Cookies : l’Europe ne va pas maintenir les fenêtres de consentement obligatoires.
La Commission européenne prépare une réforme pour supprimer les fenêtres intrusives au profit d’un réglage unique dans le navigateur. Le nouveau projet propose de déplacer ce consentement des sites web vers le navigateur, où les utilisateurs pourraient régler leurs préférences une bonne fois pour toutes.

Il était temps. Si vous avez l’impression de passer une grande partie de votre temps de navigation à fermer des fenêtres contextuelles avant même de lire la première ligne d’un article, vous n’êtes pas fou. C’est le quotidien de tout internaute européen.
La Commission européenne semble enfin déterminée à s’attaquer au problème de la « fatigue du consentement ». Le constat est clair : les bannières de cookies, censées nous protéger et nous informer, sont devenues des outils de harcèlement qui poussent à l’acceptation passive.
Le nouveau projet de Bruxelles propose de transférer ce consentement des sites web vers le navigateur. Concrètement, vous définiriez vos préférences une bonne fois pour toutes, et Chrome, Firefox ou Safari se chargeraient de dire « non » (ou « oui ») aux sites que vous visitez.
L’idée est attrayante sur le papier : votre choix serait mémorisé pour une durée minimale de six mois. Fini le rituel insupportable de la configuration manuelle à chaque visite.
Une réponse technique à un échec ergonomique
Techniquement, ce n’est pas une idée nouvelle. Les plus anciens d’entre vous se rappellent peut-être du « Do Not Track », cette initiative avortée permettant au navigateur de signaler le refus du pistage. La différence ici réside dans la contrainte légale. L’UE souhaite obliger les sites à se conformer à ce signal.
Pour aller plus loin
Le standard Do Not Track revu par l’EFF, AdBlock, DuckDuckGo et d’autres acteurs du Web
Plus intéressant encore, la réforme prévoit de faire le tri. Les cookies « inoffensifs », tels que ceux utilisés pour les mesures d’audience (statistiques de fréquentation) ou la gestion du panier d’achat, seraient exemptés de consentement. C’est logique : ces données ne servent pas à vous vendre des chaussures sur Instagram trois heures plus tard.
En France, la CNIL a déjà ouvert cette voie avec des exemptions pour certaines solutions comme Matomo ou AT Internet, mais l’harmonisation européenne fait cruellement défaut.
En attendant que les navigateurs adoptent ces standards (ce qui prendra du temps), l’UE propose une solution intermédiaire : des bannières simplifiées avec un choix binaire Oui/Non. Terminés les interfaces sombres où le bouton « Refuser » est gris sur fond gris, caché dans un sous-menu intitulé « Paramètres légitimes ». Hum hum.
Le vrai combat commence maintenant
Mais attendez. Ne criez pas victoire trop vite. Ce projet s’inscrit dans une réforme plus large de simplification numérique, mais il va se confronter à un obstacle majeur : l’industrie publicitaire.
Le modèle économique de milliers de sites repose sur la publicité ciblée. Si le navigateur est par défaut configuré sur « Refuser le suivi » (et qui ira cocher « Je veux être pisté » dans les paramètres de Chrome ?), c’est une source de revenus qui s’évapore pour l’AdTech. On peut s’attendre à un lobbying intense de l’IAB (Interactive Advertising Bureau) pour dépouiller le texte de sa substance.
Il existe également un risque paradoxal pour la vie privée. Si les navigateurs, qui appartiennent majoritairement à des géants (Google, Apple, Microsoft), deviennent les gardiens uniques de notre consentement, ne leur accorde-t-on pas davantage de pouvoir ? Google, avec sa Privacy Sandbox, tente déjà de remplacer les cookies tiers par ses propres systèmes de suivi. Centraliser le consentement pourrait, ironiquement, favoriser ceux qui contrôlent le navigateur, au détriment des acteurs indépendants.
Le chemin reste long. Le texte doit passer par le Parlement européen et obtenir l’accord des 27 États membres. Mais pour l’utilisateur final, la promesse d’un internet débarrassé de ces fenêtres intrusives est probablement la meilleure nouvelle de l’année.

