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« La lutte contre le narcotrafic, prétexte : guerre USA-Venezuela peu probable »

Le porte-avions Gerald R. Ford, d’un poids de 100.000 tonnes et d’une longueur de 337 mètres, se trouve dans la mer des Caraïbes à proximité des côtes vénézuéliennes. Selon un rapport officiel de la DEA de 2022, 97 % de la cocaïne saisie aux Etats-Unis provient de Colombie et ne transite donc pas par le Venezuela.

Au large des côtes vénézuéliennes, le porte-avions Gerald R. Ford se positionne dans la mer des Caraïbes. Ce géant de 100 000 tonnes et de 337 mètres de long symbolise les tensions entre le Venezuela et les États-Unis. Depuis plusieurs semaines, l’administration Trump déploie des militaires, des bases flottantes et des hélicoptères dans cette région, cherchant à mettre une pression sur Caracas. Officiellement, le président américain mène une lutte contre le narcotrafic, mais Nicolás Maduro, son homologue vénézuélien, l’accuse de vouloir le renverser.

« La lutte contre le narcotrafic n’est qu’un prétexte », analyse Thomas Posado, maître de conférences en civilisation latino-américaine à l’Université de Rouen. « Si c’était le véritable motif, d’autres pays seraient davantage concernés. Aux États-Unis, la drogue la plus mortelle est le Fentanyl, dont les composants proviennent de Chine, sont expédiés au Mexique puis transitent vers les États-Unis. La molécule ne passe pas par le Venezuela. Concernant la cocaïne, le Venezuela n’est pas l’itinéraire principal », poursuit l’auteur de Venezuela : de la révolution à l’effondrement. Selon un rapport de la DEA de 2022, 97 % de la cocaïne saisie aux États-Unis provient de Colombie et ne transite donc pas par le Venezuela, situé plus à l’est.

Une invasion terrestre ? « Ce n’est pas l’hypothèse la plus probable »

Bien que l’armée américaine ait déjà tué 83 personnes lors d’une vingtaine de raids contre des navires supposés appartenir à des narcotrafiquants, aucune attaque directe contre des institutions vénézuéliennes n’a été menée jusqu’à présent. « Une invasion terrestre n’est pas l’hypothèse la plus probable. Actuellement, le déploiement américain dans la mer des Caraïbes n’est pas suffisant pour envisager une invasion au sol du Venezuela », évalue Thomas Posado. L’armée vénézuélienne a également été déployée « massivement » sur son territoire et affirme qu’elle résistera fermement à « l’impérialisme américain ».

Début novembre, Donald Trump a déclaré « je ne pense pas » lorsqu’il a été interrogé par CBS sur la possibilité d’une guerre entre les deux nations. Toutefois, « une intervention aérienne de type bombardement, similaire à celle qui a eu lieu en Iran en juin dernier, ou l’assassinat de membres de l’administration Maduro, est envisageable », précise le spécialiste du Venezuela.

La stratégie de la pression maximale

Ce déploiement, le plus significatif dans cette région depuis des décennies, pourrait avoir des motivations politiques plus que stratégiques. En effet, « c’est une campagne de pression », souligne Thomas Posado. Donald Trump, issu du milieu immobilier new-yorkais, utilise régulièrement cette stratégie de mise sous pression, faisant face à ses adversaires avec des ultimatums pour obtenir ce qu’il souhaite. Dans ce contexte, le républicain recherche un changement de régime, d’autant que la réélection de Nicolás Maduro l’an dernier n’a pas été validée par une grande partie de la communauté internationale. Dès son premier mandat, Donald Trump a œuvré pour un changement de régime au Venezuela, reconnaissant Juan Guaidó, qui s’est autoproclamé président en 2019, et instaurant un embargo ayant contribué à environ la moitié de la crise économique du pays, observe Thomas Posado.

L’administration Trump, notamment à travers le Secrétaire d’État Marco Rubio et certains élus cubano-américains, « prône une ligne dure, fondée sur l’anticommunisme d’abord à Cuba, puis au Venezuela », ajoute-t-il. Il évoque aussi une « obsession » : celle de contrer l’influence de la Chine en Amérique latine, alors que le pays est devenu le premier partenaire commercial du continent. Un nouveau gouvernement plus en phase avec Washington serait bénéfique pour les États-Unis, qui se montrent également intéressés par la position géographique stratégique du Venezuela et ses réserves pétrolières.

Les dernières infos sur le Venezuela

Si un départ volontaire de Nicolás Maduro semble improbable, Washington pourrait obtenir des concessions pétrolières ou minières grâce à cette démonstration de force. Ces dernières semaines, le dirigeant vénézuélien a multiplié les appels à la « paix » pour contrer la pression militaire américaine. Lors d’un meeting, il a même entonné « Imagine » de John Lennon, une façon d’appeler à la désescalade avec Washington. Ce geste se distingue de la répression qu’il exerce sur son territoire et ne le préserve pas des regards américains.