembre, ou dans les séries, avec quatre spin-off de *The Walking Dead* en trois ans. De plus, les héros Marvel luttent contre une invasion zombie dans *Marvel Zombies*, une mini-série d’animation diffusée sur Disney+ cet automne.
Mais qu’a de si captivant pour les scénaristes cette figure pourtant repoussante ? Que révèle-t-elle de nos imaginaires ? « C’est un être qui est un oxymore sur pattes, à la fois mort et vivant », souligne Clémentine Hougue, chercheuse associée en littérature à l’université du Mans, spécialisée sur les représentations politiques en science-fiction, notamment concernant le zombie. Cette figure évoque un questionnement métaphysique et permet des développements narratifs.
Elle offre des scènes tragiques, comme lorsque l’un des personnages principaux, auquel le public s’est attaché, se transformant en zombie. Cela crée « des ressorts narratifs autour du pouvoir d’agir des personnages », ajoute-t-elle. En effet, le zombie reste « gérable », on peut le tuer d’une balle dans la tête, contrairement à d’autres catastrophes.
### Des « récits d’itinérance » et de survie
Cela offre des « récits d’itinérance », complète Fleur Hopkins-Loféron, historienne et spécialiste des imaginaires scientifiques ; les personnages ne demeurent pas longtemps au même endroit. Cela crée également un adversaire : « Surtout un adversaire qui est tout un chacun, précise-t-elle. Les films de zombies sont, à mon avis, des réécritures des Robinsonnades, en référence au *Robinson Crusoé* de Daniel Defoe, et donc des récits de survie. » Cette figure permet d’explorer différentes modalités de société lorsque la civilisation s’effondre, « en envisageant le temps d’après, et en interrogeant comment les humains vont essayer ou non de se réorganiser », souligne Clémentine Hougue.
C’est pourquoi le genre post-apocalyptique est particulièrement adapté à l’apparition du zombie. Il structure des récits partant de pandémies (*The Last of Us*, *The Walking Dead*, *Resident Evil*), de catastrophes industrielles, etc. Le zombie représente souvent quelque chose que les humains ont détraqué. Pourtant, la raison de sa présence tonitruante est à peine effleurée, ce n’est pas le sujet central de l’intrigue. Sait-on comment et pourquoi le cordyceps a muté dans *The Last of Us* ? Non. Il en va de même pour le film fondateur *La nuit des morts-vivants* de Romero en 1968, qui a laissé l’image du zombie telle qu’on la connaît.
« Au XXIe siècle, la figure du zombie s’inscrit dans le post-apocalyptique, dans la mesure où les humains auraient une part de responsabilité dans la catastrophe, ce qui est symptomatique des discours sur notre responsabilité collective envers l’avenir à l’échelle planétaire », analyse Clémentine Hougue. Cela peut être perçu comme une métaphore du changement climatique ? À voir.
### Et si les monstres, c’était nous ?
Le zombie évoque aussi notre propre monstruosité, selon l’historienne Fleur Hopkins-Loféron. « Cela pose la question de notre propre monstruosité, explique-t-elle. C’est une thématique contemporaine qui réapparaît sans cesse dans les œuvres de fiction. » Elle soulève une multitude de questions pour les personnages : sont-ils si différents du zombie ? Ne suis-je pas moi-même un monstre si je préfère abattre un compagnon plutôt que de le laisser se transformer ? Qu’est-ce que je suis devenu au fond ?
« L’ennemi, ce n’est pas forcément celui que l’on croit, souligne-t-elle. En fin de compte, le zombie nous mange parce qu’il n’a pas le choix, et on l’oppose souvent à des figures d’humains réels qui, eux, ont basculé dans la monstruosité en réduisant des personnes en esclavage, en violant ou en cannibalisant. » Plus que le zombie, les récits illustrent la menace que représente l’humain pour lui-même.
### Un discours politique souvent assumé
« Certains cinéastes comme Romero vont justement montrer que ce n’est pas parce qu’on s’enferme qu’on ne va pas s’entretuer à l’intérieur ; la menace est essentiellement humaine », abonde Clémentine Hougue. Le zombie peut également servir à critiquer notre société et proposer d’autres modèles. Dans *The Last of Us*, la communauté de Jackson, où se réfugient Ellie et Joël, fonctionne de manière horizontale, avec des conseils pour prendre des décisions et mutualiser les biens. Romero a fait du zombie une critique de la société de consommation.
Cependant, il n’existe pas de discours politique unique associé aux zombies, qu’on pourrait rattacher à des idées de gauche ou de droite. En se protégeant par des barrières et en s’enfermant, certaines fictions peuvent développer l’idée d’un ennemi intérieur ou glorifier une certaine forme de patriotisme ou de protectionnisme, comme *The Walking Dead*, populaire parmi les partisans de Trump, ou *Dawn of the Dead*.
### Un zombie de plus en plus humain ?
Cependant, le zombie ne se transforme pas toujours en objet politisé. « La fonction critique des zombies sur le monde contemporain est assez variable selon les formats et les séries », note Clémentine Hougue. Elle évoque les onze saisons de *The Walking Dead* : « Plus la série s’étire, plus elle tend à dépolitiser. En résumé, *The Walking Dead*, c’est un groupe qui échoue systématiquement à refaire société. »
Parfois, les zombies deviennent plus humanoïdes et développent une intelligence. « La réhumanisation du zombie soulève la question de l’intégration de l’Autre dans la société, souligne Clémentine Hougue, avec une altérité assez radicale, observable dans la série *Z Nation* ou avec le personnage de Bub dans l’une des suites de Romero, *Le jour des morts-vivants*. Ces fictions ne considèrent pas la catastrophe comme un temps figé, mais comme un temps long permettant une évolution. » C’est cet aspect qui suscite l’intérêt et le succès du zombie : on ne sait jamais à quelle sauce on va être mangé.

