« Houma, Testostérone » : Un spectacle unique de Cyrine Gannoun au Théâtre El Hamra
L’avant-première de la nouvelle mise en scène de Cyrine Gannoun a eu lieu le 15 novembre 2025 au théâtre El Hamra de Tunis. Les deux personnages de la pièce, joués par Bahri Rahali et Monaem Chouayet, s’engagent dans un duel malicieux explorant leurs vécus et leurs relations.
**Par Pr Lassâad JAMOUSSI**
Cyrine Gannoun, experte en écriture dramatique, collabore avec Hamdi Hadda, artiste photographe et passionné de théâtre. Ce partenariat donne naissance à une œuvre singulière, à la fois surprenante, curieuse, déroutante, et totalement convaincante.
Sa nouvelle mise en scène, présentée pour la première fois au théâtre El Hamra de Tunis le 15 novembre 2025, témoigne d’une profondeur esthétique remarquable. Cette avant-première est le fruit d’un an et demi de travail acharné par une équipe dévouée.
Le texte résulte d’une collaboration enrichissante entre deux créateurs. Cyrine Gannoun, avec son expérience dans l’écriture dramatique, et Hamdi Hadda, apportant sa sensibilité artistique. Le produit final de cette dramaturgie est à la fois intriguant et captivant.
**Le labyrinthe de l’âme**
Ce type de représentation laisse toujours une empreinte sur le spectateur. De nombreuses questions émergent autour de l’affiche, du titre, des personnages et du parcours d’un duo sur scène, ainsi que des références picturales et visuelles. Les obsessions visuelles et les sens labyrinthiques de cette quête mettent en lumière une exploration à la fois impersonnelle et profondément ancrée dans le quotidien.
Ces interrogations n’en finissent pas de hanter le spectateur, qui se retrouve face à son propre parcours, tandis que la performance des deux comédiens crée un lien d’identification, malgré un style fondé sur des mécanismes de distanciation.
**Horizons d’attente**
Le titre de la pièce, intrigant, se compose de deux termes qui s’entrelacent : Houma, en dialecte tunisien, et Testostérone, en français. Ces mots se distinguent par des couleurs qui rappellent les silhouettes des personnages sur scène, l’un en blanc éclatant, l’autre en ocre.
Pourquoi les hormones androgènes s’invitent-elles dans le corps et l’esprit masculin ? Les personnages tentent d’éclairer ce mystère tout au long de la performance. Le titre arabe, signifiant « eux », fait écho à un pluriel masculin indéfini.
La réflexion se porte sur la masculinité sous toutes ses facettes. Ainsi, même si traditionnellement un titre offre une clé d’interprétation, ce dernier ouvre en réalité un vaste horizon d’attente, augmentant le plaisir de la réception grâce à une quête de sens.
Les créateurs jouent avec les éléments de la tradition théâtrale conceptuelle, échappant à la structure conventionnelle, et refusent de diriger vers un dénouement prévisible.
**Polysensorialités**
L’écriture de la pièce est à la fois centrifuge et centripète, offrant une expérience multisensorielle. Les récits et situations se répondent et s’entrelacent, émergeant du vécu et de souvenirs parfois sublimes ou grotesques, cultivant curiosité et attentes chez le spectateur.
Sur scène, le plateau fluctue entre une opacité onirique et une clarté intermittente, renforçant l’impression de magie dans la mise en scène, jonglant entre tension et relâchement.
Les jeux de couleurs et de formes contribuent à cette atmosphère. Les objets de la scénographie, comme un canapé et des tabourets, changent de fonction selon leur arrangement, évoquant tour à tour un cercueil ou une boîte magique.
Au début de la pièce, le plateau semble vide. Un éclairage projette sur le fond une structure inspirée des œuvres de Piet Mondrian, modifiant les couleurs au fil du spectacle et évoquant des images de grands duels cinématographiques.
**Un jeu de grands maîtres de la scène**
Sur scène, Bahri Rahali et Monaem Chouayet impressionnent par leur jeu d’une rigueur et d’une précision exceptionnelles. Leur interaction gestuelle et verbale rappelle une exploration intime des souvenirs, des plaisanteries, et des dialogues intimistes qui reviennent à la surface.
Le spectateur est captivé par cette exposition de la vie des personnages, leurs relations, et leurs frustrations. Deux silhouettes quasi indistinctes, l’une en blanc et l’autre en gris, découvrent ensemble la source de leur identité.
Chacun doit vivre cette pièce par son propre prisme, s’immerger dans les éléments, les lumières, et les différents styles de jeu, tout en explorant la profondeur des âmes humaines qu’elle met en lumière.

