Covid, baisses de dotations et violences : les maires jugent leur « mandat le plus difficile »
Au 107e Congrès des maires, André Laignel, maire PS d’Issoudun, a déclaré : « Un mandat sans précédent, six années d’épreuves et de combats. Il a commencé dans le confinement, il se termine dans la confusion. » Selon une enquête du Cevipof pour l’Association des maires de France, 58 % des maires ont l’intention de se représenter lors des municipales de mars prochain.

Au 107e Congrès des maires,
Cette semaine, les élus de toute la France se sont réunis au parc des expositions Porte de Versailles à Paris pour le 107e Congrès des maires. À quatre mois des élections municipales de 2026, ces rencontres ont pris des airs de bilan : « Un mandat sans précédent, six années d’épreuves et de combats. Il a commencé dans le confinement, il se termine dans la confusion », a déclaré André Laignel, maire PS d’Issoudun et premier vice-président délégué de l’AMF (Association des maires de France). 20 Minutes est allé à la rencontre des élus locaux pour évoquer ce mandat qui s’achève.
« Le mandat est mal parti »
« C’était l’un de mes mandats les plus compliqués », confie Louis Biscarrat, maire de Jonquières depuis 1989. « Ça a commencé par le Covid, avec un premier tour de scrutin organisé en mars, et ensuite on nous informe que le second tour sera en juin. Par la suite, des mois de flottement s’ensuivent, tout se faisait par visio, ce n’était pas très pratique… », précise cet élu centriste de la commune vauclusienne de 5 500 habitants. La pandémie a donc été la première épreuve. « Le mandat est mal parti, ça a été un départ tendu. Il a fallu tout repousser. Cela a empêché de plonger les nouveaux élus dans le bain, mais heureusement, le Covid a aussi révélé la solidarité sur nos territoires », ajoute Patrick Salinié, maire de Saint-André-Allas depuis 2014, en Dordogne. « Nous nous sommes rapidement organisés pour faire face à la pandémie, poursuit-il. Des personnes se sont proposées pour aider à fabriquer des masques, rassembler des tissus, les coudre ».
« La crise Covid nous a bloqués d’entrée. Je me souviens avoir circulé un peu partout pour trouver et distribuer des masques, des blouses, des gants au personnel médical, aller voir les personnes âgées… ça a été du système D, mais ça a fonctionné », confirme Marie-Cécile Gessant, maire de Sautron, au nord de Nantes, depuis 2008. « C’est vrai que cela a été le plus difficile de mes trois mandats », ajoute-t-elle.
« Ils ont mis le feu à l’hôtel de ville »
Tous les maires interrogés au Congrès évoquent les difficultés économiques des dernières années, pointant les réductions de dotation de l’État et les contraintes budgétaires imposées aux communes. « Nous avons parfois dû renoncer à des projets innovants ou les retarder. Et en conséquence, faire face à ce que j’appelle le chagrin municipal de nos administrés : »mais vous nous aviez promis de faire ceci ou cela, monsieur le maire ! » », témoigne Patrick Salinié.
« Le plus difficile dans ce mandat, c’est la manière dont on nous a réduits les subventions, l’augmentation des normes et des charges, tout cela s’additionne à la hausse des coûts de l’énergie et à l’inflation », renchérit Christophe Rouillon, maire PS de Coulaines, dans la Sarthe. « C’est un mandat difficile, il fallait du courage, mais nous sommes là pour y faire face. Nous sommes à portée d’engueulades. Il faut l’accepter, cela peut servir d’exutoire. Tant qu’il n’y a pas de violence… », ajoute l’élu, qui a déjà été victime de menaces de mort.
La violence est également l’un des marqueurs de ce mandat, selon plusieurs élus. Notamment lors des émeutes de l’été 2023, suite à la mort de Nahel à Nanterre lors d’un contrôle policier. « Dans notre commune, nous avons subi 48 heures de violences avec des tirs de feux d’artifice, des poubelles et des voitures brûlées. Trois jeunes ont mis le feu à l’hôtel de ville avec des mortiers », explique l’édile socialiste, qui avait été reçu par Emmanuel Macron à la suite de ces violences urbaines.
« On est en première ligne »
Jean-François Chorain, maire centre-droit de Marlhe, dans la Loire, a lui aussi été victime de menaces durant son mandat. « J’ai été enfermé dans mon bureau pour un différent immobilier avec un commerçant de ma commune. Il me menaçait : »tu ne sais pas ce que j’ai dans ma poche ». Finalement, les gendarmes sont intervenus », se lamentent l’élu de cette petite commune rurale de 1 400 habitants. « Face aux baisses des dotations, aux violences, nous faisons ce que nous pouvons. Oui, l’époque est compliquée, et nous, les maires, sommes en première ligne », dit-il.
« Je n’ai jamais subi de violences physiques mais je fais face à des insultes, des diffamations. Et quand il y a un problème, les gens ne discutent plus avec leurs voisins, ils se dirigent immédiatement vers le maire. Il y a une pression psychologique sur les élus, il faut être très solide », ajoute Marie-Cécile Gessant. « C’est sûr que nous ne nous sommes pas ennuyés pendant ce mandat, nous avons fait preuve d’esprit de résistance et de capacité d’adaptation, c’est aussi encourageant », nuance Christophe Rouillon. « C’est un de mes pires mandats entre le Covid, la tempête Alex, les dotations… c’est devenu plus difficile d’être maire aujourd’hui », déclare également Jean-Mario Lorenzi, maire de Sospel dans les Alpes-Maritimes depuis 1989.
Les élus rencontrés n’attendaient d’ailleurs pas grand-chose de la prise de parole de Sébastien Lecornu, dans l’après-midi, pour clore le Congrès. « Ah oui, je vais aller écouter la messe… », ironisait Louis Biscarrat quelques minutes avant l’intervention du Premier ministre. Il ajoute : « De toute façon, le mandat à venir sera encore plus compliqué. Tant que l’État n’aura pas résolu ses problèmes, ce sera difficile pour les communes. Il faut une forme mentale et physique olympique pour être maire », souligne l’élu, qui a décidé de ne pas se représenter après six mandats. Il ne sera pas le seul. Malgré la « fatigue » accumulée au cours des six dernières années, 58 % des maires ont l’intention de se présenter aux élections municipales de mars prochain, selon une enquête du Cevipof pour l’Association des maires de France.

