France

Ces usagers ne prennent pas leurs sacs à dos encombrants dans les transports en commun

Il est 18h57, les rames de la ligne 7 du métro parisien sont pleines à craquer et vous luttez pour votre équilibre. « Je comprends que ça agace les gens. D’ailleurs la plupart du temps, je fais l’effort de mettre mon sac sur mes genoux ou à mes pieds », témoigne Clément, baroudeur de la ligne 9 et du RER A parisien.


Cet ami qui nous inonde de photos de ses enfants, ce sportif qui dérange tout le monde à la salle avec son trépied, ce collègue qui vous juge si vous n’avez pas vu un film culte… L’idée de départ est simple : s’intéresser à ces petits gestes qui nous irritent au quotidien.

Aujourd’hui, direction les transports en commun. Après une journée de travail épuisante, nous nous trouvons devant les portes du métro, véritable pénitencier ambulant. Dans ce métro, notre espace personnel, déjà restreint, est encore réduit à cause de deux types de porteurs de sacs à dos : ceux qui le gardent sur leurs épaules et ceux qui le laissent sur le siège à côté d’eux.

Le fait agaçant

Il est 18h57, les rames de la ligne 7 du métro parisien sont bondées et vous devez vous battre pour garder votre équilibre. Vous aimeriez attraper une barre métallique, mais les faux endormis sur leurs strapontins et les porteurs de sacs à dos, chargés de tout leur malheur, vous en empêchent.

Arrivé à Châtelet, c’est le moment de changer. Le RER B vous attend au bout des interminables couloirs de la station. Une place assise serait appréciable, mais Jean-Michel avec son gros sac estime que ses affaires méritent davantage ce siège que vous. Vous restez donc debout, comme un imbécile.

Pourquoi c’est particulièrement agaçant

Parce que ce n’est pas le train de votre mère, voilà pourquoi. Chacun est dans la même galère et il est inacceptable de devoir se contorsionner ou de rester debout pour le confort de Pierre, Paul ou Jacques. Un peu d’altruisme et de savoir-vivre, est-ce trop demander ?

Plus précisément, les porteurs de sacs à dos au milieu de la rame peuvent causer des désagréments supplémentaires, surtout si vous êtes plutôt petit (disons sous 1,68 m). « La dernière fois, je me suis pris un coup de sac à dos sur la tête de la part d’un homme qui est monté à la hâte dans le wagon, raconte Marie. Et en plus, c’était quelque chose de bien poussiéreux, on dirait qu’il venait d’être roulé dans la terre juste pour m’embêter. »

Un coup malheureux qui pourrait faire tomber votre téléphone ou, pire, vous faire scroller involontairement et perdre de vue ce super reel Instagram que vous comptiez envoyer à la moitié de vos contacts. « Le pire, c’est qu’il a agi comme si de rien n’était, je n’ai même pas eu droit à un  »pardon ». »

Que disent les personnes gênantes ?

Le porteur de sac à dos peut être un sans-gêne sans scrupule. Cependant, il semble souvent atteindre un certain degré de dissonance cognitive. Comme Clément, utilisateur régulier de la ligne 9 et du RER A à Paris, qui semble avoir un savoir-vivre à la carte. « Je comprends que ça agace les gens. D’ailleurs, la plupart du temps, je fais l’effort de mettre mon sac sur mes genoux ou à mes pieds. Mais à la fin de la journée, quand je suis épuisé et que je trouve un siège, il m’arrive de poser mon sac et mon manteau à côté de moi pour essayer de décourager d’autres gens de s’asseoir. »

Le raisonnement de ce jeune commercial ne s’applique pas en cas d’affluence extrême. « Si le dernier siège du train est occupé par le sac de l’imbécile du bus, ça ne fait pas sérieux. En fait, l’idée, c’est qu’il y ait assez de places libres pour que les gens puissent s’asseoir. Personne ne va se battre pour déloger un sac ou une veste si deux rangées plus loin, il y en a une autre de disponible. » Un raisonnement discutable, mais intelligent tout de même.

Ce que dit la science

Historiquement, les usagers étaient habitués à occuper l’espace dans les transports en commun avec leurs affaires. « Au XIXe siècle, il était normal de transporter plein de choses avec soi car beaucoup de gens fabriquaient leurs marchandises à domicile, comme les couturières qui transportaient le tout dans les omnibus et les tramways », explique Arnaud Passalacqua, professeur spécialisé dans les questions de mobilité urbaine.

Cependant, l’évolution de la société et l’augmentation des densités dans les grandes métropoles ont remis en question l’acceptabilité des sacs et valises dans les métros. « À partir du moment où cette densité augmente, la question de la coexistence dans un même espace public et de la réduction de la distance entre les personnes se pose. De plus, l’espace public est un espace codé. Lorsque je dépose mon sac à dos à mes pieds et non sur le siège à côté de moi, ce sont des comportements attendus, pas des règles écrites. On pourrait également mentionner le fait de  »devoir » rester à droite dans les escalators. Dès qu’une personne transgresse une règle tacite de ce genre, cela crée un incident car cela casse l’harmonie de l’espace public. »

Comment dire à un gêneur qu’il est un gêneur ?

Comme souvent, le mieux est de confronter la personne à son comportement. C’est ce qu’a fait Marie. « Je lui ai demandé, en râlant bien sûr, d’enlever son sac à dos et il l’a fait immédiatement. Je lui reconnais au moins cela. » Mais cela nécessite des qualités aussi rares que du courage et de l’aplomb, souvent absents.

Nicolas, farouche opposant des sacs à dos, utilise donc une approche mêlant ruse et ingéniosité pour agir discrètement. « Pour les gens debout avec leur sac à dos, j’attends qu’il y ait du mouvement, par exemple quand un métro arrive à quai, et, profitant de la confusion, je pousse discrètement le sac de la personne pour qu’elle prenne conscience qu’elle l’a sur les épaules et qu’elle doit l’enlever. »