France

Budget : 10 milliards d’euros de TVA en moins que prévu.

Environ 10 milliards d’euros devraient manquer à l’appel par rapport aux recettes de TVA prévues pour 2025, selon Bercy. La consommation des ménages ne devrait connaître qu’une maigre progression de 0,5 % en 2025, soit moitié moins qu’en 2024.

Mauvaise surprise. Lors de la révision des comptes annuels de l’État, Bercy a établi qu’environ 10 milliards d’euros devraient manquer par rapport aux recettes de TVA prévues pour 2025. Ce manque à gagner pourrait encore légèrement évoluer d’ici la fin décembre, que ce soit dans un sens ou dans l’autre. Toutefois, à un mois de l’échéance, il est évident que le ministère de l’Économie a commis une erreur significative dans ses prévisions.

Devant la Commission des finances du Sénat, Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics, a reconnu « une situation préoccupante » et a indiqué que le « sujet TVA » devenait une affaire sérieuse. Il s’agit de la troisième année consécutive avec une surestimation importante de cette recette fiscale, comme l’a souligné le député (Liot) Charles de Courson, ancien rapporteur du budget.

Un montant difficile à cerner ?

Mais pourquoi ces milliards disparaissent-ils ? « Il peut y avoir des changements dans la conjoncture difficilement prévisibles », admet Dominique Plihon, économiste et ancien membre du Conseil d’Analyse Économique (CAE), qui conseille directement le Premier ministre. Un climat politique plus tendu, une guerre menaçante, une crise écologique… « Tous ces facteurs peuvent influencer le moral des Français, susciter des inquiétudes ou les inciter à attendre de meilleures opportunités », souligne l’expert. Au final, cela conduit à moins de dépenses. Or, la TVA est directement liée à la consommation, étant une taxe prélevée sur chaque achat des consommateurs.

Bercy, de son côté, reproche aux colis, notamment ceux de Shein et Temu, de fausser les estimations. Leur valeur serait supérieure à celle déclarée, entraînant ainsi une diminution des recettes de TVA. En outre, le ministère de l’Économie évoque une fraude à la consommation, qu’il évalue à au moins un milliard d’euros.

Un autre facteur à prendre en compte : l’importance des montants en jeu. Trois, deux, un… des chiffres conséquents : 60 % de la croissance provient de la consommation des ménages, la TVA représente 37 % des recettes fiscales du pays, et elle dépasse allègrement les 200 milliards d’euros annuels. À ce niveau, la moindre variation peut entraîner des conséquences majeures. Ces 10 milliards d’euros d’erreur sont certes significatifs, mais Bercy pourra toujours argumenter qu’il s’est trompé de moins de 5 %.

L’optimisme excessif et idéologique de Bercy

Peut-on vraiment le disculper ? « Certes, on ne peut pas prévoir les recettes fiscales avec une précision extrême, mais il était possible de faire mieux », affirme Anne-Sophie Alsif, cheffe économique au Bureau d’informations et de prévisions économiques (BIPE). Si le ministère de l’Économie peut justifier certaines erreurs, il a également sa part de responsabilité, insiste Dominique Plihon : « Les responsables politiques ont tendance à être systématiquement trop optimistes dans leurs prévisions de croissance, et par conséquent de consommation, afin de montrer que le budget sera équilibré ou que le déficit ne sera pas trop élevé. »

Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics.
Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics. - JEANNE ACCORSINI/SIPA

S’ils surestiment la croissance, les responsables politiques, y compris ceux de Bercy, ont également tendance à sous-estimer « l’impact négatif des politiques d’austérité menées depuis plusieurs années », affirme l’expert. « Quand on réduit les allocations chômage, le remboursement des médicaments, cela entraîne une baisse de l’activité et une diminution de la consommation. »

Une équation trop automatique

Selon Anne-Sophie Alsif, « les prévisions reposent encore trop sur un modèle automatique. Plus on stimule la demande, plus on aura de consommation, donc de TVA. » Ce modèle a fonctionné jusqu’à la pandémie de Covid, période à partir de laquelle les prévisions ont commencé à rencontrer des difficultés. Depuis, Bercy accumule les erreurs.

Auparavant, les stimuli budgétaires — comme l’indexation sur l’inflation, les primes ou l’allocation de rentrée — « étaient extrêmement ciblés. Quand vous accordez une allocation de rentrée, vous la destinez à des personnes à faibles revenus qui vont forcément consommer, car elles n’ont pas de quoi épargner. » Par conséquent, cette aide se traduit directement par une consommation, et donc, in fine, par de la TVA. La logique de Bercy était ainsi respectée.

« Tous les ménages sont arrosés »

Depuis le Covid et la politique du « Quoiqu’il en coûte », les stimuli budgétaires sont beaucoup moins bien ciblés. « Tous les ménages bénéficient de ces aides, quel que soit leur revenu. Or, on peut affirmer qu’au-dessus de 2,1 smic, une personne qui reçoit encore de l’aide aura tendance à épargner », souligne Anne-Sophie Alsif. Elle mentionne notamment l’indexation des retraites sur l’inflation, qui a coûté 25 milliards d’euros, dont 19 milliards ont été épargnés, soit 75 % du montant, ne générant ainsi aucune recette de TVA.

Pour l’ensemble de l’année 2025, la consommation des ménages devrait enregistrer une faible augmentation de 0,5 %, soit la moitié de la progression de 2024 (1 %). Cela, malgré un pouvoir d’achat qui a évolué positivement durant les premiers mois de cette année, les hausses de salaire dépassant largement l’inflation. « Le modèle ne prend pas suffisamment en compte les prévisions d’épargne, et Bercy manque de corrections plus fines sur son modèle », juge Anne-Sophie Alsif. Amélie de Montchalin a annoncé le 13 novembre avoir mandaté une « mission d’urgence » sur ce sujet à « tous les services de Bercy ». Le résultat de cette mission sera connu en 2026.