Retard sur l’IA et flops : Apple devient-elle ringarde ?
Tim Cook, actuel PDG d’Apple, s’apprête à passer la main l’an prochain, marquant une période de transition pour la société. Selon Alain Goudey, « Les AirPods sont le dernier produit iconique de la marque ».

Un changement est-il imminent chez Apple ? D’après le Financial Times, Tim Cook, le PDG actuel, envisagerait de se retirer l’an prochain. Cela pourrait marquer une phase de transition pour l’entreprise, qui peine à séduire le grand public avec ses dernières innovations. Qui parmi vous a ressenti de l’enthousiasme lors de l’annonce d’un design en verre teinté lors de la dernière Keynote, a acquis un casque Apple Vision ou envisage d’acheter un iPhone Pocket ? Personne, apparemment. Apple aurait-elle donc perdu son attrait ?
Après avoir transformé le secteur des baladeurs audio avec les iPods, des tablettes avec l’iPad et des smartphones avec l’iPhone (révolutionnant ainsi le monde), la marque a su perfectionner son savoir-faire… sans véritablement innover ou présenter de nouvelles révolutions quotidiennes. « Les AirPods sont le dernier produit iconique de la marque », reconnaît Alain Goudey, chercheur et professeur en innovation et marketing.
Des résultats solides, mais une innovation en baisse
Pourtant, les bases de la société n’ont jamais été aussi robustes. « La valorisation atteint des sommets [3.980 milliards de dollars, soit environ 3.440 milliards d’euros], analyse Alain Goudey. Ils disposent d’une gamme de produits performants en termes de ventes, notamment iPhone, MacBook et AirPods. » « Cela reste une immense machine à cash, confirme Philippe Silberzahn, professeur à l’EM Lyon Business School. Leur succès d’il y a dix ans leur permet de vivre de rentes. »
Le bilan est plus nuancé lorsqu’il s’agit d’innovation au cours de la dernière décennie. Apple a rencontré des échecs sur plusieurs projets ambitieux, abandonnés ou peu concluants : le projet Apple Car, l’Apple TV, le casque AR/VR Apple Vision Pro, dont le succès est modéré – « On ne voit pas des gens faire la queue comme pour l’iPhone », note Philippe Silberzahn.
En matière de logiciels, le retard est notable : Siri, qui était un précurseur à son lancement, apparaît aujourd’hui dépassé face à la compétition pour le meilleur assistant IA. La situation est d’autant plus compliquée que la guerre des talents fait rage dans ce secteur, où Apple éprouve des difficultés à recruter et à s’imposer. L’entreprise adopte une approche privilégiant des améliorations progressives plutôt que des ruptures spectaculaires. « Ils sont dans l’incrémental : il n’y a plus d’effet « waouh », » résume Alain Goudey.
Tim Cook, un gestionnaire
Cette position n’est pas totalement nouvelle pour Apple. « Historiquement, ils n’ont jamais été des pionniers », rappelle Philippe Silberzahn. Ils adoptent une stratégie de suiveur prudent. Il existait des téléphones portables avant l’iPhone et des baladeurs numériques MP3 avant l’iPod. Cependant, Apple a réussi à intégrer ces outils technologiques dans une expérience utilisateur parfaitement ajustée. Elle conserve d’autres avantages en dehors de son image de marque. Les puces, par exemple, dont la puissance de calcul permet aujourd’hui d’exécuter des modèles d’IA directement sur l’appareil, sans connexion Internet. « Apple semble à la traîne sur l’IA générative, mais c’est probablement intentionnel, analyse David Dubois, professeur à l’INSEAD. La marque privilégie une IA axée sur la performance, par exemple en photographie, plutôt qu’une IA cloud impressionnante mais gourmande en données. »
Cette stratégie est également liée à la personnalité de Tim Cook. En tant que successeur de Steve Jobs depuis 2011, il a métamorphosé Apple en un redoutable chef d’orchestre industriel, mais sans incarner la dimension disruptive de l’entreprise. « Steve Jobs était un visionnaire, parfois revanchard. Tim Cook n’a pas ce profil : c’est un bon gestionnaire, un pilote », résume Alain Goudey. « Il ne faut pas attendre de Cook qu’il soit créatif, mais il a mené la révolution industrielle », reconnaît Philippe Silberzahn. Étant donné qu’il est là depuis quinze ans, il se peut qu’il évolue dans un certain confort.
Reste à savoir quel sera le produit capable de raviver l’étincelle. « C’est la question à un milliard de dollars », sourit Philippe Silberzahn. Faut-il s’orienter vers un iPhone pliable, une nouvelle version de l’Apple Vision Pro, ou investir dans des « wearables », ces appareils IA portables sous forme de lunettes, colliers ou broches ? « Pour chaque idée, il existe des centaines de start-ups spécialisées prêtes à concurrencer », avertit le professeur de l’EM Lyon. Reste à voir si la future direction saura honorer son slogan : « Penser autrement ».

