Belgique

Avoirs russes : stabiliser l’Ukraine sans nuire à la Belgique ?

Ursula von der Leyen a officiellement présenté les options envisagées pour garantir le financement de l’Ukraine dans un courrier adressé aux Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne (UE). Elle propose que les Etats membres fournissent à l’UE des garanties « juridiquement contraignantes, inconditionnelle, irrévocables » proportionnelles à leur revenu national brut.


C’est une promesse qui a mis du temps à se concrétiser, ce qui montre que le dossier est politiquement très sensible. Après plusieurs semaines d’attente, Ursula von der Leyen a officiellement présenté les options envisagées pour garantir le financement de l’Ukraine.

Dans une lettre adressée aux chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne (UE), la présidente de la Commission décrit les trois scénarios qu’elle estime capables de répondre aux besoins financiers urgents de l’Ukraine pour les deux prochaines années. Cela représente un enjeu essentiel tant pour Kiev que pour l’Union européenne. « Cela nous permettra de maintenir la pression sur la Russie, de lui refuser tout espoir de victoire, de poser les bases de la suspension des hostilités et de préparer les négociations de paix tant attendues », avertit la cheffe de l’Exécutif européen.

### Trois options à l’étude

La première option consiste à demander aux gouvernements de l’UE d’accorder directement des prêts à l’Ukraine, calculés en fonction de leur revenu national brut. Cependant, cette solution aurait un impact significatif sur les budgets nationaux, aggravant les déficits et les dettes publiques, ce qui paraît difficilement envisageable dans le contexte actuel.

La deuxième option se baserait sur les marges de manœuvre du budget de l’UE pour lever des fonds sur les marchés financiers. Plus concrètement, il s’agirait de créer une nouvelle dette commune, dont les intérêts seraient pris en charge par les États membres, qui devraient également offrir des garanties pour se protéger d’un éventuel défaut de remboursement. Cette solution serait également coûteuse et nécessiterait l’unanimité des 27, une perspective difficile à réaliser.

Une troisième option, inédite, proposerait un prêt « de réparation » d’environ 140 milliards d’euros, garanti par les avoirs russes immobilisés en Belgique chez Euroclear. Ce prêt à taux zéro serait remboursé ultérieurement grâce aux compensations que la Russie devra verser pour dommages de guerre.

### Les réserves de la Belgique

Lors du dernier sommet européen du 23 octobre, Bart de Wever a exprimé ses craintes quant au fait que la Belgique pourrait être la seule à supporter les risques juridiques et financiers de cette opération, d’autant plus que Moscou menace régulièrement le pays. Depuis quelques semaines, des drones mystérieux survolent des zones sensibles du Royaume. Dans La Libre Belgique, l’ambassadeur de la Fédération de Russie, Denis Gonchar, a ajouté que « toute tentative de confiscation ou d’utilisation des actifs souverains entraînera des mesures de rétorsion sévères, destinées à compenser le préjudice subi […] Ce serait l’ensevelissement définitif de la réputation financière de l’Europe en général, et de la Belgique en particulier. »

Pour se protéger de telles menaces, le Premier ministre Bart de Wever, tout en reconnaissant l’urgence de trouver une solution pour financer l’Ukraine, exige des garanties et la solidarité des États membres avant de donner son accord. Vendredi dernier, il a rencontré Ursula von der Leyen pour réitérer ses préoccupations. Dans la foulée, Ursula von der Leyen a envoyé sa lettre aux dirigeants européens, détaillant les garanties attendues par les États membres.

### Les garanties

Elle propose que les États membres fournissent à l’UE des garanties « juridiquement contraignantes, inconditionnelles, irrévocables » proportionnelles à leur revenu national brut. Elle recommande également d’élargir l’utilisation des avoirs russes immobilisés à tous les actifs souverains russes détenus par d’autres institutions financières européennes. Cette proposition fait écho aux appels de Bart de Wever à davantage de transparence et de solidarité, notamment de la part des pays qui détiennent également des avoirs russes immobilisés sur leur territoire.

Ursula von der Leyen reconnaît toutefois que cette approche innovante pourrait inquiéter les investisseurs dans la zone euro. « Un effort concerté de l’Union, et éventuellement des partenaires internationaux, serait nécessaire pour contrer cette perception », souligne-t-elle, espérant que ses partenaires adoptent « des mesures similaires à celle du prêt en réparation ». Le Royaume-Uni a déjà montré son intérêt pour ce mécanisme.

Un risque demeure, cependant : qu’un État membre bloque le renouvellement des sanctions contre la Russie, condition indispensable au maintien de ces avoirs gelés. Ce risque est plausible, étant donné que la Hongrie a déjà brandi cette menace.

### Un choix qui n’en est pas un

En résumé, la lettre de la présidente de la Commission souligne qu’il n’y a guère d’alternatives sérieuses à l’utilisation des avoirs russes immobilisés. « Cela reste le moyen le plus efficace pour soutenir la défense et l’économie de l’Ukraine », a-t-elle déjà affirmé devant le Parlement européen la semaine dernière.

Il incombe maintenant aux dirigeants européens d’examiner ces propositions, une tâche délicate. Bien que beaucoup saluent un pas vers une solution concrète, ils soulignent aussi le manque de clarté du texte. « Nous avançons en terre inconnue », souligne un diplomate européen, « difficile de s’engager sans avoir les détails de la proposition de la Commission. »

Le sujet sera au cœur du prochain sommet européen, prévu le 18 décembre. Les débats s’annoncent complexes.